Comment Facebook fait irruption aux prud'hommes

Le licenciement de trois salariés d'une entreprise d'ingéniérie de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour dénigrement de leur hiérarchie sur Facebook a été jugé "fondé" par le conseil des prud'hommes, vendredi 19 novembre.

Comment Facebook fait irruption aux prud’hommes

 

GE RH Expert fortement présent et actif sur les réseaux sociaux s’est rendu compte que bons nombres d’entre vous sont quelques fois “Border Line”. Explication.

Comment Facebook fait irruption aux prud'hommes

Les extraits de pages Facebook peuvent-ils constituer des moyens de preuve devant le conseil des prud’hommes ? Peut-on licencier un salarié pour les propos qu’il tient sur le réseau social à l’égard de son employeur ? Son utilisation au travail peut-elle être reprochée au salarié ? Examen des décisions récentes par Maï Le Prat, avocate en droit social (cabinet Verdier Le Prat Avocats).

En matière prud’homale, le principe est que la preuve est libre (Cass.soc., 27 mars 2001, n°98-44666). Tout moyen de preuve peut être présenté au juge. Il appartient alors à ce dernier d’en apprécier librement la portée (Cass.soc., 23 mai 2007).

Attention aux messageries. Ainsi, au même titre que les emails, régulièrement produits par les parties devant le conseil des prud’hommes comme éléments de preuve, les échanges issus des messageries Facebook ont fait leur apparition dans les litiges prud’homaux. Il s’agit, après tout, d’un moyen d’échange proche de l’email, ou même du SMS. Le juge considère qu’il peut être produit loyalement par l’auteur ou le destinataire du message, puisque l’auteur du message ne peut ignorer qu’il est enregistré.

Le licenciement comme sanction
Les propos tenus sur des murs du réseau social ont déjà servi de fondement au licenciement de salariés. Dans ce cadre, il faut bien faire la différence entre la correspondance privée et les échanges reconnus comme publics. En effet, une correspondance privée entre deux personnes ne peut être utilisée par un tiers sous peine de porter atteinte au principe du secret des correspondances (article 226-15 du Code pénal).

Deux jugements de la section encadrement du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt avaient fait grand bruit, le 19 novembre 2010, puisqu’ils reconnaissaient fondé le licenciement pour faute grave de salariés qui avaient tenu ou cautionné des propos dénigrants vis-à-vis de leur hiérarchie sur Facebook (CPH Boulogne-Billancourt, 19 novembre 2010, n° F09/00343).

Obligation de loyauté. Même si le salarié peut se prévaloir d’une liberté d’expression (L. 1121-1 du Code du travail), il ne peut en abuser et nuire à son employeur. Il découle par ailleurs de tout contrat de travail que le salarié est tenu d’une obligation de loyauté envers son employeur. Dans l’affaire soumise au conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, les juges avaient considéré que les salariés avaient abusé de leur liberté d’expression. Le conseil avait, par ailleurs, relevé que le mur Facebook sur lequel avaient été publiés les propos était paramétré pour être partagé avec les amis d’amis, ce qui lui conférait un caractère ouvert (1).

“Cette boîte me dégoûte”
Dans une autre affaire, jugée cette fois par la cour d’appel de Besançon (CA Besançon, 15 novembre 2011, n°10/02642), les juges avaient approuvé le licenciement d’une salariée qui avait violemment critiqué son employeur sur le mur d’un collègue qui venait lui-même d’être licencié pour faute grave : “Cette boîte me dégoûte […], ils méritent juste qu’on leur mette le feu à cette boîte de merde…”.

Informations partagées… La cour d’appel avait précisé que le mur Facebook, si son titulaire n’a pas apporté de restrictions, devait être considéré comme un espace public. La cour avait ajouté qu’il apartenait “à celui qui souhaite conserver la confidentialité de ses propos tenus sur Facebook, soit d’adopter les fonctionnalités idoines offertes par ce site, soit de s’assurer préalablement auprès de son interlocuteur qu’il a limité l’accès à son mur”.

