Le vin de Bandol plongé dans l'ivresse des profondeurs

« Au fond, la température est constante, en dessous d'une vingtaine de degrés, le milieu est pour le moins humide et c'est le noir complet », décrit Pascal Pèrier, directeur de l'œnothèque. « Les conditions sont donc a priori idéales. Reste à savoir si l'ensemble des facteurs marins aura aussi son mot à dire. »

Le vin de Bandol plongé dans l’ivresse des profondeurs

 

Hier, 120 bouteilles de vin de Bandol ont été immergées au large de Saint-Mandrier. Objectif : tester pendant 18 mois l’effet de la mer sur le vieillissement du précieux breuvage !

Le vin de Bandol plongé dans l'ivresse des profondeurs

Les apprentis scaphandriers de l\’ENS de Saint-Mandrier se sont chargés de la mise en place de la cave sous-marine. (Photo Jean de Saint Victor de Saint Blancard)

 

Nous voilà gentiment (mais fermement) prévenus : « Surtout, surtout, n’écrivez pas où nous nous sommes rendus ! » Le lieu précis où ont été immergées, hier en Méditerranée, 120 délicieuses bouteilles de blanc, rouge et rosé, est désormais l’un des secrets les mieux gardés de l’ouest-Var !

Tout juste sommes-nous habilités à vous confesser que cette sélection de 15 domaines viticoles différents repose à 40 mètres de profondeur, quelque part en (grande) rade de Toulon. Disons, allez, au large de Saint-Mandrier. « On a peur des pirates curieux et… assoiffés ! » rigole Guillaume Tari, président de l’association Les vins de Bandol et l’un des initiateurs de ce projet qui se veut « empirique et scientifique ».

Et pour le moins insolite : l’association, mais aussi l’œnothèque de la célèbre station balnéaire, ont ainsi décidé d’étudier le vieillissement du bandol, quand celui-ci se trouve plongé dans la mer pendant une période de 18 mois. Le tout avec le concours de l’école nationale des scaphandriers (ENS), « seule habilitée à effectuer des travaux sous l’eau », nous explique son directeur, Jérôme Vincent. Bref, pas la mer à boire pour ces spécialistes, mais de minutieuses manœuvres en perspective.

C’est donc sur une barge imposante, depuis Saint-Mandrier, que tout ce beau monde est parti, dans la matinée, tâter les fonds marins. Depuis le bateau, une grue a ensuite déposé la fragile cargaison sur les sédiments, avant que douze apprentis scaphandriers ne se relaient pour ranger chaque bouteille délicatement dans deux caissons tapissés de sable, puis cadenassés. « Il n’y avait plus qu’à ensouiller(1)tout ça », poursuit Jérôme Vincent, pas vraiment l’attirail du sommelier, avec son lourd costume de cosmonaute des mers.

Dégustation à l’automne 2016

 

http://dai.ly/x32mhz0

Parallèlement à la mise en place de cette cave sous-marine, 120 bouteilles similaires du précieux liquide reposeront à terre, afin de vieillir plus « classiquement » chez un vigneron. Et à l’automne 2016, un comité de dégustation sera invité à comparer les breuvages (à l’aveugle, s’il vous plaît !), qui ne seront donc jamais commercialisés. Avec cette question cruciale : l’élément liquide influe-t-il sur la conservation du bandol ?

« Au fond, la température est constante, en dessous d’une vingtaine de degrés, le milieu est pour le moins humide et c’est le noir complet », décrit Pascal Pèrier, directeur de l’œnothèque. « Les conditions sont donc a priori idéales. Reste à savoir si l’ensemble des facteurs marins aura aussi son mot à dire. »

L’autre idée de l’expérience est plus poétique. « Il s’agit d’enfermer le soleil, qui fait le panache de notre vin, dans la mer, qui définit la richesse de notre terroir littoral », se plaît à dire Guillaume Tari. « Et puis tout corps plongé dans l’eau finit toujours par avouer sa vérité ! »

Si des projets similaires ont déjà été menés dans l’Hexagone, pour le bandol, c’est une première. « En 2002, nous avions embarqué des magnums sur une goélette qui avait parcouru les océans pendant deux ans. L’expérience s’était révélée très concluante, avec des vins qui avaient vieilli plus vite, mais de manière très enrichissante. »

Et Guillaume Tari, en défricheur peu habitué à mettre de l’eau dans son vin (ce serait plutôt l’inverse), de rêver un peu : « Notre cépage, le mourvèdre, est très sensible aux cycles lunaires. Peut-être qu’un jour, on l’enverra dans l’espace… »

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