Perte d’exploitation : les tribunaux donnent-ils raison aux commerçants ?

 

De nombreux jugements ont déjà été rendus quant à l’obligation ou non pour les assureurs de prendre en charge la perte d’exploitation des commerçants. Avec des décisions contradictoires selon les juridictions.

 

Perte d’exploitation : les tribunaux donnent-ils raison aux commerçants ?

Près d’un an après la première fermeture imposée aux commerces dits « non essentiels », commerçants et assureurs se déchirent toujours à propos de l’indemnisation de la perte d’exploitation. Mais dans les tribunaux, difficile aujourd’hui de dégager une jurisprudence claire, tant les décisions peuvent parfois être contradictoires en fonction des tribunaux de commerce. Le cas de la clause d’Axa notamment, qui stipule que « la garantie perte d’exploitation ne joue pas si l’interruption d’activité touche plusieurs établissements dans une même région ou au niveau national », fait encore beaucoup débat.

Des jugements contradictoires sur les clauses d’exclusions

Dernier exemple en date, six restaurateurs qui demandaient à Axa l’indemnisation des pertes d’exploitation pour les fermetures liées au confinement ont été déboutés le 11 janvier par le tribunal de commerce de Bordeaux. Dans les jugements, le tribunal estime ainsi que les contrats concernés excluent la prise en charge des pertes d’exploitation « lorsqu’à la date de décision de fermeture, au moins un autre établissement (…) fait l’objet sur le même territoire départemental que celui de d’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative pour cause identique ». Mais d’ores et déjà, l’avocat des restaurateurs, François Drageon, a décidé de faire appel de ce jugement, justifiant qu’il irait selon lui à l’encontre d’une majorité de décisions rendues au sein d’autres juridictions.

Les faits sont là. Le 22 décembre dernier par exemple, le tribunal de commerce d’Annecy a cette fois-ci condamné Axa à indemniser un hôtel-restaurant des Gets (Haute-Savoie), à hauteur de 60 000 euros, au titre des pertes d’exploitation. Considérant que la clause d’exclusion mise en avant par Axa ne pouvait dans ce cas s’appliquer. Ces derniers mois, les tribunaux de commerce de Toulouse (18 août), de Tarascon (24 août), de Rennes (24 septembre) ou encore de Paris (22 mai) ont également statué dans la même lignée que le tribunal de commerce d’Annecy. Au total, 7 juridictions ont à ce jour conforté la position d’Axa, et 10 ont donné raison aux commerçants.

Comment expliquer ces différences de jugements ?

« En fait, pour comprendre cela, il faut connaître un minimum le fonctionnement du système judiciaire français, explique Sibylle Diallo-Leblanc, avocate au Barreau de Paris, qui accompagne les commerçants sur l’indemnisation de leur perte d’exploitation. Les magistrats qui statuent dans les tribunaux de commerce ne sont pas initialement des professionnels du droit. Bien souvent ce sont des dirigeants ou d’anciens dirigeants d’entreprises, dès lors les verdicts sont rendus en fonction d’une interprétation plus économique des règles de droit. C’est pour cela que l’on attend surtout les décisions qui seront rendues en appel, où cette fois-ci ce seront des professionnels du droit qui statueront, avec un débat juridique plus technique. Mais là encore il sera difficile de dégager une véritable jurisprudence, étant donnée qu’il y a fort à parier que les assureurs se pourvoiront en cassation en cas de jugement en leur défaveur ».

Dans ce contexte, les commerçants qui n’ont pas encore franchi le pas ont-ils intérêt à intenter un recours en justice contre leur assureur ? Pour Sibylle Diallo-Leblanc, c’est du cas par cas. « Il n’y a pas de généralité, car aucun contrat n’est rédigé de la même manière. C’est pour cela que nous invitons aujourd’hui tous les chefs d’entreprises qui possèdent une garantie contre la perte d’exploitation à faire relire leur contrat par un professionnel du droit, afin de savoir s’il est possible ou non d’intenter un recours. Cela ne coûte rien d’essayer, d’autant que si le dossier est défendable, les sommes en jeu sont souvent considérables ! ».

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