15 idées reçues fausses sur l’hôtellerie

« Il y a trois éléments qui comptent pour le succès d’un hôtel : l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement. » Cette citation attribuée à Conrad Hilton dans les années trente, n’est au final peut-être pas de lui, mais elle marque encore aujourd’hui les esprits. Pour autant, si elle était juste, ce serait trop facile et trop beau.

15 idées reçues fausses sur l’hôtellerie

Les idées reçues et les clichés, tous les métiers et secteurs d’activité en font l’objet. C’est normal. C’est le fruit d’une incompréhension, d’une méconnaissance ou simplement d’un manque d’études de cas et d’expérience. Mais à trop les voir se diffuser, ces préjugés quand ils sont faux peuvent provoquer des inconvénients néfastes et mettre des investisseurs et leaders d’opinion sur de mauvaises pistes. Voici une sélection d’une quinzaine d’idées reçues, fausses ou discutables :

15 idées reçues fausses sur l’hôtellerie

1. Il manque des hôtels en France.
C’est un refrain que l’on entend de la bouche de ceux qui ont sans doute un intérêt à voir se créer des hôtels en France. En réalité, en dehors de Paris et de sa couronne, il n’y a plus vraiment de destinations dans l’Hexagone et dans les Dom où il manquerait des hôtels. On assiste au contraire à une surcapacité hôtelière dans les grandes villes qui sont pourtant les sites les plus enclins à assurer une bonne rentabilisation des hôtels, grâce à la présence du tourisme d’affaires et parfois d’une clientèle étrangère. Les taux d’occupation s’érodent dangereusement dans les grandes métropoles comme à Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Strasbourg, etc. Et des hôtels et résidences de tourisme continuent à s’y créer.

A Paris, c’est autre chose. La capitale est le meilleur marché touristico-hôtelier de France (voir notre analyse) avec des taux de fréquentation hôtelière qui flirtent avec insolence autour des 80 % à l’année. Là, on pourrait affirmer qu’il manque des créations d’hôtels. Ces dernières sont compliquées, car le foncier y coûte cher et les espaces potentiellement disponibles sont restreints.

Pour autant, s’il ne manque pas/plus d’hôtels en France à ce jour (hormis à Paris), ce sont très certainement des hôtels de qualité qui font défaut. Le parc hôtelier français a considérablement vieilli et est en grand retard de modernité pour 1/3 à la moitié de ses établissements, selon les destinations. Autrement dit, le problème de l’hôtellerie française n’est pas quantitatif mais bien qualitatif. Voir également les analyses sur le sujet sur le site du Comité pour la Modernisation de l’Hôtellerie et du Tourisme Français.

2. L’offre crée la demande.
Pour ce qui concerne l’hôtellerie, rien n’est plus faux. On pourrait ainsi croire qu’il suffit qu’un hôtel ouvre pour que la clientèle s’y rue aussitôt massivement et durablement. Plus largement, on voudrait faire croire que plus on créera d’hôtels localement, plus le tourisme se développera. On a ainsi pu lire ici et là que l’arrivée d’un hôtel de luxe international allait faire venir la clientèle étrangère. Dans les faits, c’est impossible. Car, un hôtel ne vit qu’en dépendance de l’activité touristique d’affaires et/ou de loisirs où il se trouve. Il ne peut devancer la demande. Les clients ne se rendent dans un hôtel que parce qu’ils ont des choses à faire dans la destination : voyage professionnel, séminaire, visite touristique, voyage culturel ou religieux, etc. L’exception se situe bien sûr lorsque l’hôtel dispose lui-même in situ d’activités suffisamment attractives pour intéresser les clients : grand spa, grand centre de séminaires, restaurant d’exception, etc. …tel un resort.

Si une demande existe déjà et plus spécialement une demande dite insatisfaite, un nouvel hôtel aura des chances de trouver sa clientèle. Un établissement neuf et bien positionné pourra également attirer des clients. Mais ce sont des voyageurs qu’il prendra alors à ses concurrents déjà en place, surtout s’ils sont vieillissants. Mais cela risque de ne pas durer si les concurrents se réveillent et se modernisent à leur tour. Quoi qu’il en soit, un hôtel ne peut pas créer une demande par lui-même.

3. Emplacement, emplacement, emplacement.
« Il y a trois éléments qui comptent pour le succès d’un hôtel : l’emplacement, l’emplacement et l’emplacement. » Cette citation attribuée à Conrad Hilton dans les années trente, n’est au final peut-être pas de lui, mais elle marque encore aujourd’hui les esprits. Pour autant, si elle était juste, ce serait trop facile et trop beau.

