Hôteliers et architectes : les liaisons heureuses…

Aujourd’hui, la clientèle n’est pas seulement sensible au design détonant d’un Philippe Starck ou à la griffe modeuse d’un Lagerfeld. Elle s’intéresse à l’hôtellerie sur le fond comme sur la....

Hôteliers et architectes : les liaisons heureuses…

Les grandes compagnies hôtelières travaillent désormais avec le gotha des architectes pour construire les lieux les plus prestigieux. De Madrid à Dubaï, de Londres à Shanghaï, le phénomène s’amplifie, transformant le paysage de nos villes et l’expérience du voyageur.

Hyatte Capital Gate (Abu Dhabi) — Cabinet RMJM. Depuis fn 2011, Abu Dhabi tient sa tour de Pise des temps modernes. Incliné à 18 degrés, le gratte-ciel tout de verre et d’acier accueille un élégant Hyatt. Dans leurs désirs de grandeur, les mégapoles émergentes organisent des mariages très réussis entre architecture et hôtellerie.

Pritzker. Le nom fait rêver les architectes, mais aussi les voyageurs d’affaires. Ce patronyme est en effet celui de la famille fondatrice du groupe hôtelier Hyatt, celle-là même qui remet chaque année – à travers sa fondation – le “Nobel” d’architecture, le fameux prix Pritzker. Parmi les heureux élus, Norman Foster, Franck Gehry, Zaha Hadid, Jean Nouvel, Renzo Piano… Rien d’étonnant donc de voir ce groupe né à Chicago –ville modèle de l’urbanisme contemporain– entretenir des relations privilégiées avec les bâtisseurs les plus inventifs. L’ouverture à la fin de l’été dernier du Park Hyatt New York vient d’ailleurs le confirmer, hôtel hébergé au sommet de la tour One57 dessinée par Christian de Portzamparc. Un lauréat du Pritzker bien entendu.
City of Dreams Macao – Zaha Hadid. Grande activiste du mouvement déconstructiviste, Zaha Hadid balade partout dans le monde son design imaginatif, alternance de lignes droites et courbes, d’angles aigus et de formes fluides. La “starchitecte” la plus courue du moment prépare deux tours étonnantes, l’une à Dubai, en forme de cube évidé et hébergeant un Me by Melia, ainsi que le City of Dreams à Macao, percé par un atrium de 40 mètres (ici en photo).
City of Dreams Macao – Zaha Hadid. Grande activiste du mouvement déconstructiviste, Zaha Hadid balade partout dans le monde son design imaginatif, alternance de lignes droites et courbes, d’angles aigus et de formes fluides. La “starchitecte” la plus courue du moment prépare deux tours étonnantes, l’une à Dubai, en forme de cube évidé et hébergeant un Me by Melia, ainsi que le City of Dreams à Macao, percé par un atrium de 40 mètres (ici en photo).

Hôteliers et architectes : les liaisons heureuses...

City of Dreams Macao – Zaha Hadid. Grande activiste du mouvement déconstructiviste, Zaha Hadid balade partout dans le monde son design imaginatif, alternance de lignes droites et courbes, d’angles aigus et de formes fluides. La “starchitecte” la plus courue du moment prépare deux tours étonnantes, l’une à Dubai, en forme de cube évidé et hébergeant un Me by Melia, ainsi que le City of Dreams à Macao, percé par un atrium de 40 mètres (ici en photo).

L’aura des “starchitectes”

Aujourd’hui, la clientèle n’est pas seulement sensible au design détonant d’un Philippe Starck ou à la griffe modeuse d’un Lagerfeld. Elle s’intéresse à l’hôtellerie sur le fond comme sur la forme, passant au crible l’inventivité du bâti comme l’art de l’accueil. Les investisseurs immobiliers l’ont d’ailleurs bien compris. Ils n’hésitent pas à associer à leurs projets les talents d’un “starchitecte” qui apporte son aura, et partant assure la rentabilité de ces complexes où se mêlent bureaux, shopping malls, appartements et hôtels cinq étoiles. La preuve à Dubai où le promoteur Omniyat est en train d’élever une tour aux formes surprenantes baptisée The Opus, attendue pour 2016. Cette sorte de cube évidé en son centre et signé Zaha Hadid comprendra des boutiques de luxe dans ses étages inférieurs, des bureaux au stade intermédiaire et, pour couronner l’ensemble, un hôtel Me by Melia et des penthouses de luxe. “The Opus est une oeuvre d’art extraordinaire, créée par l’un des esprits les plus brillants au monde”, expliquait Mahdi Amjad, PDG d’Omniyat lors de l’annonce du projet. Il offrira une expérience de grande classe aux clients de l’hôtel et aux résidents des appartements long séjour.”

