Jérôme Bocuse

Il est de retour... pour la bonne cause ! Durant quelques heures, Jérôme Bocuse va quitter son fief d’Orlando pour présider les 6e Trophées de la Gastronomie et des Vins. En attendant, peut-être, de s’investir dans le groupe familial... 

Jérôme Bocuse : “Je veux poursuivre l’œuvre entreprise par mon père”

 

Il est de retour… pour la bonne cause ! Durant quelques heures, Jérôme Bocuse va quitter son fief d’Orlando pour présider les 6e Trophées de la Gastronomie et des Vins. En attendant, peut-être, de s’investir dans le groupe familial…

 

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Expatrié depuis près d’un quart de siècle outre-Atlantique, le fils de “Monsieur Paul” a su se faire un prénom au royaume de Disney. Le “big boss” de la restauration au Pavillon Français d’Epcot Center,

en Floride, fait découvrir quotidiennement la soupe à l’oignon et les escargots de Bourgogne aux Américains.
Cet ambassadeur de la cuisine française sera le parrain des 6e Trophées de la Gastronomie et des Vins au Palais de la Bourse. Confidences.

 

• Comment avez-vous accueilli la proposition de présider l’édition 2014 des Trophées de la Gastronomie et des Vins ?

Avec enthousiasme. En tant que Lyonnais d’origine, je suis à la fois honoré, fier et heureux de revenir “à la maison” pour parrainer un tel événement. C’est une forme de reconnaissance, moi qui suis un peu l’ambassadeur de la cuisine Française aux États-Unis. On sert en effet 1500 à 2000 couverts par jour à une clientèle qui connaît très mal la France. J’exporte quotidiennement le savoir-faire tricolore, et notamment lyonnais. C’est une grande satisfaction que j’espère pouvoir faire partager lors de cette soirée de prestige.

 

• Comment percevez-vous ces Trophées de la Gastronomie                          
depuis les États-Unis ?

Comme un bon moyen de mettre en avant la nouvelle génération de Chefs. Ils méritent d’être soutenus. Leur heure est venue.

 

• Conservez-vous toujours des rapports réguliers avec Lyon ?

Oui, bien sûr. Même si je suis un peu déconnecté, à des milliers de kilomètres, avec un mode de vie américain très différent de la France, ça fait du bien de retrouver ses racines, ses amis. Je reviens quatre à cinq fois par an à Lyon, dont trois fois pour recruter du personnel. Je sélectionne des jeunes, entre 20 et 30 ans, qui viennent se former durant un an à Orlando, que ce soit en salle ou en cuisine.

 

• Avez-vous parfois la nostalgie de la France ?

Oui, forcément. J’ai 45 ans, dont 25 années passées aux États-Unis. On se rend compte vraiment des richesses de la France, et en particulier de Rhône-Alpes, lorsque l’on s’expatrie.

 

• Comment est perçue la grande cuisine aux États-Unis ?

On constate depuis quelques années un véritable engouement pour la gastronomie. N’oubliez pas que ce sont les Américains qui ont créé le concept des reality-show autour de la cuisine. Cela a beaucoup contribué à renforcer la notoriété des Chefs et à améliorer la culture gastronomique des Américains.

 

• Existe-t-il encore une grande différence entre cette culture américaine et celle de la France ?

Il y avait un énorme fossé qui a tendance à se combler. En vingt ans, la qualité des produits a énormément progressé aux États-Unis. Aujourd’hui, la notion de goût y a vraiment un sens. C’est un vrai progrès, surtout dans les grandes villes. En revanche, l’Amérique dite “profonde” reste malheureusement le royaume les chaînes, des fast-foods et de la friture…

 

L’expatriation de quelques figures de la cuisine française comme vous-même,                                                                                               Daniel Boulud ou Eric Ripert a-t-elle participé cette “évangélisation” gastronomique ?

Sans doute un peu. Cela dit, les Américains ne nous ont pas attendus pour former eux-mêmes de grands Chefs comme Thomas Keller (Ndlr: The French Laundry à Yountville en Californie). Maintenant, il est très difficile de définir la cuisine américaine car elle est à l’image du pays, à savoir multiculturelle. Une sorte de grand melting-pot, fusion de tous les continents avec une grosse influence asiatique et européenne.

 

• La cuisine obéit, comme la mode, au phénomène des tendances. Quelles sont-elles aujourd’hui outre-Atlantique ?

La cuisine japonaise a le vent en poupe. Au début, c’était juste une mode mais j’ai le sentiment qu’il s’agit aujourd’hui d’une tendance forte, durable. Personne ne pouvait imaginer, il y a vingt ans, que les Américains seraient accros de sushis et de poisson cru !

 

• Dans ce contexte de “mondialisation” de la cuisine, la France n’a-t-elle pas un peu perdu de son crédit aux États-Unis ?

Certes, il y a peut-être une petite érosion mais la cuisine française reste et restera une base classique, comme Beethoven ou Mozart pour la musique. La cuisine française est plus lourde, plus longue à exécuter, parfois plus onéreuse aussi. Mais elle demeure une référence planétaire.

 

• La cuisine française est aussi intimement associée au nom de votre père. Paul Bocuse reste-t-il un mythe outre-Atlantique ?

Oui, je crois, malgré l’avènement d’une nouvelle génération talentueuse. Comme la cuisine française, le nom de Bocuse perdurera et restera une référence, aux États-Unis comme ailleurs.

