Pharmaciens : commerçants ou nouveaux médecins ?

Aux premières loges de la pénurie de médicaments, les pharmaciens voient leurs missions s’élargir chaque année. Face aux déserts médicaux et à des médecins surmenés, la profession se transforme en relais de santé supplémentaire, une mutation qui pose question.

Avec

  • Anne Buttard Maîtresse de conférences en économie de la santé à l’Université de Bourgogne, chercheure au LEDi (Laboratoire d’Economie de Dijon) et chercheure associée au CREGO (Centre de Recherche en Gestion des Organisations)
  • Grégory Reyes Maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Poitiers, directeur adjoint du laboratoire CEREGE (Centre de Recherche en Gestion) 

Mardi 21 novembre, des milliers de pharmaciens ont manifesté dans toute la France, à l’appel de l’intersyndicale de la profession. Perte d’attractivité du métier, manque de personnel, inflation… L’avenir du réseau officinal inquiète les pharmaciens, qui font face à de fortes difficultés de recrutement et de pérennisation de leurs commerces.

Alors que les officines sont aux premières loges de la pénurie de médicaments, les pharmaciens voient leurs missions s’élargir de plus en plus chaque année – et ce d’autant plus depuis la crise sanitaire. Comme le souligne Grégory Reyes, “avec la crise sanitaire, les pouvoirs publics ont bien eu conscience que le pharmacien était quelqu’un qui était présent, un vrai acteur de santé de proximité. (…) Donc, on décharge un petit peu le médecin généraliste, et on va confier au pharmacien davantage de missions de santé“.

De la vaccination aux tests bactériologiques, le gouvernement décloisonne les métiers du soin et vient encore renforcer le caractère polyvalent du métier de pharmacien d’officine. À la fois chef d’entreprise, professionnel de santé et soignant de proximité, le pharmacien doit jongler entre des prérogatives parfois contradictoires, qui lui sont à la fois source de reconnaissance et de charge de travail supplémentaire. “Le pharmacien doit d’un côté développer de nouvelles stratégies pour pouvoir s’approvisionner correctement, gérer une officine confrontée à des tensions et des difficultés économiques. Donc, il a tout un travail qui échappe un petit peu à sa qualité d’expert du médicament. Et en même temps, il doit trouver du temps pour s’impliquer dans de nouvelles missions”, analyse Anne Buttard.

Cette logique de renforcement de la coordination entre professionnels de santé, pilotée par le gouvernement, a certes pour ambition de mutualiser les compétences du secteur, mais intervient surtout en l’état pour pallier les dysfonctionnements du système de santé français. Alors que le réseau d’officines français garantit encore un relatif bon maillage du territoire, les 20 000 croix vertes apparaissent de plus en plus comme des relais de santé supplémentaires, permettant de compenser les déserts médicaux, de décharger les médecins surmenés et de désemplir les hôpitaux. L’absence de réflexion globale concernant les nouveaux liens entre pharmaciens et autres professionnels de santé suscite de plus des inquiétudes ; c’est pourquoi la crise du réseau officinal et les mutations du métier de pharmacien interrogent sur les perspectives du système de santé dans son ensemble.

Pour aller plus loin

  • Grégory Reyes : “La complexité du métier de pharmacien titulaire d’officine”, @GRH (éd. Association de Gestion des Ressources Humaines, 2022)
  • Anne Buttard, Florent Macé, Laëtitia Morvan et Christine Peyron : “Pharmaciens et coordination des soins primaires en France : quels enjeux ?”, Journal de Gestion et d’Économie de la Santé, 2019

Source France Inter

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