Les Français ont la cote dans l'hôtellerie-restauration au Canada

Première recette pour que la sauce prenne : être conscient de la réalité de l'immigration. "Je suis prêt à leur payer un billet pour qu'ils se rendent compte, par eux-mêmes, des modes de travail, affirme Claude Bonnet. Je reçois aussi leur conjoint. Il faut qu'ils comprennent que les conditions sont différentes ici : on travaille 42 heures par semaine pour 15 jours de congés payés. Mais les opportunités sont immenses."

Les Français ont la cote dans l’hôtellerie-restauration au Canada

 

Les Français sont recherchés pour leur savoir-faire en hôtellerie-restauration. Au menu: marmitons, chefs ou patrons. Formule: provisoire ou permanente.

Les Français ont la cote dans l'hôtellerie-restauration au Canada

 

Le bon goût à la française fait toujours recette. Qu’il s’agisse de luxueuses structures comme le Wickanninish Inn, superbe Relais & Château de l’île de Vancouver ou de la première chaîne de restauration rapide canadienne, Tim Hortons, ou encore d’un employeur indépendant comme Claude Bonnet et son Moulin de Provence, à Ottawa, les employeurs canadiens de l’hôtellerie-restauration sont friands des compétences et du savoir-faire français en la matière. Les besoins sont tels qu’ils n’hésitent pas à mettre les bouchées doubles.

Dans sa boulangerie pâtisserie traiteur de Marché By, à Ottawa, Claude Bonnet emploie près de 50 personnes et s’apprête à ouvrir un restaurant, de l’autre côté de la rue. “Je suis toujours à la recherche de deux boulangers et d’un charcutier, explique celui qui est arrivé comme immigrant il y a trente-trois ans. J’avais trouvé quatre personnes pour lesquelles j’ai rempli des dossiers auprès d’Immigration Canada. Leur visa était prêt, mais ils ont changé d’avis au dernier moment.”

Première recette pour que la sauce prenne : être conscient de la réalité de l’immigration. “Je suis prêt à leur payer un billet pour qu’ils se rendent compte, par eux-mêmes, des modes de travail, affirme Claude Bonnet. Je reçois aussi leur conjoint. Il faut qu’ils comprennent que les conditions sont différentes ici : on travaille 42 heures par semaine pour 15 jours de congés payés. Mais les opportunités sont immenses.”

Ce n’est pas Linda Guerrero qui le contredira. “Ici, on ne juge pas sur les diplômes, mais sur ce qu’on sait faire”, affirme la jeune femme, embauchée par Tim Hortons, à Montréal, depuis septembre 2010. En reconversion professionnelle, Linda a repris des études, décroché une licence professionnelle en ressources humaines et une autre dans l’hôtellerie-restauration.
Son envie et son bagout ont fait le reste. Elle a commencé comme assistante de gérant dans un Tim Hortons avant de postuler au “bureau chef”. Quatre mois plus tard, elle est nommée représentante aux opérations, membre de l’équipe chargée de l’ouverture des restaurants du Québec, avant d’en prendre la direction en octobre 2012. Pas question de s’arrêter en si bon chemin. Linda se voit bien occuper le même poste, mais sur la côte Ouest.

Un sésame utile
Avec quelque 3 600 restaurants disséminés dans l’ensemble du Canada, les possibilités sont larges. “Nous avons besoin de francophones au Québec et de bilingues dans l’ensemble des provinces, confirme Chris Thomas, le DRH du groupe. Nous cherchons en priorité des personnes pour servir le client mais les évolutions de carrières sont toujours possibles, selon les compétences et le parcours individuel.”

Dans tous les cas, l’hôtellerie-restauration offre toujours une bonne première expérience professionnelle, ce fameux sésame qui ouvre les portes du marché du travail canadien. Étudiant en école d’ingénieur, à Lille, Gaetan Strojinski devait décrocher un stage à l’étranger de six mois, dans le cadre de son cursus. “J’ai postulé sur le site de Tim Hortons en déposant mon CV en ligne, raconte-t-il. Je ne m’attendais pas à recevoir un mail du DRH en direct!”

On lui a même laissé le choix de la province. Il opte pour la station de ski de Revelstoke, dans les Rocheuses. Sans expérience dans la restauration, il apprend sur le terrain. “Je travaillais et je vivais Tim Hortons car mon patron m’avait aussi trouvé mon logement en colocation”, sourit-il. Côté salaire, il touche le minimum légal: 900 $ CAN nets par mois (685 euros). “Cela me suffisait pour vivre”, affirme Gaetan, qui est revenu avec une idée en tête: finir son école et repartir tenter sa chance au Canada

L’exemple de Jérôme Ferrer, l’une des toques les plus connues de Montréal, laisse rêveur. Arrivé au Québec il y a douze ans, sans un sou en poche et avec deux associés, le chef est aujourd’hui à la tête du restaurant Relais & Châteaux Europea, de l’espace boutique Europea, du bistrot Beaver Hall, du restaurant méditerranéen Andiamo, de deux cafés, d’un service traiteur… Il faut dire que la “bonne bouffe”, comme on dit ici, commence à occuper le devant de la scène. Selon le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, les Québécois iraient de plus en plus au restaurant, soit un repas sur trois.