Si, en Europe, l’hôtellerie convoque les meilleurs designers pour métamorphoser des bâtiments historiques, elle choisit plutôt les skylines futuristes dans les capitales des pays émergents. C’est le cas notamment au Moyen-Orient où rien n’est jamais trop beau, ni trop haut. En attendant la noria de musées en développement sur l’île de Saadiyat signés Ando, Gehry, Hadid et Nouvel, Abu Dhabi a enrichi son patrimoine architectural de bâtiments détonants comme la Capital Gate Tower. Cette tour façon Pise – mais en plus inclinée encore ! – conçue par l’agence RMJM concentre une intense activité affaires avec un élégant Hyatt, un centre de congrès high-tech et plus de 10 000 m2 de bureaux. Dans le style “défi aux lois de la nature”, la tour Burj Khalifa de Dubai est allée plus loin encore. Dessinée par le célèbre cabinet Skidmore, Owings and Merrill, la plus haute structure humaine jamais construite va jusqu’à tutoyer les étoiles, avec, en plein ciel, la sobriété chic d’un hôtel Armani.

Les projets fourmillent également en Chine où chaque métropole régionale se rêve en nouvelle Pudong, le futuriste quartier d’affaires de Shanghai et ses tours coiffées de luxueux établissements. Et, comme à Shanghai, les développements en cours auront de quoi ravir les voyageurs d’affaires les plus exigeants en matière d’architecture. La marque de luxe dubaïote Jumeirah a ainsi annoncé deux projets très ambitieux, le premier à Nankin dans le nouveau quartier d’affaires de Hexi, et le second à Wuhan, dans un complexe multifonctionnel. Les architectes respectifs : Zaha Hadid et Foster & Partners…

Les empires hôteliers étant avant tout bâtis sur la pierre, ces liens étroits avec les meilleurs architectes n’ont rien d’étonnant. Ni de très neuf. En leurs temps déjà, les magnats du secteur avaient leurs bâtisseurs attitrés. Proche des frères Pereire, les promoteurs du Paris haussmannien, Alfred Armand a conçu pour eux le Grand Hôtel de la place de l’Opéra. Charles Mewes a dessiné les Ritz de Paris, Londres et Madrid et l’agence Schultze & Weaver imaginé le Biltmore de Miami et les Pierre et Waldorf-Astoria de New York. Autant de noms qui se sont effacés des mémoires à la différence des lieux qu’ils ont créés. À l’inverse, celui de Frank Lloyd Wright reste associé à la légende de l’Imperial Hotel de Tokyo. Et pourtant… cet établissement symbole de l’ouverture du Japon sur l’architecture occidentale n’existe plus, détruit à la fin des années 60 et remplacé par un bâtiment plus moderne.

Pourquoi cette pérennité ici et là cet oubli ? Probablement parce que Frank Lloyd Wright a amorcé l’Âge d’or des urbanistes, celui des Corbusier, des Mies Van der Rohe et, plus proche, celui des Pei ou des Niemeyer. Ces avant-gardistes ont fait leur entrée au musée – les construisant souvent d’ailleurs – et investi dans le même temps le star-system. Cette “peoplisation” explique l’engouement actuel pour les hôtels architecturés. Les spécialistes du domaine ont même un nom pour cela : l’“effet Bilbao”. La ville basque, grâce à l’ouverture de son musée Guggenheim dessiné par Frank Gehry, a montré au monde entier qu’un geste architectural fort permettait de s’imposer sur la scène touristique.

Elbphilarmonie Hambourg — Herzog et de Meuron. Dans le quartier en devenir de Medienhafen, le cabinet suisse Herzog & de Meuron réalise une partition magistrale avec, côté scène, une salle de concert ultra moderne et, en coulisse, un cinq étoiles de 200 chambres sous enseigne Westin.
Elbphilarmonie Hambourg — Herzog et de Meuron. Dans le quartier en devenir de Medienhafen, le cabinet suisse Herzog & de Meuron réalise une partition magistrale avec, côté scène, une salle de concert ultra moderne et, en coulisse, un cinq étoiles de 200 chambres sous enseigne Westin.

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Icone Futuriste

Dès lors, ne pourrait-il pas en être de même pour l’hôtellerie ? Avec leurs lignes emblématiques, certains établissements symbolisent leur ville aux yeux du monde. Dessiné par Moshe Shafdie, le Marina Bay Sands est devenu l’emblème futuriste de Singapour, à l’image de ce qu’avait fait Dubai avec le Burj Al Arab. Un peu comme si la tour Eiffel et le Ritz n’avaient fait qu’un ! Ouvert en 2005 à Madrid, le Puerta America a poussé la logique à l’extrême en empilant les prix Pritzker à chaque étage. Au premier, des chambres tout en fluidité signées Zaha Hadid, au deuxième un environnement flexible conçu par Norman Foster et ainsi de suite jusqu’au douzième, avec les suites et le penthouse réalisés par Jean Nouvel, également auteur de la façade. En tout, 19 cabinets d’architecture et de design se sont penchés sur le berceau du Puerta America. “Même s’il n’est pas aussi central que d’autres hôtels de la ville, c’est là que nous voulions résider avec mon mari, pour vivre de l’intérieur ce concentré d’inventivité et découvrir l’oeuvre de ces créateurs qui savent donner de l’âme à la matière”, raconte Salma Dioury, amatrice de beaux endroits et architecte de profession.