Si un hôtel bien placé, visible et facile d’accès se dote certes d’atouts par ces avantages, ce n’est évidemment pas suffisant. Il doit disposer d’une offre très attirante et agréable, bien positionnée sur son marché et surtout être extrêmement bien commercialisé. Avec le poids qu’à pris Internet dans la recherche d’hôtels (9 clients sur 10 passent pas le Net pour rechercher un hôtel où se loger), on pourrait dire que le succès d’un hôtel passe à présent par son emplacement sur …la première page de Google (en Europe) (!) et dans les sites des OTAs, sans parler d’une e-réputation en béton.

4. Un petit hôtel, c’est plus facile à rentabiliser qu’un plus grand.
En toute logique, cela pourrait sembler vrai, comme un petit bateau est plus aisé à manœuvrer qu’un gros. Sauf que l’hôtellerie subit comme la plupart des entreprises et exploitations des autres secteurs d’activité un phénomène de hausse du seuil de rentabilité : les charges fixes (85 à 90 % des frais d’exploitation) augmentent mécaniquement. Cela induit le constat qu’avec moins de 35 à 45 chambres, selon la gamme, un hôtel a de plus en plus de mal à trouver la rentabilité qui lui permettra de payer convenablement son dirigeant et son personnel, de réinvestir et de trouver une crédibilité auprès des banques. Avec davantage de chambres, il pourrait élargir son mix-clientèle et optimiser son activité.

Par ailleurs, une petite entreprise suppose un effectif réduit, la polyvalence du personnel et surtout des patrons, ainsi qu’une sur-occupation dans le travail pour l’exploiter et la commercialiser. Ce n’est donc pas facile. Dans les faits, une récente étude économique sur la petite hôtellerie (- de 25 chambres) réalisée par Coach Omnium confirme que 59 % des hôteliers répondants déclaraient ne dégager aucun bénéfice d’exploitation ou encore être en déficit.

Bref, gérer un hôtel n’est pas un acte simple, d’autant plus quand il est de petite capacité, et demande aujourd’hui de grandes qualités de commercialisateur, qui est la première qualité exigée d’un exploitant.

5. Les labels et chartes de qualité garantissent de bons hôtels.
Il existe plus de 150 chartes de qualité et labels uniquement pour l’hôtellerie en France. Or, du côté des clients, aucun de ces labels n’est connu, dont « Qualité tourisme », pourtant charte d’Etat, dont moins de 16 % des Français ont entendu parler mais presque aucun ne sait de quoi il s’agit… Inconnus, ces labels ne peuvent donc pas générer des clients et faire vendre. Quant à garantir de bons hôtels, la plupart des référentiels et grilles de critères étant peu exigeants, si des hôtels sont de qualité, ce n’est pas grâce à ces labels. On peut résumer en disant que ces démarches ont uniquement pour valeur de pouvoir servir d’outils de management. Guère plus.

6. Le nouveau classement a permis la qualification de l’hôtellerie française.
Lancé en 2009, sans qu’aucun client d’hôtel n’ait été interrogé sur ses attentes et besoins, le nouveau classement hôtelier matérialisé par des étoiles est une opération en trompe-l’œil. Si ses grilles de critères dépassent les 200 items selon la gamme, on doit leur reprocher d’avoir des niveaux d’obligations extrêmement bas. Les contrôles des hôtels, tous les 5 ans seulement, par des cabinets de vérification accrédités sont également très contestables et sont considérés souvent comme clientélistes. Le résultat est que sur 80 % d’hôtels classés à ce jour, beaucoup ne sont pas des hôtels de qualité si on en juge par la masse de critiques dans leur e-réputation et par les photos publiées par les clients.

Autrement dit, les hôtels de qualité l’étaient autant avant la mise en place du nouveau classement. Les hôtels médiocres le sont restés malgré la mise en place du nouveau classement qui n’a rien changé dans le paysage hôtelier français.

7. Le nouveau classement a permis à l’hôtellerie de monter en gamme.
C’est le fruit d’une propagande. Si près de 6 hôteliers sur 10 (dont la plupart des chaînes hôtelières intégrées) ont demandé sans peine une étoile supplémentaire avec le nouveau classement par rapport à leur ancienne homologation, la majorité d’entre eux l’ont fait sans enrichir leur prestation et sans moderniser leur établissement. La montée en gamme n’est donc qu’artificielle par un surplus d’étoiles distribuées sans effort et ne correspond en rien à une réalité sur le terrain.

