Licenciement d’un salarié placé en garde à vue

Le placement en garde à vue peut conduire l’employeur à constater un manquement de l’employé à ses obligations contractuelles et l’amener à licencier le salarié pour un motif tiré de la vie personnelle.

Licenciement d’un salarié placé en garde à vue

 

Serge Aurier en garde à vue après une altercation avec la BAC, amène GE RH Expert à vous proposer cet article d’actualité.

Licenciement d’un salarié placé en garde à vue

La garde à vue est caractérisée par le maintien à disposition, sous contrainte, d’une personne soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre une infraction.

Il ne s’agit pas en soi d’une condamnation pénale mais d’une mesure privative de liberté pour les besoins de l’enquête, d’une durée strictement limitée permettant éventuellement de déboucher sur des condamnations pénales.

En 2009, 900 000 personnes ont été placées en garde à vue.

Bien que ce nombre ait été considérablement réduit suites aux réformes effectuées en 2011, il reste que de nombreuses personnes se retrouvent placées en garde à vue pour des faits plus ou moins graves, voire par erreur (allant de la suspicion de commission d’un crime ou d’un acte de terrorisme à la conduite en état d’ébriété, la détention de supéfiants ou l’outrage à agent).

Une telle mesure peut avoir des répercussions dans la vie d’un salarié et dans la vie de l’entreprise.

De ce fait, on peut se demander quelles sont les conséquences d’un placement en garde à vue sur la relation de travail ?

Est ce qu’un employeur peut licencier son salarié du seul fait que celui-ci ait fait l’objet d’un placement en garde à vue ?

Bien qu’en principe, les événements relevant de la sphère privée n’ont pas à être pris en compte par l’employeur au titre de ses prérogatives disciplinaires, il est admis qu’en cas de faits affectant la relation de travail, celui-ci puisse licencier son salarié en raison du placement de ce dernier en garde à vue.
I/ Principe de la protection de la vie privée

En vertu du droit de chacun au respect de sa vie privée, les éléments issus de celle-ci ne peuvent légitimement fonder la rupture du contrat de travail (art. 9 du Code civil).

Les faits reprochés par l’employeur au salarié qui relèvent de sa vie personnelle, ne peuvent constituer une faute (Cass. soc., 16 déc. 1997).

De la même manière, un fait de la vie privée ne peut donner lieu à une sanction disciplinaire mais seulement à un licenciement justifié éventuellement par le trouble causé à l’entreprise par le manquement du salarié (Cass. soc., 27 janv. 2010).

En effet, la sanction disciplinaire relève uniquement du pouvoir disciplinaire de l’employeur dans le cadre stricte de l’entreprise.

Cependant, ce principe de la protection de la vie personnelle du salarié suppose que les éléments en cause ne soient pas liés à la sphère professionnelle.

Le problème étant que les lignes de démarcation entre la sphère professionnelle et la sphère privée sont souvent difficiles à tracer et un employeur devra être attentif aux motifs qui l’amènent à licencier son salarié au risque de voir cette mesure requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

II/ Circonstances extérieures affectant la relation salariale
Des circonstances extérieures à la vie professionnelle qui relèvent de la vie privée du salarié peuvent toutefois être prises en compte si elles affectent la relation salariale.

Il peut en effet être procédé à un licenciement pour une cause tirée de la vie privée du salarié si le comportement de celui-ci compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière (Cass. soc., 22 janv. 1992).

Une mesure de garde à vue peut tout à fait constituer une circonstance extérieure affectant la relation de travail.

Cependant, le simple fait de dissimuler à son employeur son placement en garde à vue ne peut être constitutif d’une faute permettant à celui-ci de licencier le salarié pour absence injustifiée, ce fait relevant en soi de la vie privée (Cass. soc., 16 sept. 2009).

III/ Hypothèse dans lesquelles une garde à vue peut justifier un licenciement

Dans certaines circonstances, l’employeur pourra licencier le salarié pour cause réelle et sérieuse en se fondant sur son placement en garde à vue.

