Les préparateurs en pharmacie savent-ils encore fabriquer des médicaments ?

Le diplôme de préparateur en pharmacie a évolué et forme moins à la préparation de pommades et gélules. Une décision qui ne fait pas l’unanimité.

La formation de préparateur en pharmacie est passée d’un niveau bac à un niveau bac +2.
La formation de préparateur en pharmacie est passée d’un niveau bac à un niveau bac +2.StockPhotoPro – stock.adobe.com

C’est un métier discret, parfois méconnu, mais indispensable en officine. Les préparateurs en pharmacie sont plus de 60.000 à exercer. Face à la pénurie de médicaments de ces derniers mois, leur rôle est d’autant plus important. Mais les plus jeunes diplômés ne sont plus aussi bien formés à la préparation de pommades et autres gélules qu’avant. Et pour cause : ces deux dernières années, la formation des préparateurs en pharmacie s’est davantage axée sur la délivrance, c’est-à-dire la vente. Une décision qui ne fait pas l’unanimité.

Depuis cette rentrée, le diplôme des préparateurs est passé du brevet professionnel, de niveau bac, au DEUST (diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques), de niveau bac +2. Ce qui permet plus facilement aux étudiants d’envisager une poursuite d’études. Le cursus se fait intégralement en apprentissage, pendant deux ans, au sein d’une officine. Initialement dispensé dans des centres de formation d’apprentis (CFA), il permet aujourd’hui aux élèves de suivre certains cours à l’université. Alors qu’avant les élèves étaient soumis à un examen national, désormais, comme à la fac, ils sont évalués par le biais de partiels à chaque semestre. Un mémoire est aussi demandé.

Les pharmaciens sous-traitent la fabrication des traitements

Certains pharmaciens sont ravis de ce changement qui fait la part belle à la vente. «Cela fait 20 ans que l’on demandait à faire évoluer la formation», explique Philippe Besset, président de la fédération des pharmaciens d’officine. Pour lui, les préparateurs font moins de préparations qu’avant, et n’ont donc pas besoin d’y être autant formés. «C’est l’industrie pharmaceutique qui s’en charge. Sur les 20.800 pharmacies existantes, seule une centaine fait de la préparation régulièrement. Il faut investir dans un laboratoire avec un contrôle qualité strict quand on veut en faire aujourd’hui, ce qui n’est pas à la portée de toutes les officines», complète le pharmacien. Pour Nicole Pothier, responsable pédagogique au centre de formation des préparateurs en pharmacie (CFPP) de Paris, dans le 20e arrondissement, ce changement était plus que nécessaire. «Le référentiel n’avait pas bougé depuis 1997. Les pharmacies ont commencé à sous-traiter les préparations dix ans après. Ce n’est désormais plus rentable pour les officines de faire chacune leurs préparations», estime-t-elle.

L’une de mes collègues est étonnée que je n’ai pas plus d’heures de cours de préparation. C’est dommage Pritty, 20 ans, étudiante en 2e année d’études de préparateur en pharmacie

Mais d’autres pharmaciens déplorent que les préparateurs ne sont plus aussi bien formés à la fabrications de médicaments. Fabien Bruno est à la tête de la pharmacie Delpech, qui délivre mais aussi fabrique des médicaments, faisant d’elle l’une des plus grandes pharmacies sous-traitantes parisiennes. «J’entends qu’il y avait davantage de préparations avant. Mais aujourd’hui, les jeunes ne sont plus assez formés à cette discipline et c’est à nous de faire le travail après», avance-t-il.

Les élèves aussi se plaignent de n’être plus aussi bien formés qu’avant. Sur les 800 heures de cours reçues en deux ans, seules 40 sont dédiées à la préparation. Surprenant, puisque le mortier et le pilon sont les symboles de la profession. «L’une de mes collègues est étonnée que je n’ai pas plus d’heures de cours pour ça. C’est dommage, car je suis en 2e année et je n’ai toujours pas pu m’exercer à la préparation à ses côtés», confie Pritty, 20 ans, en dernière année de DEUST au CFPP de Paris. Mohamed, camarade de Pritty, partage cet avis. «Être préparateur aujourd’hui, c’est soit délivrer, soit préparer. J’aimerais faire les deux au quotidien, comme c’était le cas avant. Mais cela reste gratifiant de voir le cursus évoluer et délivrer un diplôme universitaire », partage le garçon.

Des préparateurs recrutés en Roumanie

Bruno Maleine, de l’Ordre national des pharmaciens, est d’accord avec son confrère Philippe Besset sur la nécessité de faire évoluer le diplôme. Toutefois, il admet : «Avec la crise du Covid et la pénurie de médicaments, la préparation magistrale revient en force», analyse-t-il. Quelle solution adopter, donc ? «Pour les étudiants qui sont intéressés, peut-être pourrait-on envisager une licence professionnelle spécialisée dans la préparation», soumet-il. Une piste envisagée par le CFPP de Paris, qui espère ouvrir une «licence officine» pour la rentrée 2024.

Allonger les études est une bonne idée pour permettre aux élèves d’approfondir leurs connaissances. «Mais nous avons besoin de ces professionnels sur le marché du travail au plus vite. Il y a une réelle pénurie de préparateurs. À tel point que nous sommes obligés d’en faire venir depuis la Roumanie», souffle Fabien Bruno.

Heureusement, la pénurie pourrait être très vite endiguée. Le DEUST est désormais accessible sur Parcoursup, ce qui permet de gagner en visibilité. «On est passé de 450 élèves en première année à 750», rassure Philippe Plisson, directeur du CFPP de Paris. Pour un taux de réussite de 70%. En juillet 2024, les premiers étudiants du DEUST seront diplômés. Reste à savoir si leurs nouvelles compétences satisferont davantage les pharmaciens.

Source Le Figaro Étudiant

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