Le patron des pharmaciens demande 1 milliard d’euros au gouvernement

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats de pharmaciens, réclame « une revalorisation de 1 milliard d’euros » pour faire les tests de détection d’angine et les vaccinations.

Le patron des pharmaciens demande 1 milliard d’euros au gouvernement

Philippe Besset est le puissant président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France qui regroupe les 20 000 officines réparties sur tout le territoire. La sienne est à Limoux, dans l’Aude. Il est devenu un interlocuteur majeur des pouvoirs publics, car les pharmaciens, en plus de leur rôle traditionnel, consistant à délivrer des médicaments, sont incités par le gouvernement à vacciner, à faire des tests de détection d’angine, voire à délivrer certains médicaments habituellement sur ordonnance, afin de remédier au manque de médecins.

Mais selon nos informations, la machine se grippe, et les pharmaciens réclament eux aussi des compensations financières. Faute de quoi, l’automne sera tendu derrière les comptoirs et les officines pourraient bien tirer le rideau. Philippe Besset lève le voile sur leurs intentions, et sur cette profession finalement méconnue qui joue un rôle essentiel dans notre quotidien.

Le Point : Va-t-on encore manquer de certains médicaments comme le laisse supposer le déploiement d’un plan hivernal à ce sujet par l’Agence nationale de sécurité du médicament ?

Philippe Besset : Tout le monde fait des efforts, mais malheureusement le problème est toujours devant nous. Ce n’est pas réglé. À l’heure où je vous parle, beaucoup d’officines n’ont pas d’amoxicilline – l’antibiotique le plus prescrit – en stock. C’est lié en grande partie à une demande mondiale qui ne cesse d’augmenter sur ce médicament. Je ne peux pas garantir aux Français qu’il n’y aura pas de rupture cet hiver.

Que pensez-vous de la délivrance du médicament à l’unité, pour éviter le gâchis, comme le préconise le ministre de la Santé ?

Je pense que ce n’est pas pertinent. Délivrer à l’unité des comprimés, cela va demander beaucoup de manipulations. Ce n’est pratique ni pour les pharmaciens ni pour les usagers. En général, quand un traitement est prescrit pour six jours, cela correspond à une boîte de six médicaments et c’est tout. Et comment fait-on pour les formules pédiatriques en sirop alors ? On donne juste un verre ? Cela n’a pas de sens.

Les pharmaciens vaccinent, font des tests de détection d’angine. Vous êtes en pleine révolution. Comment s’est produite cette transformation, qui vous fait ressembler de plus en plus à des médecins ?

La pharmacie a complètement changé de modèle. Cela a été initié par le ministre de la Santé Xavier Bertrand en 2007, qui a commandé un rapport approfondi à l’Inspection générale des affaires sociales sur le modèle économique des officines. À la suite duquel, en 2010, sous l’impulsion de la ministre Roselyne Bachelot, elle-même pharmacienne, les pouvoirs publics nous ont expliqué que leur objectif était de faire diminuer le prix des médicaments au cours des prochaines années, afin de financer l’innovation thérapeutique. Et qu’en conséquence, notre modèle économique fondé uniquement sur la délivrance de médicaments n’allait pas résister. On allait couler ! Ils nous ont donné deux options : soit devenir des drugstores, à l’anglo-saxonne, avec des groupes financiers qui les font tourner, soit se transformer en professionnels de santé de premier recours, ce qui supposait d’aménager nos pharmacies en espaces plus médicaux. On a fait ce choix-là. Cela a été traduit peu à peu dans les textes, et voilà pourquoi depuis 2019 nous pouvons vacciner, délivrer certains médicaments non réservés aux médecins, et pratiquer des tests.

Qu’est-ce que cela change concrètement pour le pharmacien et pour l’usager ?