La légalité de cette action dépendre alors des éléments portés à la connaissance de l’employeur au moment du placement ainsi que de la condition tenant à ce que ce placement affecte manifestement la vie de l’entreprise.

Dans le cas d’un manquement contractuel

Le placement en garde à vue peut conduire l’employeur à constater un manquement de l’employé à ses obligations contractuelles et l’amener à licencier le salarié pour un motif tiré de la vie personnelle.

C’est par exemple le cas d’un retrait de permis de conduire pour un salarié exerçant des fonctions de chauffeur (Cass. soc., 3 mai 2011).

Il a également été jugé valide le licenciement pour faute grave d’un salarié placé en garde à vue qui, chargé de mission au sein d’un centre de jeunesse, détenait dans son logement des photos pornographiques de mineurs (Cass. soc., 8 nov. 2011).

La faute était ici constituée par un manquement du salarié à ses obligations de loyauté et de probité inhérentes à son contrat de travail.

Enfin, repose sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié, mis en garde à vue puis condamné en raison de violences commises à l’encontre de son amie dans un appartement que lui louait son employeur (Cass. soc., 14 sept. 2010).

Dans cette affaire, l’employeur était une société d’HLM qui avait dû reloger en urgence la famille de la victime, également locataire de la même société d’HLM au détriment de ses règles habituelles d’attribution des logements sociaux.

Dans le cas d’agissement délictuels ou criminels

L’employeur peut également engager la procédure de licenciement lorsqu’il est porté à sa connaissance des événements graves pouvant débouchés sur des condamnations pénales sérieuses.

Prenons à présent un exemple grave qui justifie sans aucun doute le licenciement immédiat du salarié.

Un salarié commet un meurtre et découpe la victime. Il jette dans une poubelle de l’entreprise les objets qui ont servi à la commission de son crime. L’employeur découvre les objets et interroge l’employé qui avoue les faits.

Ce dernier est immédiatement placé en garde à vue et l’employeur engage une procédure de licenciement pour faute grave en raison du trouble occasionné par les événements au bon fonctionnement de son entreprise.

Par la suite, le salarié va saisir le Conseil de prud’hommes pour contester le caractère réel et sérieux du licenciement. La juridiction lui donnera tort en retenant le trouble psychologique du personnel suite aux événements, mais aussi le discrédit lancé sur l’employeur du fait des fonctions exercées par l’intéressé au sein de l’entreprise, celui-ci étant chargé de la découpe de la viande (Cons. prud’h. Nancy, sect. activités diverses, 2 juin 2005).

Le licenciement d’un salarié placé en garde à vue est possible lorsque les actes qui l’y ont conduit, quoique commis dans le cadre de sa vie personnelle, sont étroitement liés à son activité professionnelle.

Cependant, il est déconseillé sauf preuves incontestables (et recevables) d’engager une procédure de licenciement sans avoir connaissances des suites qui auront été donné à la garde à vue (condamnation, relaxe, non lieu…).

En effet, un employeur qui licencierait un salarié au seul motif que celui-ci ait été placé en garde à vue pourrait se voir opposé par ce même salarié, dans le cas où la garde à vue n’aurait débouché sur aucune condamnation pénale, une procédure prud’homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

De surcroît si les faits ont été commis sur le lieu de travail. L’employeur ne pouvant se substituer au juge pénal (par exemple dans l’hypothèse d’un vol commis sur le lieu de travail).

Dans ce dernier cas, l’employeur qui reproche au salarié des faits pouvant donner lieu à des poursuites pénales peut décider sa mise à pied à titre conservatoire, si cela est justifié, sans engager aussitôt la procédure de licenciement (Cass. soc., 4 décembre 2012).

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.

Vous pouvez me poser vos questions sur conseiller juridique.net : http://www.conseil-juridique.net/joan-dray/avocat-1647.htm

Joan DRAY

 

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