CRITIQUE DU GUARDIAN CONTRE LE RESTAURANT LE CINQ : DÉCRYPTAGE D’UNE OUTRANCE

Ce n’est pas encore une affaire d’État mais presque. Le journaliste anglais du Guardian, Jay Rayner, s’est littéralement lâché contre Le Cinq, restaurant trois étoiles du George V, célèbre palace parisien.....


Le contexte


Dans un article publié le dimanche 9 avril sur le site du Guardian, célèbre journal anglais, le journaliste Jay Rayner attaque très vertement le restaurant gastronomique du George V. Celui-ci vient d’entrer dans le classement du World’s 50 Best, il est auréolé de trois étoiles au guide Michelin et toute la presse française – quasiment sans exception – reconnaît le travail accompli par le chef Christian Le Squer, mais également par les équipes du palace parisien, et notamment son directeur général José Silva, pour porter très haut la gastronomie. Par-delà le ton au vitriol et volontairement excessif, cette critique arrive en totale opposition par rapport à ce qui s’est écrit ses derniers mois sur le restaurant du Cinq.


Le contenu du papier


Tout est sujet à la critique, de la décoration à l’assiette. Le cadre : «décoré avec différents tons de taupe, biscuit et d’allez vous faire foutre», qui «hurle l’argent comme les fans de foot hurlent contre l’arbitre». L’assiette : la fameuse soupe à l’oignon est «majoritairement noire, comme les cauchemars, et collante, comme le sol aux fêtes des adolescents». Le pigeon « demandé à point est servi si rosé qu’il pourrait se remettre après quelques coups de défibrillateur ». Et cela continue avec la « bouillie de Saint-Jacques dont l’acidité rappelle moins le yuzu que le produit qu’on utilise pour entretenir les pièces en laiton ». Tout aussi violent, l’attaque de l’amuse-bouche, une « balle transparente servie sur une cuillère », sphérification qu’il qualifie «d’implant mammaire en silicone taille Barbie », semblable en bouche à «un préservatif qu’on aurait laissé traîner ». De l’excès pur et dur.


La réaction du George V


No comment ! Officiellement, le palace parisien ne réagira pas à cette attaque qui est considérée comme du spectacle mais pas comme une critique fondée et raisonnable. Ce qui n’empêche pas que les équipes de suivre cela de près. Pour l’instant, le palace regarde tout ce qui s’écrit et se dit, et espère que la page sera rapidement tournée.


La position du chef Christian Le Squer


Selon nos informations, il lui a été demandé de ne pas réagir et d’ajouter de l’huile sur le feu en prenant la parole. Lors de la soirée Lebey lundi 10 avril, il affichait un large sourire comme à son habitude, ce qui ne l’empêchait pas de confier qu’il faut tout de même « avoir la peau dure dans ce métier ». Non sans malice, Christian Le Squer a posté sur son profil Instagram, mardi 11 avril, une photo de sa « gratinée à l’oignon », plat attaqué par Jay Rainer. Quelque 22 heures après avoir posté la photo, celle-ci avait reçu 677 « j’aime » et de nombreux commentaires positifs.

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La position des journalistes et de la presse française


Dès la publication du papier sur le Guardian, quelques journalistes spécialisés ont envoyé des messages au chef Christian Le Squer pour lui dire qu’ils le soutenaient et qu’ils allaient réagir dans leur média. Rapidement les trois principaux quotidiens français – Libération, Le Figaro et Le Monde – ont publié un article sur le sujet. D’autres papiers devraient suivre. Pour Elvire Von Bardeleben, du journal Libération, « le journaliste du Guardian est allé tellement loin dans sa critique qu’elle en devient drôle et absurde. C’est presque un jeu qu’il a lancé et auquel la presse française participe aussi en lui répondant via nos articles. Sur le fond, une vraie critique, justifiée et raisonnable, aurait été pire pour le George-V. Là, nous sommes dans la caricature drolatique, à deux doigts de la blague. Mais, justement, c’est pour cela que ce texte va être très lu et partagé sur les réseaux sociaux. D’où ma volonté de réagir par un article qui recontextualise les éléments. »


Pourquoi une telle attaque ?


Si la critique avait été « raisonnable », la réponse serait évidente : la cuisine du Cinq n’a pas été au niveau des attentes du journaliste, ce qui se respecte pleinement. « Toutes les critiques, d’où qu’elles viennent, sont entendues et analysées par nos équipes » témoignaient un membre du personnel du palace parisien. Mais là, le pourquoi est ailleurs. Deux grandes pistes se profilent. D’une part, l’envie d’un critique anglais de se farcir un palace parisien, donc français. De temps en temps, cela fait du bien de pratiquer le french bashing pour resserrer les rangs d’une Angleterre marquée par le Brexit. Quoi de mieux de prendre un célèbre palace parisien, au firmament de sa réussite, et le démolir ? Surtout que Jay Rayner s’attaque à un établissement financièrement solide, appartenant au groupe Four Seasons. Facile éditorialement, mais sans risque de conséquences économiques importantes pour la cible désignée. Quelques chefs d’établissements comparables reconnaissent d’ailleurs qu’ils auraient pu être à la place de Christian Le Squer…

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Le chef Christian Le Squer

Autre piste pour justifier l’attaque : se faire un bon coup de pub pour l’auteur de la critique. Jay Rayner sort un livre, il faut donc faire parler de lui ! Comment faire ? S’offrir une publicité gratuite en attaquant un fleuron de la gastronomie parisienne. Notre homme – 50 ans ! – n’est pas un perdreau de l’année. Il sait comment faire réagir et faire le buzz : en privilégiant l’excès et les images fortes, comme celle du préservatif… Plus gênant encore pour le journaliste du Guardian, sa fausse affirmation qu’il est impossible de faire des photos au V. D’après nos informations – une enquête interne a tout de même était lancée pour vérifier les dires du journaliste –, Jay Rayner a pu faire des photos lors de son repas et a demandé à réaliser un shooting avec le chef. Ce dernier étant absent, celui-ci n’a pas pu avoir lieu. Le service communication a proposé d’envoyer des photos « presse » au journaliste, ce qui a été accepté. Sur l’article en ligne, il s’amuse à montrer les photos « officielles », réalisées par un photographe professionnel, et ses propres photos, sous-exposées.

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Les conséquences pour le restaurant gastronomique du George V ?


À critique excessive, effets peu prolifiques. De par sa dimension satirique, le texte de Jay Rayner relève plus du spectacle que de la critique fondée. Circonscrit dans une bulle britannique, le bad buzz sera de courte durée et ne devrait pas impacter la fréquentation du restaurant. Il n’est pas impossible que certains Anglais viennent voir – et manger – ce fameux restaurant dézingué par un des leurs, et aller au Cinq comme on va voir un spectacle…

ATABULA

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