8. Les étoiles sont bonnes pour commercialiser son hôtel.
L’hôtellerie française avant (2008) et après le nouveau classement hôtelier stagne à environ 197 millions de nuitées annuelles reçues, selon l’Insee. Les étoiles n’ont par conséquent en rien fait augmenter la demande. Le contraire aurait été étonnant compte tenu du minimalisme qualitatif de ce label, dont la clientèle se moque à présent. Si 64 % des clients d’hôtels tenaient compte des étoiles en 2008 pour sélectionner leur hôtel, ils ne sont plus que 16 % à le faire aujourd’hui, et encore comme un élément parmi bien d’autres, dont en premier le prix. C’est Internet qui a indirectement “tué” les étoiles en hôtellerie, car les sites permettent de sélectionner les hébergement avec d’autres critères plus utiles et plus fiables. Il n’y a plus guère que les hôteliers qui donnent encore de l’importance à leurs étoiles…

Cette maigre popularité des étoiles auprès de la clientèle fait qu’elles n’ont aucune potentialité pour aider/contribuer à la commercialisation. Au contraire même : un hôtel qui serait trop étoilé pourrait sortir du marché pour les clients qui regardent encore le classement en le découvrant sur place. Enfin, sur le marché des séminaires, il n’est pas bon d’afficher 5 étoiles et même 4.

9. Il faut un spa en hôtellerie de luxe.
Aucune étude et aucun constat sérieux n’ont permis à ce jour d’affirmer qu’un hôtel de luxe sans spa serait vidé de ses clients. Disposer d’un spa est un avantage, mais ne pas en disposer n’est pas nécessairement un problème. D’autant que les spas d’hôtels sont très souvent trop petits pour être attractifs, sont peu fréquentés et sont très coûteux à exploiter (un vrai spa doit avoir du personnel) et à créer (compter un investissement de 2.800 à 3.500 €/m2).

10. Il faut adhérer à une chaîne hôtelière volontaire pour commercialiser son hôtel.
Il existe une vingtaine de chaînes hôtelières volontaires en France (voir notre étude sur ce thème) qui regroupent des hôteliers indépendants. Il est très probable que l’affiliation à un réseau de ce type permet de désisoler les exploitants et de les ouvrir à de nouvelles expériences. Un hôtel cité dans un guide et sur un site Internet en plus du sien sera toujours plus visible que n’y étant pas. Mais si les chaînes hôtelières volontaires peuvent éventuellement apporter un complément de clientèle, souvent en faible quantité, cela reste généralement très limité. D’une part, seulement 3 réseaux dépassent un taux de notoriété globale de 20 % — ce qui reste faible — auprès des clientèles hôtelières (études de notoriété par Coach Omnium) …quand Ibis en est à 97 %. Sans être connue, une enseigne ne peut pas produire de ventes. D’autre part, les réseaux volontaires ont très peu de moyens de commercialisation, de promotion et de présence sur Internet.

Or, les professionnels ont passé l’époque du club où il était bon de se réunir entre hôteliers qui se ressemblaient. Ils veulent à présent du concret en termes de retombées commerciales pour justifier de payer une cotisation/redevance. C’est pourquoi les OTAs (agences de voyages en ligne) peuvent mettre à mal la légitimité commerciale des chaînes hôtelières, en se montrant plus efficaces et finalement peut-être moins coûteuses que ces dernières. Voir notre analyse sur le sujet.

11. Baisser ses prix, c’est mauvais pour l’image de l’hôtel.
Cela n’a jamais été tout à fait vrai, mais cela l’est encore moins aujourd’hui avec la généralisation du yield management qui induit des variations tarifaires pouvant aller du simple au double. Les consommateurs sont très habitués à ce que les prix changent et finissent de plus en plus par accepter cette pratique (sans forcément que cela soit avec plaisir lorsque les prix sont relevés). Cela ne percute pas/plus l’image de l’hôtel qui opère ainsi. Il vaut mieux une chambre louée à tarif réduit qu’une chambre vide, sachant que l’hôtel aura de toute façon à payer ses charges qui sont essentiellement fixes, qu’il y ait des clients ou pas.

