FRÉDÉRIC BAU – PÂTISSERIE : LA FIN D’UN CYCLE

FRÉDÉRIC BAU – PÂTISSERIE : LA FIN D’UN CYCLE

Frédéric Bau tire la sonnette d’alarme. Lorsqu’il présente son exposition itinérante « De Main de Maître » en France ou à l’autre bout du monde, il partage son expérience avec ses confrères et les accompagne dans leur réflexion.
Frédéric Bau – Pâtisserie : La fin d’un cycle

 

La saison est en question quand on voit fleurir les gâteaux de St Valentin aux fraises et aux framboises et nous avons eu le même étonnement lors des bûches de Noël. Certains pâtissiers expliquent qu’ils répondent ainsi à la demande de leurs clients qui ne semblent pas sensibles à l’utilisation de fruits de saison dans les gâteaux, alors que le chef de restaurant peut plus facilement assumer sa position en ne proposant à sa carte que des produits du moment sans que le client en soit chagrin.
La cuisine est, sur ce point, en avance sur la pâtisserie mais il est certain que les mouvements militants de respect des saisons vont pousser le sucré à se mettre au même niveau que le salé, c’est déjà le cas dans nombre de restaurants où cuisinier et pâtissier sont sur la même longueur d’onde. Les boutiques suivront, mais cela prendra du temps.

Ci-dessous retour sur l’interview de Frédéric Bau sur le thème : « La pâtisserie, la fin d’un cycle » qui pousse un peu la réflexion sur le sujet plus large d’une pâtisserie qui n’a pas encore tellement bougé sur des questions telles que les colorants : les pâtissiers vont-ils prendre le virage que les cuisiniers ont déjà entrepris ?

Le directeur de la création de Valrhona a le recul nécessaire pour dresser le tableau juste d’une pâtisserie française qui semble au pied du mur. Fin probable d’un cycle ou virage radical, la pâtisserie de demain va éclore d’ici peu. Bau nous pousse à réagir, à créer, à nous renouveler. Quand on lui demande comment trouver le bon accord entre chef et pâtissier, la réponse n’est pas évidente. Il n’y a pas de recette miracle en la matière : « Il faut reconnaitre que ceux qui ont réussi ont souvent eu totale carte blanche, comme Felder au Crillon. Ou alors, il faut co-construire entre chef et pâtissier. Si le chef a une cuisine culottée, la pâtisserie doit l’être aussi. Parce-qu’on ne va pas se mentir : l’étoilé ne peut pas terminer son menu sur une tarte fine aux pommes. » Et pourtant, les desserts de cuisiniers reviennent en force avec la sincérité gustative qui peut manquer aux maniaques du visuel.

Back to basics

Tout d’abord, le salé a pris de l’avance. On a assisté à de grandes mutations dans les assiettes poussant le produit, seul, presque nu, sur le devant de la scène. En pâtisserie, nous n’en sommes pas là : « De la même manière que la cuisine a quitté l’opulence pour revenir à l’essentiel, (si on schématise, on est passé d’Escoffier à Michel Bras), la pâtisserie n’a pas terminé son processus d’évolution et se customise encore à l’excès. Je pense que nous avons été trop loin et nous devons en sortir. »

 

Réduire le sucre et le gras

Gagnaire appelle ça « la gourmandise raisonnée ». On a sans doute l’impression d’avoir avancé sur ce point, mais pas tant que ça : « La pâtisserie est encore dans de l’ultra-générosité, et le « on a toujours fait comme ça », alors que nous devons aller plus loin sur le respect du bien-être. Nous avons un horizon exploratoire énorme. Certes, retirer 15% de sucre, on sait le faire. Mais lorsqu’on prend en compte les proportions globales, c’est le cholestérol qui explose si l‘on garde les mêmes quantités de jaunes et de beurre. »

 

Quitter ce monde d’artifices

Il est possible que les colorants et beaucoup d’ingrédients de pâtisserie peu naturels soient interdits dans les prochaines années. Qui sait, beaucoup de couleurs pourraient ainsi disparaître. Pour Frédéric Bau, il serait dommage d’attendre : « Prenons les devants et supprimons-les de nos recettes. Cela nous obligera à explorer un nouveau champ des possibles et nous poussera dans nos retranchements. Quand j’ai fait mon apprentissage, il y avait un chocolat noir et un chocolat blanc, point barre. Aujourd’hui, au lieu de travailler sa forme ou sa brillance, on travestit trop le chocolat. S’il y a une couleur, il faut qu’elle soit justifiée et naturelle. Dans la gamme Inspiration, si on est rose c’est qu’il y a de la vraie fraise dedans ! Les vitrines sont pleines de rouge, d’or et de bitume : il faut que ces choix visuels aient du sens. Si l’on pense trop à l’extérieur, on en oubliera les qualités organoleptiques du décor : c’est pourtant la première chose que l’on mange ! »

 

 

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