Les grands noms font toujours bien dans les collections hôtelières. Ils en donnent le ton, garantissent de belles pages dans les magazines papier glacé. Me by Melia, la marque fashion du groupe espagnol, compte sur cette publicité pour accroître sa notoriété. Son hôtel londonien, ouvert en 2013, est ainsi le premier de la capitale britannique à avoir été réalisé par Sir Norman Foster. En 2015, l’enseigne poursuit sa tournée des prix Pritzker en s’installant à Milan, dans un bâtiment dessiné par Aldo Rossi et largement rénové tout en préservant le style de l’architecte décédé en 1997. Et l’année prochaine, direction Dubai donc en compagnie de Zaha Hadid, au sein de la tour Opus. Entre temps, le groupe a pu compter sur le talent de Dominique Perrault pour s’installer à Vienne, dans les derniers étages de la Donau City Tower.

Le plus haut gratte-ciel de la capitale autrichienne, phare du quartier d’affaires qui prend forme sur la rive gauche du Danube, illustre une autre tendance. La revitalisation des anciens quartiers industriels des capitales européennes inspire les urbanistes et profite également aux hôteliers. Depuis fin 2013, le Kop van Zuid, le vieux port de Rotterdam, est dominé par trois buildings dessinés par le plus célèbre résident de la ville, Rem Koolhaas. De Rotterdam – c’est le nom de cette “ville verticale” vers qui converge plus de 5000 personnes dans ses 60 000 m² de bureaux – accueille un hôtel Nhow, l’enseigne funky de NH Hotels, tout à fait dans le ton de cet ensemble post-moderne.

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Tours duo (Paris) – Jean Nouvel. Le quartier Paris Rive Gauche est en pleine mutation. Sorties des planches à dessin des ateliers Jean Nouvel, les tours Duo vont participer à la revitalisation de l’Est de la capitale. Le projet, attendu pour 2018, intègre des bureaux et un hôtel haut de gamme.
Tours duo (Paris) – Jean Nouvel. Le quartier Paris Rive Gauche est en pleine mutation. Sorties des planches à dessin des ateliers Jean Nouvel, les tours Duo vont participer à la revitalisation de l’Est de la capitale. Le projet, attendu pour 2018, intègre des bureaux et un hôtel haut de gamme.

Et la France, dans tout ça ? Si la crise a donné un coup d’arrêt à certains projets, Paris ne renonce pas à ses désirs de grandeur. Certes, à des degrés moins impressionnants que Londres qui s’est dotée de la skyline la plus ambitieuse d’Europe avec, pour point culminant, le Shard de Renzo Piano et son luxueux Shangri-La. Mais enfin, la modernisation de La Défense va se traduire par l’éclosion d’une multitude de gratte-ciel comme la tour Phare de Thom Mayne, prix Pritzker 2005. Même si le quartier conservera longtemps son côté “métro boulot,” il a néanmoins connu en février sa première inauguration d’hôtel depuis plus de dix ans. Dessiné en forme de voile de bateau par le cabinet d’architectes de Claude Vasconi, le nouveau Melia ajoute 369 chambres dans ce business district très couru en semaine. Plus loin, en 2019, les deux tours Hermitage parachèveront la mue du quartier. À la baguette, Norman Foster, pour un ensemble comportant des logements, des bureaux et un hôtel cinq étoiles. La Défense, ou l’illustration d’un mouvement perpétuel entretenu aussi bien par des ambitions économiques qu’architecturales.

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Me by Melia Londres – Norman Foster. Créer le fond comme la forme : c’est le rêve de tout architecte, souvent critiques quant au rendu des designs intérieurs. Pour son premier hôtel à Londres, le cabinet de Norman Foster a réalisé la réhabilitation complète de la Marconi House, au coin d’Aldwych. “En designant l’intérieur comme l’extérieur de l’hôtel, jusqu’aux moindres détails, nous avons pu préserver un très haut niveau de qualité et de continuité”, décrit Giles Robinson, associé du cabinet.

 

 

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Puerta America Madrid – Jean Nouvel, Zaha Hadid, Norman Foster, Ron Arad, Marc Newson, Arata Isozaki… Tous les grands noms de l’architecture et du design se sont donné rendez-vous au Puerta America à Madrid, signant l’hôtel le plus architecturé au monde. Au septième étage, Ron Arad délivre son interprétation de l’hôtel du futur, repensant les espaces et les formes avec des lits tout ronds.

 

 

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