12. Le décor contemporain plaît à la clientèle.
Les créations et les rénovations d’hôtels, surtout dans le moyen et le haut de gamme, rivalisent en décors contemporains où le blanc, les formes épurées et le minimalisme ambiant dominent. Les grands designers qui ont signé quelques hôtels servent fréquemment de référence sur ce registre, à tort ou à raison. Vu comme une innovation, cela en devient uniforme et monotone tant les réalisations récentes sont légion à se ressembler ainsi.

Mais si de tels décors hôteliers peuvent plaire à première vue à certaines clientèles, celles-ci se montrent très vite lassées par elles et l’hôtel peut très vite trouver la fidélisation de sa clientèle difficile à obtenir s’il n’est pas dans une grande ville très touristique comme Paris où la demande se renouvelle.

13. Les clients d’hôtels sont radins.
Il y a certainement des radins chez les clients d’hôtels comme ailleurs ! Mais on ne peut pas généraliser une clientèle de 26 millions de personnes qui fréquentent chaque année les hôtels français, dont 1/3 d’étrangers, à des pingres et des avares. Le problème est que 3/4 des clients d’hôtels trouvent que l’hôtellerie française est chère, soit par rapport à leur budget, soit par rapport à la prestation proposée, soit les deux. Cette appréciation porte autant sur les prix des chambres que désormais sur celui des petits déjeuners qui ont explosé dès lors où les hôteliers sont bloqués sur leurs tarifs d’hébergement. Ils se rattrapent sur les petits déjeuners.

Parallèlement, Internet a totalement remis les règles du jeu en question et introduit de nouveaux critères. Du coup, plus de 7 clients d’hôtels sur 10 (affaires comme loisirs) déclarent que le prix est leur premier critère pour choisir un hébergement, bien avant d’autres. Le prix sert de référence pour se faire une idée sur la gamme.

Avec les fluctuations tarifaires constantes, il est difficile aujourd’hui pour un consommateur de connaître le juste-prix dans le tourisme et dans l’hôtellerie, avec pour conséquence une tendance à se restreindre dans les dépenses et à se montrer en apparence radin. Mais sans l’être, car une majorité de voyageurs disent qu’ils sont prêts à payer plus cher si cela en vaut la peine.

14. On ne peut pas fonctionner sans les OTAs.
Les agences de voyages en ligne ont pris un tel essor et sont tellement hégémoniques sur le plan commercial depuis ces deux à trois dernières années que l’on est tenté de croire en tant qu’hôtelier, qu’on ne peut pas exister sans elles. C’est en petite partie vrai, mais c’est surtout un choix par défaut. Des exploitants se sont affranchis de Booking et ses concurrents (tous ou en partie) et ont démontré qu’ils pouvaient trouver des clients sans ces OTAs et obtenir malgré cela de bons scores d’occupation, et surtout de meilleurs prix moyens chambre. Cela ne se fait pas tout seul et demande un grand dynamisme commercial sur Internet et via les autres moyens de prospection.

Or, 4 hôteliers indépendants sur 5 ne développent aucune ou très peu de commercialisation pour leur établissement. Ils sont donc entre les mains des OTAs, de gré mais surtout de force. Le tout est alors de pouvoir limiter cet apport de clientèle à 20 ou 25 % de la demande. Ce qui nécessite, encore une fois, de vendre autrement et mieux.

15. Les groupes hôteliers tuent l’hôtellerie indépendante.
Ce préjugé correspond à une vieille rhétorique comparable à celle des hypermarchés face aux petits commerçants. Elle est en grande partie dépassée. Les groupes hôteliers ne se développent quasiment plus en France et stagnent depuis quelques années à environ 3.000 hôtels pour un parc total de 17.000 hôtels. Si des hôtels indépendants ferment, ce n’est pas/plus à cause des chaînes, mais de bien d’autres facteurs : retard de modernité, établissements trop petits, seuil de rentabilité en hausse, absence de commercialisation,…

La clientèle hôtelière a aujourd’hui de moins en moins de préférence pour les chaînes. Les OTAs et Internet ont contribué à répartir la demande et ont permis aux indépendants d’avoir autant de visibilité commerciale, ou presque, que les réseaux intégrés. De plus, les hôtels de chaînes ne sont plus forcément plus modernes que ceux des indépendants, lesquels ont fait ici et là de gros efforts sur ce registre, surtout dans les grandes villes. Certes, les hôtels faisant partie des chaînes intégrées ont en moyenne des taux de remplissage supérieurs à ceux des indépendants et de meilleurs prix moyens chambre. Mais c’est le fruit d’une notoriété et d’un travail commercial actif. Pas au détriment et sur le dos des autres hôteliers.

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