La Parade d'Accor pour résister à Booking

Le groupe hôtelier va investir 225 millions d’euros dans sa révolution numérique. Objectif : convaincre ses clients qu’ils ont intérêt à réserver sur son site, plutôt que sur ceux des agences en ligne. Une question de survie.

LA PARADE D’ACCOR POUR RÉSISTER À BOOKING.COM

La Parade d'Accor pour résister à Booking
Le groupe hôtelier va investir 225 millions d’euros dans sa révolution numérique. Objectif : convaincre ses clients qu’ils ont intérêt à réserver sur son site, plutôt que sur ceux des agences en ligne. Une question de survie.

tendance hotels a la une La parade dAccor pour résister à Booking.com
Révolution culturelle et numérique chez Accor. Le groupe hôtelier a organisé jeudi le premier «digital day» de son histoire, à l’hôtel Sofitel Saint James de Londres. Objectif: présenter sa vision des défis numériques des années à venir, et surtout ses projets pour les relever. Pour l’occasion, Sébastien Bazin, PDG du groupe depuis la fin de l’été 2013, a une nouvelle fois fait le show. Il y a quelques mois, il avait mouillé la chemise en plongeant en costume au fond de la piscine Molitor, qu’il inaugurait en grande pompe à Paris. Jeudi à Londres, Sébastien Bazin est arrivé avec un look très «geek» (pieds nus, jean et tee-shirt noirs) devant une assemblée d’analystes financiers cravatés et de journalistes.
Une métamorphose à la hauteur de l’enjeu: comme tous les acteurs de l’hôtellerie, Accor et ses franchisés voient leurs marges menacées par l’essor des agences de voyages en ligne, à commencer par booking et hotels.com. Au niveau mondial, les commissions versées à ces intermédiaires par l’ensemble de la profession hôtelière ont progressé chaque année de 28 % en moyenne de 2008 à 2012. Preuve du rapport de force: Booking est valorisé en Bourse six fois plus cher qu’Accor.
«Notre principal objectif est de donner à Accor les moyens et une vision pour participer à l’évolution profonde que vit l’hôtellerie mondiale avec le développement d’Internet, explique Sébastien Bazin. Il y avait jusqu’alors beaucoup d’initiatives isolées au sein du groupe, qui avaient besoin d’un chef d’orchestre.» Un an après l’annonce de la nouvelle stratégie du groupe et la redéfinition de son modèle autour d’HotelServices et HotelInvest (immobilier), le patron réaffirme que la transformation digitale d’Accor est son chantier prioritaire. Et il se donne les moyens de réussir à «repenser la place du digital tout au long du parcours client, améliorer l’offre aux partenaires investisseurs et consolider les parts de marché du groupe en matière de distribution».
Un budget de 225 millions d’euros sur cinq ans sera ainsi dédié à ce plan baptisé «leading digital hospitality» (hospitalité numérique de pointe), dont 150 millions les deux prochaines années. Un investissement en nette hausse par rapport aux 120 millions d’euros alloués ces cinq dernières années au développement de la distribution sur Internet.
Explosion des ventes sur smartphone
Aujourd’hui, le Web représente 35 % des ventes du groupe (les grands groupes américains sont légèrement au-dessus de cette proportion): 18 % via les sites maison d’Accor et 17 % pour les agences Internet en ligne, essentiellement Booking, Expedia, HRS, Ctrip en Chine… Les réservations en direct dans les hôtels totalisent encore 46 % du chiffre d’affaires (7 % pour les agences traditionnelles), mais la tendance s’inverse vite. Depuis plusieurs années, la progression des ventes en ligne est à deux chiffres. Sans donner d’échéance précise, Sébastien Bazin voit les ventes sur Internet passer le cap des 50 % dans un avenir proche, y compris à partir d’un mobile. Aujourd’hui, 12 % des réservations en ligne se font à partir d’un smartphone. Il s’attend à 30 % rapidement.
