Un Restaurateur peut-il interdire les décolletés ?

Un Restaurateur peut-il interdire les décolletés ?

 

Ségolène Royal aurait souhaité imposer le port d’une tenue “décente” au sein du ministère de l’Écologie. Une information certes démentie depuis par l’ancienne présidente de la Région Poitou-Charente, mais qui permet néanmoins de revenir sur les obligations en matière de dress code au travail…

 

Un Restaurateur peut-il interdire les décolletés ?

 

Madame M. a été embauchée en qualité de serveuse dans un restaurant.

Elle a fait l’objet d’un avertissement en ces termes :

« Vous vous êtes présentée ce jour à 8 heures 02 à votre travail au restaurant.
Comme je vous l’ai stipulé à plusieurs reprises votre tenue n’est pas correcte.
Effectivement vous vous êtes présentée avec un tee-shirt moulant rouge vif qui n’est pas approprié à vos fonctions. Vous ne tenez pas compte de mes remarques concernant votre tenue vestimentaire et ceci depuis le début de notre collaboration car dès le 1er juillet 2010 je vous informais à titre amical que vos tenues laissaient apparaître des tatouages, tee-shirt de couleur vive, décolleté provoquant, pantalon corsaire et que ceci me déplaisait fortement. Je suggère chez vous une certaine provocation. Vous devez vous présenter avec une tenue adaptée à l’hôtellerie ».

Devant la Cour d’Appel de Nîmes, l’employeur a expliqué que la tenue vestimentaire de la salariée était inadaptée ; ceci était confirmé par trois attestations qu’il a communiquées.

En outre, Madame M. a reconnu avoir modifié sa tenue vestimentaire et porté des chemisiers à la demande de son employeur.

Pour la Cour d’Appel de Nîmes, la sanction disciplinaire était justifiée.

Cour d’appel de Nîmes 10 septembre 2013 n° 12/00015

***

Un Restaurateur peut-il interdire les décolletés ?

Madame P. a été engagée en qualité de serveuse, aide cuisinière, femme toutes mains dans un bar restaurant routier.

Elle a été licenciée au motif notamment d’une tenue vestimentaire non en accord avec l’activité de l’établissement.

A l’appui de son licenciement, l’employeur a versé aux débats deux photos.

La Cour d’appel de Caen a apprécié ces photos en ces termes :

« Ces deux photos sont identiques à la réserve près que sur l’une d’elles seulement apparaît le nom de l’enseigne commerciale de l’établissement.

Est visible sur ces photos un groupe de 4 personnes dont 3 ont le visage masqué.

Il est expressément reconnu par Madame P. que la seule personne entièrement visible qui y figure est elle-même.

Elle y est vêtue d’un débardeur et d’un short.

A l’évidence ces photos ont été prises à l’occasion d’un retour de pêche puisque l’une des personnes présente à l’objectif un seau de coquillages.

Il apparaît tout aussi évident que lorsqu’ont été prises ces photos, Madame P., quand bien même était-elle au travail sur le lieu d’exercice de celui-ci, n’assurait pas son service au bar ou en salle, au contact donc de la clientèle et il n’est du reste pas même soutenu par l’employeur qu’elle assurait son service dans la tenue vestimentaire qui est la sienne sur les photos, laquelle tenue évoque davantage celle d’un pêcheur à pied de retour de pêche que celle d’une femme sexuellement provocante qu’évoque la lettre de licenciement (jupe courte et décolleté plongeant).

Ces photos n’illustrent donc en rien le grief fondé sur une tenue vestimentaire de la salariée inadaptée aux fonctions qui étaient les siennes. »

Outre ces photos, l’employeur produit, afin d’établir la réalité des griefs qu’elle impute à Madame P., les attestations de clients de l’établissement.

Monsieur D., ouvrier d’usine a attesté en ces termes : « décolleté à en jeter et talons aiguilles. De plus, son parlé avec les clients était bien étrange, très familier ».

Madame M., pareur et cliente habituelle du restaurant a attesté de l’attitude aguichante de la serveuse vis à vis des hommes et de son accoutrement vestimentaire qui, bien que très chic, était inadapté à une salle de restaurant dont la clientèle était essentiellement masculine (décolleté plongeant, minijupe et talons aiguilles).

Pour la Cour d’appel de Caen, ces témoignages apparaissent suffisamment circonstanciés quant aux relations que font les témoins de la tenue vestimentaire habituelle de Madame P., dont, comme l’ont fait ceux-ci, il ne peut qu’être fait le constat qu’elle était inadaptée au service au bar et en salle d’un restaurant routier. Le souci des nouveaux exploitants de l’établissement, qui en ont repris l’exploitation en même temps qu’ils embauchaient Madame P., d’en assurer une bonne tenue était légitime.

Par lettre antérieure au licenciement son employeur avait invité à Madame P. à se présenter pour assurer son service dans une tenue correcte, précisant une jupe plus longue et un décolleté moins provoquant.

Ainsi que précisé à la lettre, cette invitation faite à celle-ci faisait suite à des remarques que son rédacteur lui avait déjà oralement faites ainsi qu’à celles des clients de l’établissement et il lui était précisé que sa tenue vestimentaire n’était pas conforme à l’honorabilité de celui-ci.

Madame P. a reconnu reconnaît avoir été destinataire de cette lettre.

Ce rappel à l’ordre de Madame P. par son employeur n’a eu aucun effet puisqu’il ressort des témoignages sus évoqués des clients de l’établissement qu’elle a continué de porter pendant son service des tenues provocantes que son employeur a pu à bon droit estimer totalement inadaptées à l’exercice des fonctions qui étaient les siennes.

Pour la Cour d’appel de Caen, un tel comportement de sa part, fautif par nature, ne pouvait que nuire à la réputation de l’établissement et donc à ses exploitants.

Il constituait donc une cause réelle et sérieuse à son licenciement.

Cependant, pour fautif qu’ait été le comportement de Madame P., pour la Cour d’appel de Caen, sa faute n’était pas d’une gravité telle qu’elle faisait obstacle à l’exécution de son préavis de licenciement.

Cour d’appel de Caen, 14 juin 2013 n° 11/02254

 

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

Blog de l’Actualité du Droit du travail
http://www.droit-du-travail.org

Partgagez

Plus d'articles

Ecrivez-nous