Loi Evin, interdire avec modération

Loi Evin, interdire avec modération

Selon la ministre de la Santé, changer la formule pour “l’alcool nuit à la santé” sous-entendrait que le gouvernement est favorable à la prohibition de l’alcool. Elle est contre.

Loi Evin, interdire avec modération

Des médecins réclament que le message sanitaire “l’abus d’alcool nuit à la santé” soit remplacé par “l’alcool nuit à la santé”. Ils jugent que les mesures de prévention contre l’alcoolisme présentées lundi par le gouvernement sont purement “cosmétiques”, la principale étant l’augmentation de la taille du pictogramme pour les femmes enceintes.

“Il faut informer les Français”

Cette formule “peut laisser penser qu’on est pour une action de prohibition, c’est à dire qu’on ne veut pas d’alcool du tout, or ce n’est pas le cas aujourd’hui”, a réagi Agnès Buzyn, interrogée mardi sur RTL. “C’est une recommandation du Haut conseil de santé publique” mais “je pense qu’il faut informer les Français sur le fait que l’alcool nuit à la santé de manière proportionnelle à la dose et que chacun doit être en capacité de choisir” sa consommation d’alcool, a-t-elle ajouté.

Interrogée sur la contradiction entre cette position et ses convictions en matière d’addictologie, et sur sa capacité “à lutter contre le lobby de l’alcool”, la ministre a assuré qu’elle n’avait pas changé de ligne. “Il y a un lobby mais ma bataille n’est pas de lutter contre les lobbies, elle est de faire de l’information et je maintiendrai les messages de santé publique que j’ai toujours donnés sur la nocivité proportionnelle” de la consommation d’alcool, a-t-elle expliqué.

Pas de durcissement de la loi Evin

Lorsqu’elle avait déclaré début février que le vin était un “alcool comme un autre”, Agnès Buzyn était apparue bien isolée, s’attirant les foudres de la filière agricole et de ses soutiens actifs au Parlement. La ministre de la santé avait été recadrée par le président Macron.

“Il y a un fléau de santé publique quand la jeunesse se saoule à vitesse accélérée avec des alcools forts ou de la bière, mais ce n’est pas avec le vin”, avait plaidé le chef de l’Etat en inaugurant le Salon de l’agriculture le mois dernier. “Tant que je serai président, il n’y aura pas d’amendement pour durcir la loi Evin” restreignant la publicité pour les boissons alcoolisées, avait-il affirmé.

Que dit la loi sur l’alcool au travail ?

L’article R4228-20 du Code du travail stipule que seuls la bière, le vin, le cidre et le poiré sont autorisés sur le lieu de travail.
L’employeur ne doit pas laisser entrer ou séjourner une personne ivre sur le lieu de travail. Il peut également prendre des mesures pour sanctionner un salarié ivre. L’employeur peut prouver l’ivresse d’un salarié en procédant à un contrôle d’alcoolémie si cette disposition est prévue par le règlement intérieur. L’alcoolisme ne peut être un motif de licenciement. En revanche, l’état d’ébriété est un motif de licenciement s’il a des conséquences négatives sur la sécurité ou l’image de marque de l’entreprise.

Un employeur peut-il interdire l’alcool au travail ?

Selon un décret publié au Journal officiel du 3 juillet 2014, l’employeur peut désormais interdire toute consommation d’alcool sur le lieu de travail. “Lorsque la consommation de boissons alcoolisées (…) est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur, prévoit dans le règlement intérieur ou, à défaut, par note de service les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs et de prévenir tout risque d’accident.” Parmi ces mesures, “la limitation voire l’interdiction de cette consommation” peuvent être prises”. Il est cependant précisé que ces décisions doivent “être proportionnées au but recherché”.

Pourquoi mettre en place une politique “alcool” au travail ?

La mise en place d’une politique contre l’alcool au travail peut avoir plusieurs motifs. Elle peut être encouragée si des accidents se sont déjà produits au sein de l’entreprise, lorsque l’alcoolémie pose des problèmes de sécurité, si l’alcoolémie perturbe le travail d’un ou plusieurs salariés. Elle peut aussi intervenir dans le cadre d’une campagne nationale.

Alcool au travail : comment mettre en place une politique ?

Dans le cas où le chef d’entreprise décide de lancer une démarche contre l’alcool au travail, le ministère du Travail conseille la création de deux groupes : un comité de pilotage et un groupe de prévention alcool interne à l’entreprise. Les membres de ces deux groupes doivent suivre une formation à l’alcoologie dispensée par des formateurs compétents (assistants en santé au travail, Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie, par exemple). Le groupe de prévention, sur les décisions du comité de pilotage, fait un état des lieux, organise l’information et la communication sur la problématique de l’alcool en entreprise, élabore des protocoles et fait des propositions pour le règlement intérieur de l’entreprise.

Alcool au travail : que faire en cas d’urgence ?

Si l’ivresse d’un salarié est constatée par un collègue, celui-ci doit appeler le secouriste le plus proche et informer le responsable hiérarchique. Celui-ci doit à son tour éloigner la personne de tout risque (chantier, machine…) et demander à un médecin du travail, où à défaut aux secours, ce qu’il faut faire (arrêt de travail, hospitalisation, retour au domicile accompagné). Il peut également procéder à un contrôle d’alcoolémie. Il doit rédiger une fiche de constat et la remettre au médecin du travail et aux ressources humaines (une copie doit être remise au salarié). Lors de la reprise du travail, le responsable doit convoquer le salarié pour faire le point et organiser pour lui une consultation avec la médecine du travail. Notons également que pour lutter contre l’alcoolisme, les commerçants ne sont pas tenus d’accepter les tickets restaurant pour régler de l’alcool.

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