«L’hôtellerie est un secteur où le digital est déjà présent, déclare Vivek Badrinath, directeur général adjoint, marketing, digital, distribution et systèmes d’information, venu de chez Orange. Le voyage et le commerce ont déjà attiré beaucoup d’initiatives technologiques. Ils font déjà preuve de beaucoup de dynamisme. Chez Accor, cela fait vingt ans que le cœur de l’usine de réservation est bâti. Nous pensons que nous sommes assez gros, international et équipé pour aller plus loin.»
Développer les ventes sur Internet tout en maintenant l’équilibre fragile entre ventes en direct et ventes via d’autres agences en ligne est le grand défi à relever. «Booking est un service extrêmement efficace auquel beaucoup des clients adhèrent. Ce que je veux, c’est que la relation que nous avons avec eux reste équilibrée», insiste Sébastien Bazin, conscient que le site lui apporte de nombreux clients.
«Il n’est pas trop tard du tout», affirme Vivek Badrinath. Mais il y a une attention particulière à avoir vis-à-vis des internautes, qui traquent toujours la bonne affaire en ligne et s’attendent davantage à la trouver sur d’énormes places de marché, comme Booking dans l’hôtellerie. «Booking, par construction, ne peut pas être moins cher que nous, souligne Vivek Badrinath. Nous avons un travail d’explication à faire, notamment en mettant en avant les avantages à être un client fidèle et qui revient.»
D’Ibis à Sofitel, treize sites aux enseignes d’Accor
La force d’un site comme Booking, c’est son exhaustivité. Les sommes considérables que dépense le site sur Google en font un incontournable pour réserver en ligne un hôtel. Face à ce mastodonte, le groupe Accor dispose, lui, de 13 sites correspondant aux différentes marques (Ibis, Mercure, Sofitel…), à quoi s’ajoute un portail de réservation, Accorhotels.com, qui réalise à lui seul «plus de la moitié des ventes Web directes, déclare Romain Roulleau, directeur e-commerce. Avec Accorhotels.com, nous sommes le seul groupe hôtelier mondial à disposer de notre propre agence en ligne interne, qui regroupe l’ensemble de nos marques. C’est un avantage considérable». Ce site est traduit en 16 langues (dont l’arabe depuis cette année ou le turc en 2013). «Un groupe comme Marriott, par exemple, confie ses clés à Booking en Italie, car il n’a pas de site en italien», fait remarquer Romain Roulleau.
Au-delà de la distribution, Accor estime qu’il doit aussi rendre plus agréable l’expérience du client qui choisit de séjourner dans l’un de ses hôtels: l’aider à organiser son voyage en amont, faciliter au maximum le check-in et le check-out, envoyer des SMS d’accueil… Il veut un «parcours client» plus fluide (c’est son programme Welcome). Dans cet esprit, Accor vient de racheter la société française Wipolo, qui se présente comme «un compagnon de voyage, afin d’aider le client de bout en bout depuis la réservation jusqu’à son départ», explique Romain Roulleau. Grâce à cette technologie, le client peut réaliser un carnet de voyage en ligne qu’il peut notamment partager sur les réseaux sociaux.
Un chariot connecté pour les femmes de chambre
La révolution digitale ne s’adresse pas uniquement aux clients. Accor s’est associé à l’Innovation Factory, un cluster numérique, afin d’organiser avec des étudiants des Hackatons, «week-ends challenge». Leur mission: imaginer les objets connectés de demain, le parcours client idéal. «Grâce à eux, nous allons, par exemple, tester un “chariot connecté” pour les femmes de chambre, dans l’un de nos hôtels…., confie Laurent Idrac, directeur des services informatiques d’Accor (DSI).À partir d’une tablette, elles seront informées, pour chaque chambre en temps réel, des besoins de maintenance (fuite d’eau, ampoule…) et de la disponibilité ou non de la chambre.»
«Jusqu’il y a quatre-cinq ans, la technologie était aux mains des ingénieurs. Depuis, les designers ont pris le pouvoir, c’est une révolution majeure. Aujourd’hui, on pense d’abord au client et ses besoins. Pour l’hôtellerie, la priorité est de développer une technologie intuitive dans les hôtels», souligne Anne Lalou, directeur de l’Innovation Factory.

Partgagez

Plus d'articles

Ecrivez-nous