Auparavant, notre modèle économique était fondé sur la marge que nous touchions sur les ventes de médicaments. Depuis 2019, nous pouvons réaliser en plus des actes médicaux. Nous ne sommes plus des commerçants, mais des professionnels de santé à part entière. Nous sommes très utiles pour les patients, ravis de nous trouver sans rendez-vous, en accès libre à 10 minutes de chez eux. Quand la crise Covid est arrivée, en 2020, nous étions prêts ! Et les pouvoirs publics étaient contents de pouvoir compter sur nous. Nous avons, par exemple, réalisé 70 % des vaccinations anti-Covid-19 et une grande partie des tests de dépistage. Aujourd’hui, nous montons en puissance pour dépister les angines bactériennes, ou encore délivrer les traitements contre les cystites. Mais maintenant, il faut nous rémunérer davantage. Nous réalisions en moyenne 600 millions d’actes par an, mais en 2022 nous avons fait 60 millions d’actes de prévention en plus. Soit 10 % d’augmentation.

Il faut une revalorisation d’un milliard d’euros supplémentaire

Que demandez-vous précisément aux pouvoirs publics ?

Nous avons accepté le principe de ces nouvelles missions, mais elles étaient soumises, dans un deuxième temps, à négociation sur le montant de nos rémunérations. Nous y sommes. La négociation va s’ouvrir avec l’Assurance maladie en novembre. Nous estimons qu’il faut une revalorisation de 1 milliard d’euros supplémentaire pour contribuer à un meilleur financement du réseau des officines. Un acte de pharmacie correspond à différentes rémunérations additionnées et revient en moyenne 11 euros. Il faudrait qu’il passe à 12. Cela tiendra compte de l’inflation et de l’augmentation de nos charges.

Mais si vos revendications sont acceptées, cela ne va-t-il pas augmenter le coût des médicaments pour les citoyens ?

Non, cette hausse serait prise en charge par l’Assurance maladie directement. Nous avons fait beaucoup d’efforts, mais nous devons pouvoir revaloriser les salaires de notre personnel – pharmaciens et préparateurs –, car nous sommes aussi confrontés à des difficultés de recrutement. Pour remplir ces missions, il faut pouvoir recruter, sans cela des pharmacies vont fermer. Pour l’instant, il n’y a pas de désert pharmaceutique, si l’on ne fait rien, cela pourrait arriver.

Êtes-vous favorable à l’augmentation des franchises sur le médicament, actuellement en débat, de 0,50 euro à un euro par boîte, qui entraînerait alors une hausse du reste à charge pour les patients ?

Sur les hausses des franchises, notre position est qu’une éventuelle hausse ne doit pas empêcher l’accès aux soins, notamment pour les plus fragiles. Si des garde-fous sont posés, comme cela semble être le cas, nous n’avons pas d’objection sur ce point, car nous sommes conscients qu’il faut trouver de nouvelles recettes pour équilibrer le budget de l’Assurance maladie.

Les médecins appellent à une grève le 13 octobre. Vous êtes de plus en plus concurrents, non ? Qu’avez-vous envie de leur dire ?

J’ai envie de dire aux médecins : si tu reviens, j’annule tout… Nous avons accepté ces missions notamment parce qu’on ne trouve plus de médecins dans beaucoup d’endroits, c’est une réalité. Notre intérêt n’a jamais été de prendre leur place, car s’il n’y a plus de médecins, il n’y aura alors plus de pharmaciens. Nous ne sommes pas « cul et chemise » avec les pouvoirs publics, comme certains nous en accusent. Nous lançons d’ailleurs le hashtag #mobilisationpharmacien et avons envoyé un courrier à tous nos syndicats départementaux, pour faire entendre nos revendications auprès de l’exécutif. Nous cherchons à travailler ensemble, en harmonie, dans l’intérêt des Français, en faisant émerger de nouvelles idées, pour améliorer l’offre de santé dans notre pays.

Beaucoup d’étudiants boudent les études de pharmacie, les bancs des facultés ne se remplissent plus…

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