Salarié étranger en situation irrégulière : peut-on licencier pour faute grave ?

Salarié étranger en situation irrégulière : quelle conduite adopter ?

Un principe général en droit du travail prévoit que vous ne pouvez pas embaucher ou garder à votre service un salarié étranger non muni d’un titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Cette interdiction ne concerne pas les ressortissants de l’Union Européenne, de l’Espace Economique Européen, de Suisse, d’Andorre et de Monaco. 

Si vous envisagez d’embaucher un salarié étranger, vous devrez faire une demande d’autorisation de travail sur un portail en ligne. 

Il peut arriver que vous obteniez cette autorisation de travail mais qu’en cours de contrat, le titre de séjour de votre salarié soit expiré ou que son renouvellement soit refusé. Comment réagir dans une telle situation ?

Tout d’abord, si vous vous trouvez dans une situation où une régularisation est encore envisageable, il sera possible de suspendre le contrat de travail, d’un commun accord entre les deux parties, dans l’attente d’obtenir un renouvellement d’autorisation de travail et un titre de séjour valide. Il faudra toutefois veiller à ce que votre salarié puisse vous présenter un document attestant qu’il a déposé en toute bonne foi une demande de renouvellement de son titre de séjour, ce document prenant la forme d’un récépissé. 

Si aucune régularisation n’est possible, il faudra procéder à la rupture du contrat de travail du salarié, après l’avoir préalablement mis en demeure de régulariser sa situation. Le maintenir à son poste constituerait du travail illégal. L’absence de titre de séjour valide est une cause objective de licenciement et constitue un motif autonome de rupture du contrat, qui n’entrera pas dans la catégorie des licenciements pour faute. Vous n’avez en principe pas d’obligation de respecter la procédure disciplinaire et à ce titre, l’organisation d’un entretien préalable n’est pas une nécessité absolue, même si elle reste conseillée. Le préavis n’aura pas à être payé au salarié. Toutefois, le salarié aura droit à une indemnité forfaitaire de rupture correspondant à 3 mois de salaire.

Salarié étranger en situation irrégulière : la mise à pied conservatoire doit être payée en l’absence de faute grave distincte

Dans une récente affaire soumise à la Cour de cassation, un salarié avait été mis à pied à titre conservatoire puis licencié pour défaut de titre de séjour. Le salarié estime notamment qu’il aurait dû percevoir une rémunération au titre de sa mise à pied conservatoire car seul un licenciement pour faute grave ou lourde emporte une perte de salaire durant cette période. La cour d’appel avait rejeté la demande du salarié et avait estimé qu’il ressortait de la lettre de licenciement que la seule faute reprochée au salarié était de ne pas avoir produit un titre de séjour valable l’autorisant à travailler, malgré les mises en demeure de l’employeur, et que ce dernier n’avait donc d’autre choix que de licencier le salarié. 

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à exercer une activité salariée en France. Elle rappelle également que le salarié étranger a droit au paiement du salaire et des accessoires au titre de la période d’emploi illicite. A ce titre, elle en déduit que même si l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail, cela ne constitue pas pour autant une faute grave. Si un employeur invoque une faute grave, il faut que celle-ci soit distincte de l’irrégularité de la situation du travailleur étranger et que cela soit mentionné dans la lettre de licenciement. 

Seule la faute grave ou lourde permet de justifier le non-paiement d’une mise à pied conservatoire, ce qui n’était en l’espèce pas prouvé : la Haute Juridiction estime par conséquent que le salarié aurait dû percevoir une rémunération au titre de sa mise à pied conservatoire. 


Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n° 21-12.125 (l’irrégularité de la situation d’un travailleur étranger constitue nécessairement une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive ; mais elle n’est pas constitutive en soi d’une faute grave)

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Camille KriegelJuriste droit social en cabinet d’expertise comptableMaster 2 Droit social interne, européen et international – Université de Strasbourg

Source Éditions Tissot

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