 

• Le fait de porter le nom d’une telle figure internationale est-il un atout ou un fardeau dans le métier ?

C’est à double tranchant. Cela permet d’ouvrir plus facilement certaines portes mais on vous attend aussi au tournant… Il ne faut pas se louper, rester prudent !

 

• Votre père est-il fier de votre réussite aux États-Unis ? 

Oui, je crois… mais il ne le dit pas trop !

 

• De nombreuses interrogations subsistent quant à la pérennité de l’empire Bocuse en Rhône- Alpes.                                                                                 Seriez-vous prêt à revenir à Lyon pour reprendre le flambeau familial ?

Ce n’est pas mon but. D’une façon ou d’une autre, je serai sans doute amené à m’impliquer dans le groupe. Je ne me vois pas revenir en France après 25 ans passés aux États-Unis. En revanche, j’ai envie de poursuivre l’œuvre entreprise par mon père. Je ne vais pas tout laisser tomber.

 

• Comment pourriez-vous vous impliquer à des milliers de kilomètres ?

Il n’est pas compliqué de prendre un avion et d’effectuer des allers-retours réguliers. C’est mon souhait de garder le contact. On verra si c’est possible…

 

• Dans cette optique, vous raisonnez plus en terme de groupe ou par rapport à la maison historique de Collonges ?

Les deux ne sont pas incompatibles. Je m’implique déjà de plus en plus dans les brasseries.

 

• Vous sentez-vous aujourd’hui plus français ou plus Américain ?

Un peu des deux. Ma femme est américaine. J’ai une moitié de vie sur chaque continent. Mais mes racines restent à jamais françaises. Je suis un Français qui vit aux États-Unis, même si j’ai un passeport Américain.

 

• Avez-vous le sentiment d’avoir réalisé votre “rêve américain” ?

Non, dans la mesure où mon arrivée aux États-Unis est due à un concours de circonstances. Je n’aurais pas imaginé faire ma carrière ici. En fait, à l’âge de 18 ans, seul le sport m’intéressait. Je n’envisageais pas être un jour cuisinier. Je voyais la cuisine comme un métier ingrat avec un père qui se levait tous les matins à 4 heures pour faire le marché, préparer le service du midi, terminer tard le soir, sans jour de congés, de Noël ou de Jour de l’an. Ce n’est pas quelque chose qui vous attire lorsque vous vivez dans cet environnement.

 

• Alors, quel a été le déclic ?

Un jour, mon père m’a dit: “écoutes, c’est bien beau, mais ce n’est pas le sport qui va te faire vivre…”. Après mon service militaire, il m’a parlé d’une université américaine, The Culinary Institute of America, qui formait de très bons Chefs avec une approche innovante du métier en Floride. J’ai enchaîné sur un master en gestion hôtelière à Miami puis un stage de quelques mois. J’y suis encore…

 

• Quelles valeurs vous a inculqué votre père ?

La simplicité, l’humilité et rester toujours le même. Il est parti de rien et malgré sa réussite, il n’a pas changé. Même s’il a côtoyé les plus grands de ce monde, il est toujours resté proche des gens, un peu “paysan” dans l’âme, au bon sens du terme.

 

• Vous sentez-vous aujourd’hui plutôt Chef ou plutôt gestionnaire ?

Gestionnaire car le restaurant du pavillon français d’Epcot est devenu une grosse entreprise qui sert près de 2 000 couverts par jour. De tels volumes exigent beaucoup de présence. Je ne suis plus aux fourneaux mais je suis toujours là pour tester de nouvelles techniques, de nouveaux plats.

 

• La cuisine ne vous manque-t-elle pas ?

Non, dans la mesure où à la maison, c’est moi qui fait la cuisine !

 

• Quel est votre menu de prédilection ?

Comme mon père, j’aime la cuisine simple, la cuisine de goût. J’aime bien la cuisine asiatique mais je craque toujours pour une bonne blanquette de veau ou un baba au rhum. Ça, c’est la France !

 

Badoit ,ge rh expert

 

SA RECETTE DU SUCCÈS…

• La discipline

• La consistance

• Faire toujours de son mieux

• Savoir transmettre sa passion et son savoir-faire

LES BONNES ADRESSES DE…..JÉRÔME BOCUSE

Globe-trotter dont le camp de base demeure Epcot, en Floride, Jérôme Bocuse cite d’emblée Thomas Keller et son restaurant californien, The French Laundry. “Il propose un plat incroyable, oysters and pearls, des huîtres associées à du caviar”. Au pays du soleil levant, cet amateur de cuisine asiatique fait l’apologie de Sukiyabashi Jiro, à Tokyo, réputé pour faire “les meilleurs sushis du monde”. Lorsqu’il rentre à Lyon, le Chef franco-américain file systématiquement du côté des Echets pour se régaler des grenouilles de Christophe Marguin. “Un plat simple exécuté toujours de manière remarquable”. Il a aussi une affection particulière pour le pâté en croute de Joseph Viola (Daniel et Denise). Patrimoine familial oblige, Jérôme Bocuse fait de fréquentes apparitions dans les brasseries du groupe, avec une préférence pour l’Est. “J’aime l’ambiance. Je vois les gens heureux. C’est une récompense”. Enfin, à Paris, il adore la soupe de cœurs d’artichauts à la truffe noire de Guy Savoy, le trois macarons Michelin de la rue Troyon (75017).

 

 

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