Portrait social contrasté de l’Hébergement Restauration à l’aune de ses conventions collectives

Les femmes représentent désormais d’1 salarié sur 2 dans l’Hôtellerie Restauration. Elles sont même majoritaires dans la restauration collective sous contrat. Mais leur salaire reste inférieur à celui des hommes. Sauf pour celles exerçant dans la restauration rapide. Photo : davit85 – Adobe Stock

 

Comparaison n’est pas raison, certes… Mais elle n’est jamais inutile. Quand il s’agit d’analyser, d’abord, les spécificités de chaque secteur d’activité. Pour mieux comprendre, ensuite, son contexte social. La recherche conduite par l’Insee et le ministère du Travail permet, ainsi, de dresser un panorama social précis du salariat en France et de ses singularités…

Panorama qui se fragmente ensuite en portraits propres à chaque branche professionnelle. Portraits qui seraient encore davantage contrastés sans la présence d’ indispensables garde-fou. La durée légale de travail, le salaire minimum (SMIC) et plus largement la législation du Travail.

Cette législation intime aux partenaires sociaux d’adopter des conventions collectives, conçues pour limiter les inégalités de situation sociale entre entreprises d’un même secteur. Mais aussi améliorer les conditions de travail et de rémunération des salariés. Belle ambition et vaste programme… C’est donc à partir des données de ces conventions collectives, recensées par le ministère du Travail, et des statistiques démographiques sur les entreprises, établies par l’Insee, que nous avons pu reconstituer ce portrait de la branche Hôtellerie Restauration.

Première spécificité, la prédominance démographique des TPE

Le poids démographique de ses TPE (Très Petites Entreprises) constitue la première spécificité de la branche H&R. Près de 39 % de ses salariés couverts par une convention collective (qu’on désignera ici par CC) travaillent dans une entreprise comptant de 1 à 9 salariés. Contre 20 % des salariés de l’ensemble des 495 branches couvertes par une CC. Ce taux atteint même 48 % dans les HCR, contre 2 % seulement dans la restauration de collectivités (appelée aussi restauration collective sous contrat).

Les HCR ne constituent pas pour autant le secteur le plus atomisé. Les TPE emploient en effet 85 % des salariés des salons de coiffure. 73 % des salariés des pharmacies d’officine. 68 % de ceux des cabinets médicaux. Ou encore 60 % des salariés des boulangeries.

La taille même des entreprises des HCR ne constitue, pour autant, un trait différenciant. Si 86 % d’entre elles sont des TPE, 82,5% le sont également dans l’ensemble de l’économie française. A contrario, 67 % seulement des restaurants de collectivités sont des TPE.

Sur représentation des employés, sous représentation des cadres

La deuxième différenciation majeure tient à la composition de ses catégories socioprofessionnelles. 84 % des salariés de la branche sont des employés (70 %) ou des ouvriers (14%). Contre respectivement 32 % et 29 % dans l’ensemble des branches. Au sein de l’H&R, c’est la restauration rapide qui emploie la plus grosse proportion d’employés et d’ouvriers (86 % au total). Une poignée de branches enregistrent des taux supérieurs. Dont les aides à domicile et les agents de sécurité (93 %). Et les salons de coiffure (95 % de leurs salariés sont des employés).

A l’autre bout de l’échelle socioprofessionnelle, l’H&R emploie peu de  cadres. Ils ne représentent que 8 % de ses effectifs, et seulement même 4,5 % dans la restauration rapide. Alors que les cadres représentent 19 % des effectifs salariés de l’ensemble des branches. Les bureaux d’études techniques, les banques et les télécoms atteignant même des taux records. Respectivement 63 %, 58 % et 56 %.

Le poids important du temps partiel, qui concerne 1 salarié sur 3, constitue une troisième distinction essentielle de l’H&R. Il devient même prépondérant dans la restauration rapide (63,4%). C’est l’un des secteurs qui en comptent le plus, avec le la propreté (68 %) et les service à la personne (82 %).

