Quarante-sept ans de contrats de travail à durée déterminée : est-ce possible ?

Quarante-sept ans de contrats de travail à durée déterminée : est-ce possible ?

Comment la succession de contrats de travail à durée déterminée est-elle légale lorsque le salarié est soumis à son régime juridique pendant quarante-sept ans ? C’est la question soulevée dans le communiqué des animateurs de l’émission « Des chiffres et des lettres », remerciés après quarante-sept et trente-six ans de CDD à France Télévisions. L’occasion de faire le point sur les règles juridiques en matière de contrat de travail à durée déterminée d’usage.

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► Comment la succession de contrats de travail à durée déterminée est-elle légale lorsque le salarié est soumis à son régime juridique pendant quarante-sept ans ? C’est la question soulevée dans le communiqué des animateurs de l’émission « Des chiffres et des lettres », remerciés après quarante-sept et trente-six ans de CDD à France Télévisions. L’occasion de faire le point sur les règles juridiques en matière de contrat de travail à durée déterminée d’usage.

Conditions de recours. Le contrat de travail à durée déterminée ne peut pas avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise (C. trav., art. L. 1242-1 N° Lexbase : L1428H9R). En outre, la conclusion de ce type de contrat est conditionnée à un motif précis, notamment le remplacement d’un salarié absent, ou dont le contrat de travail est suspendu ; l’accroissement temporaire d’activité ; le caractère saisonnier de l’emploi (C. trav., art. L. 1242-2 N° Lexbase : L6966LLL à L. 1242-4 N° Lexbase : L2663IZN). Le CDD d’usage est soumis aux règles de forme applicables à tout CDD (Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-47.656, FS-P+B N° Lexbase : A7535DPR). Selon l’article D. 1242-1, 6° du Code du travail N° Lexbase : L9571IE9, le CDD d’usage peut être conclu dans le domaine de l’audiovisuel.

Succession de CDD d’usage. Le caractère temporaire de la relation de travail ne fait pas obstacle à la conclusion de contrats successifs. Toutefois, le principe est l’interdiction de conclure des CDD successifs (C. trav., art. L. 1243-11 N° Lexbase : L1475H9I), l’employeur devant respecter un délai de carence entre la conclusion de deux CDD d’usage. Par ailleurs, la Cour de cassation pose une exception : le recours à l’utilisation de CDD successifs est possible s’il est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi (Cass. soc., 13 octobre 2021, n° 18-21.232, FS-B N° Lexbase : A334649S). Autrement dit, lorsque le recours au CDD dissimule un besoin non ponctuel de main-d’oeuvre, la requalification en CDI est possible. Il faut alors distinguer entre le motif du recours (ex : remplacement temporaire) et la présence permanente du salarié dans l’entreprise en raison de la succession des CDD. En effet, le seul fait de recourir à des CDD de manière récurente, voire permanente, ne suffit pas à caractériser un recours systématique aux CDD pour faire face à un besoin structurel de main d’oeuvre et pourvoir ainsi durablement un emploi durable lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Cass. soc., 14 février 2018, n° 16-17-966, FS-P+B N° Lexbase : A7728XDL). Les juges du fond doivent en conséquence examiner la validité de chaque CDD et non apprécier le nombre de CDD successifs (Cass. soc., 13 avril 2022, n° 21-12.538, F-D N° Lexbase : A01167UT).

En l’espèce, la conclusion de CDD d’usage successifs pendant trente-six et quarante-sept ans n’ a-t-elle pas pour objet de pourvoir à un emploi durable au sein de l’entreprise ? La Cour de cassation a auparavant jugé une situation identique concernant un salarié engagé à compter de 1988 jusqu’en 2018, dans le cadre de CDD successifs pour exercer les fonctions d’imitateur au cours de l’émission « Les guignols » (Cass. soc., 17 novembre 2021, n° 20-17.526, FS-B N° Lexbase : A94757BK). Dans cette affaire, elle a reconnu la requalification des CDD d’usage successifs en CDI.

De même, concernant l’animateur Tex, l’ensemble de ses CDD d’usage conclus a été requalifié en CDI au motif que l’émission, diffusée depuis 1995, et sa production, même si elle ne représente qu’environ quarante-cinq jours par an, correspond à une activité durable de l’entreprise, étant relevé que pendant les vingt-deux années écoulées à la date de la rupture, se sont seulement succédé trois animateurs dont l’animateur Tex, ceci témoignant du caractère pérenne de l’emploi occupé (CA Paris, 3 décembre 2019, n° 18/10602 N° Lexbase : A5740Z84 ; Cass. soc., 20 avril 2022, n° 20-10.852, FS-B N° Lexbase : A08737UU).

Source TribuCa.net

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