… ou non ? Une décision rendue par la cour d’appel de Rouen le 15 novembre 2011 (n°11/01827) apporte une nuance quant à l’appréciation du caractère public du mur Facebook. Dans cette affaire, une salariée avait été licenciée pour avoir insulté certains supérieurs hiérarchiques et collègues dans le cadre d’échanges sur Facebook avec d’autres salariés de l’entreprise. Le licenciement a, cette fois, été jugé sans cause réelle et sérieuse car l’employeur n’avait pas apporté la preuve que le compte de la salariée ou des collègues avec qui elle échangeait était paramétré pour autoriser le partage avec les “amis d’amis” ou “toute autre forme de partage à des personnes indéterminées, de nature à faire perdre aux échanges litigieux leur caractère de correspondance privée”.

Pour se prémunir contre une éventuelle sanction, le salarié doit donc bien s’assurer des données de confidentialité de Facebook avant de dénigrer son employeur sur ce réseau social.

Séparer le personnel du professionnel
Une consultation excessive de Facebook pendant ses heures de travail peut également justifier une sanction voire un licenciement. La jurisprudence a approuvé à plusieurs reprises le licenciement de salariés qui usaient de la connexion Internet de l’entreprise à des fins non professionnelles de façon excessive (notamment Cass.soc., 18 mars 2009, n°07-44.247).

Dans une affaire jugée par la cour d’appel de Lyon, le 18 novembre 2011 (n°11/01261), le contrat de travail du salarié prévoyait qu’il ne pouvait utiliser les outils informatiques mis à sa disposition à d’autres fins que celle de son activité professionnelle, sauf autorisation préalable. Grâce à un constat d’huissier régulièrement établi, l’employeur a pu démontrer que le salarié se connectait sur le site Facebook pendant ses heures de travail et l’a licencié.

Compte tenu du faible nombre de connexions (quatre au mois d’avril 2009, deux au mois de mai 2009), la cour d’appel a considéré que, bien que fautive car violant les prescriptions du contrat de travail, cette utilisation de Facebook ne pouvait justifier une sanction disproportionnée à la faute commise.

Pour éviter que Facebook devienne un enjeu dans les contentieux devant le conseil des prud’hommes, peut-être vaut-il mieux bannir le réseau social de son environnement professionnel, si c’est encore possible…

Comment Facebook fait irruption aux prud'hommes

 

Les prud’hommes valident un licenciement pour dénigrement sur Facebook
Le conseil des prud’hommes a jugé “fondé” le licenciement des trois salariés qui avaient critiqué leur entreprise sur le réseau social.

Le licenciement de trois salariés d’une entreprise d’ingéniérie de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) pour dénigrement de leur hiérarchie sur Facebook a été jugé “fondé” par le conseil des prud’hommes, vendredi 19 novembre.

Le conseil des prud’hommes a jugé “fondé” le licenciement des trois salariés de la société Alten, à qui il était reproché d’avoir échangé des propos critiques à l’égard de leur hiérarchie et d’un responsable des ressources humaines de l’entreprise sur le réseau social Facebook. “Les pages mentionnant les propos incriminés constituent un moyen de preuve licite du caractère bien-fondé du licenciement”, a estimé le conseil des prud’hommes.

Les faits reprochés aux salariés remontent à décembre 2008. Lors d’échanges sur Facebook, l’un des salariés, s’estimant mal considéré par sa direction, avait ironisé sur sa page personnelle, en disant faire partie d’un “club des néfastes”. Deux autres employées avaient répondu : “bienvenue au club”.

La direction d’Alten avait alors décidé de licencier les trois salariés pour “faute grave”, considérant leurs propos comme un “dénigrement de l’entreprise” et une “incitation à la rébellion”.
La société avait fait valoir qu’elle n’avait pas “violé la vie privée de ses salariés”, les propos ayant été échangés “sur un site social ouvert”. En revanche, les salariés ont plaidé que l’échange entre les salariés avait un caractère strictement “privé”.

 

 

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