Des salaires moyens nets mensuels ETP inférieurs aux moyennes nationales

Dernière différence de taille, la jeunesse des effectifs de l’Hôtellerie Restauration. 38 % de ses salariés sont âgés de moins de 30 ans, contre 22 % pour l’ensemble des branches couvertes par une CC. Mais c’est au sein que l’on repère également les proportions extrêmes. Tout secteur d’activité confondu, la restauration rapide est celui qui emploie le plus de jeunes (68 %). Tandis que la restauration collective est l’un de ceux qui en attirent le moins ( 13 %).

A l’inverse, ce même secteur emploie 33 % de salariés de 50 ans ou plus, contre 27 % dans l’ensemble de l’économie. Quelques secteurs affichent des taux plus élevés encore. A commencer par le secteur des entreprises de propreté (38 %) et des aides à domicile (42 %). Le record de l’ancienneté étant détenu par la CC des gardiens et concierges d’immeubles, dont 65% des salariés ont plus de 49 ans.

Force est de le constater ! Le salaire mensuel net moyen d’un équivalent temps plein (EQTP)  de la branche est nettement inférieur à celui de l’ensemble des conventions collectives de branche. 1 680 euros contre 2 310 euros, soit une différence de 28 %. Ces salaires EQTP s’échelonnent de 1320 euros (services à la personne) à 4 400 euros (métallurgie cadres).

Ce désavantage tient en grande partie à la faible proportion de cadres dans l’H&R. Une forte présence de cadres booste, en effet, le salaire moyen de la branche. Ainsi, les branches où le salaire est supérieur à 3 000 euros ont au moins 24 % de cadres dans leurs effectifs.

Les cadres de la restauration collective sous contrat beaucoup mieux rémunérés que dans la rapide 

Pour autant, si l’on compare cette fois ces EQTP pour chaque catégorie socio-professionnelle, la différence joue là quasi systématiquement en défaveur des H&R. A titre d’exemple, le salaire moyen net d’un employé des HCR atteint 1 500 euros contre 1 620 euros dans l’ensemble  conventions collectives. Il se situe plus beaucoup près du plancher bas de 1 270 euros appliqué dans  les services à la personne que du plancher haut de 2 360 euros ne vigueur dans l’industrie pharmaceutique. Le ministère du Travail explique ces écarts s’expliquent par l’hétérogénéité des postes occupés et par les différences de structure par âge.

Ces écarts sont encore plus marqués chez les cadres. D’abord au sein même de la branche H&R. Le salaire EQTP d’un cadre de la restauration collective atteint 4050 euros quand il ne dépasse pas 2 320 euros dans la restauration rapide. En comparaison, des autres branches, le salaire d’un cadre EQTP de l’Hébergement Restauration plafonne à 2 960 euros quand il atteint en moyenne 4 040 euros dans l’ensemble des branches. Il dépasse même les 5 000 euros dans les banques, les transports aériens-personnel au sol,  les industries chimiques et les industries pharmaceutiques. S’agissant du secteur Hôtel Café Restaurant, le salaire d’un cadre EQTP s’élève à 2 810 euros . C’est nettement plus que ce son homologue salarié d’un salon de coiffure (1 820 euros), d’une boulangerie pâtisserie artisanale (1 930 euros) ou un commerce de détail de fruits et légumes et épicerie (2 460 euros).

Un taux de rémunérations proches du Smic plus faible que la proportion d’ouvriers et d’employés

S’agissant du SMIC, en dépit d’une prépondérance d’ouvriers et employés (84 % de ses effectifs), la branche ne compte que 10,4 % de salariés percevant une rémunération proche du Smic, soit entre 1 et 1,05 Smic. C’est toutefois 4 points de plus que la moyenne nationale. Mais c’est aussi 10 points de moins que cette dizaine des secteurs qui comptent au moins plus de 20 % salariés touchant le Smic  ou légèrement plus. Parmi lesquels la coiffure, l’esthétique, la parfumerie (environ 23 %) et l’aide à domicile (29 %). Ou encore, triste record, les services à la personne (43 % de Smicards !).

