Au secours, mon collègue sent mauvais

Attention toutefois à ne pas poser de regard moralisateur, et à agir avec tact pour ne pas braquer le "malodorant". Un salarié qui se sentirait marginalisé risque de se tourner vers un délégué du personnel. Voire d'engager un procès pour harcèlement moral....

Au secours, mon collègue sent mauvais

 

Énoncer le thème de l’odeur, c’est entrer dans la sphère intime. Il faut donc essayer d’aborder les choses par le politiquement correct pour ensuite évoquer le sujet le plus sensible. 

Au secours, mon collègue sent mauvais

Peut-on tout se dire au bureau? Mauvaise haleine, parfum trop fort ou transpiration suffocante: entre collègues, difficile d’évoquer les odeurs gênantes, un sujet toujours tabou.

Pas toujours facile de cohabiter en entreprise. Il faut parfois composer avec le collègue “semeur” qui laisse traîner ses détritus sur votre bureau, le partenaire “pack illimité” qui passe ses appels personnels depuis l’open space, ou “l’amnésique” qui omet de vous transmettre les messages. Sans oublier celui qui sent le tabac, à l’haleine incertaine, ou au parfum dont la fragrance chatouille désagréablement vos narines.

Autant de profils que l’on préfèrerait ne pas croiser sur son lieu de travail et “black-listés” par Alexandre Dubarry dans son bien-nommé nouvel ouvrage Comment dire à un collègue qu’il sent mauvais sous les bras?

L’odeur, la blessure narcissique
Sous des accents humoristiques, le fondateur de l’agence de conseil et formation Quatre Epices pointe un sujet pour le moins délicat: l’odeur sur le lieu de travail, celle de collègues ou de supérieurs avec lesquels on partage des heures de travail. Avec une difficulté: il ne s’agit pas de l’effluve de parfaits inconnus mais pas, non plus, de celle d’intimes.

“Une remarque sur l’odeur, plus que toute autre critique, appuie très fort sur une blessure narcissique, toujours mal cicatrisée. […] Le collègue à qui vous adresserez ce reproche ne comprendra pas votre réflexion comme une remarque ciblée, mais comme une négation de toute sa personne”, explique Alexandre Dubarry.
Ouvrir la discussion olfactive avec ses homologues, sans blesser les sensibilités, s’apparente donc à un travail herculéen. Pour la psycho-sociologue Christine Marsan, “l’odeur est un tabou social. Nous n’avons pas de mot pour en parler.” Quand le vocabulaire manque, les gestes deviennent-ils salvateurs? Pas plus, nous indique l’auteur de Gérer et surmonter les conflits. “Très souvent, les gens vont offrir un savon ou un parfum à une personne qui sent “mauvais” pour eux. Soit la personne n’est pas consciente du problème et ne va pas comprendre, soit elle va exprimer du déni face à la situation. Dans les deux cas, c’est inutile.”

L’art de la communication non-violente
Pour venir en aide aux dirigeants confrontés à cette situation, une technique de management a récemment fait son apparition: la “communication non-violente”. La clef de cette pratique: éviter les reproches et rester dans le factuel. “Enoncer le thème de l’odeur, c’est entrer dans la sphère intime. Il faut donc essayer d’aborder les choses par le politiquement correct pour ensuite évoquer le sujet le plus sensible”, confirme Christine Marsan.

Simple sur le papier, mais en pratique? La psycho-sociologue a déjà dû assumer la gestion de cette périlleuse situation. Des séances de coaching ont été organisées dans une entreprise pour aider le manager à formaliser son sentiment envers l’employé concerné. Puis les salariés ont été conviés à une réunion sur le bien-être au bureau. A l’ordre du jour plusieurs sujets, dont l’un sur la cigarette.

“Le manager a parlé des seuils de tolérance aux odeurs, variables entre les personnes, explique Christine Marsan. Puis il a fait le parallèle entre la cigarette et les odeurs corporelles, et a demandé à chacun de ses salariés s’ils accepteraient que les autres employés viennent discuter avec eux, s’ils étaient concernés par le problème.”

La parole libérée, l’un des participants s’est entretenu avec son collègue, avec un résultat contrasté: non-consciente de son “fumet”, la personne n’a pas modifié sa façon d’être, mais a accepté de changer de bureau.

Un risque de discrimination
Attention toutefois à ne pas poser de regard moralisateur, et à agir avec tact pour ne pas braquer le “malodorant”. Un salarié qui se sentirait marginalisé risque de se tourner vers un délégué du personnel. Voire d’engager un procès pour harcèlement moral: l’article L.122-45 du Code du travail établit qu’aucun salarié ne peut être écarté ou licencié en raison de “son apparence physique, de son état de santé ou de son handicap”.

Une entreprise qui avait licencié une salariée pour faute grave en raison d’un “manque d’hygiène corporelle” a d’ailleurs été condamnée. En 2003, la cour d’appel d’Agen avait jugé abusive la rupture de son contrat, puisqu’il n’avait pas été prouvé que l’odeur de transpiration venait d’un manque de propreté. Au préalable, l’employeur avait organisé de nombreux entretiens avec l’employée pour évoquer le problème de l’hygiène. Sans résultat.

 

L’Express

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