Plus de 30 000 postes non pourvus en restauration (comme en France)

Tandis que le guide Frommer’s a inclus Montréal dans son palmarès 2011 des dix meilleures villes au monde ‘où il fait bon manger à l’extérieur’, l’organisme Tourisme Montréal cherche à positionner la cité comme une destination gastronomique internationale, à grand renfort de communication et d’événements (dont la Restaurant Week locale, baptisée MTL à table). Toronto n’est pas en reste. “Ces dernières années, la ville a explosé à tous les niveaux : sa population, de plus en plus multiculturelle, ses infrastructures et bien sûr sa cuisine”, juge le restaurateur Jean-Jacques Texier. Plus de 1 300 nouveaux établissements ont ouvert en 2012, traduisant une effervescence qui attire des professionnels réputés : David Chang a dupliqué son concept new-yorkais, Daniel Boulud a inauguré une enseigne au coeur du quartier huppé de Yorkville… Idem dans l’hôtellerie, où on assiste à une floraison récente d’hôtels de luxe (Shangri-La, Ritz Carlton, Four Seasons…).

Face à un tel essor, “la main d’oeuvre qualifiée et le professionnalisme font défaut”, déplore Didier Leroy, Maître cuisinier de France et chef du restaurant Didier à Toronto. Le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme prévoit plus de 34 800 postes non pourvus en restauration en 2015, et jusqu’à 137 000 en 2030. Les pénuries les plus inquiétantes devraient concerner les serveurs, les aides de cuisine, les cuisiniers, les barmans et les directeurs de la restauration et des services. Résultat : “Un cuisinier qui arrive avec de l’expérience trouvera un poste dans la journée s’il a fait quelques recherches avant”, estime Jean-Jacques Texier.

Un contexte plus délicat

Le Canada, un Eldorado pour expatriés qualifiés ? Même si ce pays offre toujours des opportunités – de Vancouver à Québec -, la concurrence s’aiguise. Sur place, les Français (50 000 à Montréal et 15 000 à Québec selon les registres consulaires) continuent d’affluer. Le nombre de restaurants a explosé avec près de 20 000 établissements dans le seul Québec (dont le quart environ sur l’île de Montréal). La restauration commerciale et les débits de boissons possèdent d’ailleurs le plus bas taux de survie parmi les entreprises québécoises. Le contexte n’est donc pas rose, souligne François Meunier, vice-président de l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ) : “La performance touristique a été modeste ces dernières années.

Les restaurateurs voient depuis quelques années leur rentabilité décliner : les hausses des coûts de main-d’oeuvre et de nourriture en sont les principales responsables. L’industrie croule aussi sous un fardeau fiscal, administratif et réglementaire de plus en plus lourd.” Côté salaires, “beaucoup de chefs français déchantent”, assure Christophe Geffray, chef gérant de Christophe, car les rémunérations sont souvent moindres qu’en France. En revanche, les serveurs peuvent gagner jusqu’à 200 dollars canadiens (près de 150 €) par soir, grâce aux pourboires généralement fixés à 10 ou 15 % du montant de l’addition. Enfin, tous les types de restaurants n’ont pas forcément le vent en poupe. “C’est le règne du bon et du pas cher. Les bistrots ou les tapas ont la cote, mais la restauration gastronomique reste très marginale”, conclut Didier Leroy.

 

Comment venir travailler au Canada ?

Pour le permis de travail classique (trois ans maximum), l’employeur doit démontrer qu’il n’a pas trouvé localement de personnel ayant les compétences recherchées. Mais il existe d’autres possibilités plus simples et accessibles pour les Français de 18 à 35 ans (plus d’informations sur www.amb-canada.fr/eic). Selon vos projets, pensez aussi à la résidence permanente ou aux modalités destinées aux créateurs d’entreprise (www.cic.gc.ca).

En 2012, près de 13 000 Français ont ainsi obtenu un visa de résidence permanente et près de 14 000 Français âgés de 18 à 35 ans ont bénéficié de permis de travail dans le cadre de l’initiative Expérience internationale Canada.

Pour en savoir plus sur l’immigration temporaire et permanente : renseignements et inscriptions pour une session d’information auprès de l’Ambassade du Canada sur www.amb-canada.fr/visas.

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Jean-Jacques Texier, créateur du Batifole, Toronto

“Il faut être bilingue et s’adapter à la mentalité. Ici, ‘business is business’ : un emploi en restauration compte au minimum 44 heures hebdomadaires et les congés payés représentent 4 % seulement des jours travaillés. En contrepartie, vous trouverez de nombreuses opportunités de travail et une population agréable, franche et honnête.”

Thierry Baron, chef propriétaire du restaurant Vertige, Montréal

“D’un point de vue administratif et financier, il est plus simple de créer un restaurant ici qu’en France. Les loyers, les charges salariales et les exigences en matière d’hygiène sont moindres. En revanche, oubliez les tables gastronomiques, ce n’est pas ce qu’attend la clientèle.”

Christophe Geffray, chef gérant du Christophe, Montréal

“L’économie a chuté depuis 2008, beaucoup de restaurants ont fermé et de nombreux restaurants – italiens, thaïs, péruviens, argentins, etc.- sont apparus. Le contexte est très difficile, d’autant que la cuisine française est moins appréciée qu’il y a vingt ans.” Son établissement qui propose une cuisine française du marché résiste néanmoins. “La licence ‘Apportez votre vin’ nous permet de tenir. Le vin est très cher ici. Une bouteille vendue dans un restaurant, marge et taxes comprises, atteint facilement les 60 €. Ce concept permet d’augmenter le chiffre d’affaires de 25 % ainsi que la fréquentation.” Son conseil ? “Venez vivre six mois au Canada, en plein hiver, avant de prendre toute décision.”

 

 

 

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