A l’inverse, le taux de salariés touchant un salaire égal ou supérieur à trois fois le Smic est extrêmement bas. 3 % seulement contre 12 % pour les autres branches. Tout simplement parce que la branche n’emploie que 8 % de cadres contre 19 % ailleurs. Les branches qui emploient  le plus de cadres sont  celles où la proportion de salaires supérieurs à trois Smic est  la plus élevée. On citera les bureaux d’études techniques (24 % de ses salariés touchent au moins 3 fois le Smic). Et au sommet de l’échelle les banques (38 % de ses salariés !)

(les branches catégorielles cadres, les bureaux d’études, les sociétés d’assurance, les  banques, les télécommunications, l’industrie pharmaceutique, etc.)

Autre critère social clef, les écarts de rémunération entre hommes et femmes. Qui demeurent quasi systématiquement en défaveur des femmes. Dans ce domaine, la branche H&R fait un peu mieux (ou moins mal…) L’écart moyen pour un EQTP s’élève à  9,5 %  quand il culmine à 19 % pour les autres branches et même 20 % dans les boulangeries. Sur ce critère précis, la restauration rapide fait figure de bon élève avec un écart global limité à 2 %. L’écart jouant même significativement en faveur de ses cadres femmes (+1,9 %).

Des écarts plus importants encore entre les formes de restauration
qu’avec les autres secteurs

La restauration rapide, par exemple, emploie majoritairement des jeunes à temps partiel.
Les Hôtels Cafés Restaurants, de leur côté, recourent deux fois plus aux CDD (saisonniers). Ils emploient également quatre fois plus d’apprentis que la restauration rapide et la restauration de collectivités.
Cette dernière est la seule à salarier en majorité des femmes et à compter autant de professions intermédiaires.

Champ : conventions collectives de branches en 2017
Source :
Insee, DSN/DADS 2017 (fichier exhaustif) ; calculs Dares
Tableau : HR-infos

Des salaires mensuels nets assez proches selon les secteurs, à l’exception des cadres

La restauration de collectivités (dite aussi restauration collective sous contrat) se distingue des deux autres secteurs de la branche par le niveau plus élevé de rémunération de ses cadres.
La restauration rapide, elle, compte près d’1 salarié sur 4 payé au niveau du Smic.
Ce n’est le cas que d’1 salarié sur 10 dans les HCR.

Champ : conventions collectives de branches en 2017
Source :
Insee, DSN/DADS 2017 (fichier exhaustif) ; calculs Dares
Tableau : HR-infos

Des écarts de salaires femmes/hommes moins élevés que dans les autres secteurs d’activité

La restauration rapide, sur ce critère là, ferait presque figure de bon élève…
Elle rétribue même légèrement plus ses salariées cadres, employées et ouvrières.
A contrario, la restauration de collectivités rémunère nettement moins les femmes que les hommes. Et cela à tous les échelons, des ouvriers aux cadres.

Champ : conventions collectives de branches en 2017
Source :
Insee, DSN/DADS 2017 (fichier exhaustif) ; calculs Dares
Tableau : HR-infos

Les bases de données utilisées par HR-infos pour réaliser cette étude
Précisions sur le champ Hôtellerie & Restauration

La catégorie Hôtellerie & Restauration englobe également le secteur Tourisme.
Ce regroupement statistique opéré par l’Insee ne modifie pas les grandes tendances.
Sur les 985 500 salariés regroupés sous la branche Hôtellerie, Restauration et Tourisme, 94,2 % sont régis par des des conventions collectives des secteurs de l’Hébergement Restauration. Cafétérias, hôtellerie de plein air et restauration ferroviaire inclus.
3,3 % de ces 985 500 salariés sont des salariés par des agences de voyages. 2,5 % dépendent d’organismes de tourisme à but non lucratif ou social et familial. Et 1,5 % sont salariés de casinos.