Foursquare, l’histoire de la chute d’un précurseur de la Géolocalisation

Foursquare, l’histoire de la chute d’un précurseur de la Géolocalisation

 

Où sont passés les drogués du « checking », les « maires » virtuels un brin narcissiques, les accros à la géolocalisation partagée ? Lancé en 2009, le site Foursquare, qui permettait à ses débuts de situer ses activités et lieux favoris, fait, six ans plus tard, pâle figure face aux nouveaux services de géolocalisation. Au premier trimestre 2014, la société fondée à New York générait encore difficilement 21 millions de dollars, quand Yelp, – son nouveau grand concurrent depuis le repositionnement de Foursquare sur la recommandation de lieux, affichait une santé insolente, à 73,5 millions. Cela ressemble a un grand gâchis, alors qu’en 2018, le marché de la géolocalisation représentera aux Etats-Unis 2,3 milliards d’euros, selon le cabinet Berg Insight.

Foursquare, l’histoire de la chute d’un précurseur de la Géolocalisation

Comment expliquer cette déconvenue ? «(Foursquare) sera peut-être le prochain Twitter », claironnait en 2009 Mashable qui s’attendait comme les autres à voir une nouvelle success story à l’américaine. Le site dirigé par Dennis Crowley était en effet précurseur : pour la première fois, la géolocalisation était couplée aux services de partage d’un réseau social. Même un astrononaute avait fait son « checking » depuis la station spatiale.

1. Le temps passé sur le gaming

A l’époque, on compare le site, très orienté vers le gaming, au jeu sur iPhone Gowalla (qui a fermé en 2012), et à Google Latitude (supprimé également en 2013 au profit de Google+). Le site disponible sur Playfoursquare.com ne peut d’ailleurs pas encore se payer le nom de domaine foursquare.com.

Seulement voilà, Foursquare a tardé à clarifier son modèle économique. Entre l’annuaire interactif et la gamification, le site qui revendique aujourd’hui pourtant 55 millions de membres à travers le monde, et 6 milliards de check-ins, hésite longtemps. Ses errements sur le positionnement s’en font ressentir jusque dans sa communication externe.

Foursquare, l’histoire de la chute d’un précurseur de la Géolocalisation

Il a toujours été difficile de dire si Foursquare était plus pour les entreprises et les commerces ou si l’usage était pour le grand public », explique à Frenchweb Emilie Ogez*, consultante en médias sociaux et community management, qui, comme beaucoup, voit pourtant en 2009 le grand potentiel de Foursquare. « Il m’arrive de proposer ce service aux entreprises mais beaucoup répondent qu’elles ne connaissent pas. Je me rappelle d’un client chez Flunch. A l’époque, si vous étiez maire de Flunch, vous aviez un café offert. Une personne devient maire, se présente à la caisse, et la caissière est restée incrédule », raconte-t-elle.

2. Une communication pas carrée

L’erreur de Foursquare est d’abord sur sa communication. « Il aurait du mettre en place un vrai accompagnement pour expliquer aux entreprises, comme l’ont très bien fait Twitter ou Facebook », poursuit Emilie Ogez.

Malgré les levées de fonds qui s’enchaînent, et une proposition de rachat à 140 millions de dollars (sans doute de Facebook) que Dennis Crowley refuse, les errements stratégiques de Foursquare vont laisser champ libre aux opportunistes de la géolocalisation. Il y a d’abord les opposants historiques à devancer : Yelp, TellMeWhere, Aka-Aki en Allemagne (clos en 2012). En France, ce sont DisMoiOù, JustAroundUs (JAU), et Plyce (dans lequel l’investisseur Marc Simoncini voit « un Foursquare européen ») qui attaquent le segment. Ce dernier s’est d’ailleurs aussi repositionner en 2011 pour proposer des réductions géolocalisées et monétiser son audience.

3. L’application dégringole dans les stores

Mais il y a aussi et surtout les géants du Web qui ont, eux, accolé la géolocalisation à leurs services d’origine. Plus claire, et peut-être plus rassurante, à l’heure où l’accumulation des données géographiques commence à effrayer les utilisateurs. Facebook annonce donner la possibilité en septembre 2010 à ses utilisateurs de géolocaliser leurs partages. Ils peuvent aussi indiquer l’endroit où il se trouve. Et puis Instagram, et Pinterest sautent sur l’occasion, le second avec ses « épingles géolocalisées ».

Surtout, la géolocalisation devient de plus en plus pratique. TripAdvisor et sa start-up LaFourchette indiquent les réductions dans les restaurants à proximité, et rien d’autre. Les Tinder et Happn localisent les célibataires à proximité. Et les Uber et autres VTC organisent peu à peu le partage de voitures entre particuliers. Ainsi, la promesse du carré s’affaiblit au fil des ans. Dans l’apple store américain, l’application dégringole de 44e place en 2011 à la 923e place en octobre 2014.

Obligée de réagir, la société scinde ses activités -imitant Facebook avec sa messagerie- et dégaine en juillet 2014 « Swarm », l’application mobile pour retrouver ses amis autour de soi et pour comparer ses performances entre « celui qui va le plus au cinéma, au bar, ou au musée ». La même année, c’est aussi l’hémorragie ; elle voit les départs simultanés et volontaires du porte-parole, du directeur des opérations, du directeur commercial et du directeur technique. Les cofondateurs font tout pour remotiver les 170 employés à New York, San Francisco et Londres. Ils « teasent » en interne sur « un sprint » pour relancer « Batman » (Foursquare) » et lancer « Robin » (Swarm).

Pendant les quelques mois suivants la sortie de « l’essaim » (swarm), l’entreprise encore adulée par les médias américains vit une sorte d’état de grâce. La nouvelle application Foursquare enregistre 40 millions de « goûts » enregistrés. Et 200 000 personnes choisissent la personnalisation de leur interface. De son côté Swarm croît de 198% de juillet à août 2014, à 2,1 millions d’utilisateurs mobiles.

Des résultats qui ne doivent pas masquer la réalité du marché à Foursquare :

Il y avait chez eux une sorte de logique « je crée une start-up et je vais voir comment cela évolue ». En somme, ils ont attendu que « ça monte » et que leur concept explose comme les autres pépites américaines. Ils auraient dû régulièrement proposer de nouvelles fonctionnalités et permettre l’appropriation du public, et surtout ne plus tâtonner », résume Emilie Ogez.

Nul n’ose prédire encore la disparition définitive de Foursquare en 2015. La société n’a en tout cas plus les moyens de s’offrir des moments d’hésitations. Sur le Web, ils peuvent coûter la survie.

* auteur de : « 101 questions sur Twitter », éditions Diateino.

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