Le plan social annoncé par le géant hôtelier AccorInvest préfigure-t-il une vague de destructions de postes dans un secteur hôtelier très éprouvé par la crise sanitaire et pour qui 2021 s’annonce d’ores et déjà difficile?

Jeudi, le gouvernement a annoncé un nouvel élargissement de l’accès au Fonds de solidarité, afin qu’il puisse bénéficier davantage aux établissements regroupés dans des holdings et des groupes, notamment familiaux, une bouffée d’air très attendue par nombre de professionnels.

Coûts fixes pris en charge à 70%

Ainsi, les coûts fixes des entreprises fermées à cause de l’épidémie (et celles des secteurs qui leur sont liés) réalisant plus d’un million d’euros de chiffre d’affaires par mois, seront pris en charge à 70% – une aide qui s’ajoutera au fond de solidarité et est pour l’instant plafonnée à 3 millions d’euros sur la période janvier-juin 2021.

Ces nouveaux dispositifs “vont aider à restructurer, et aussi à redonner le moral. Et quasiment tous les hôtels vont pouvoir y adhérer”, a commenté jeudi soir Didier Chenet, président du GNI (indépendants de l’hôtellerie-restauration).

Des centaines de licenciements

Dans un secteur de l’hôtellerie en grande souffrance, certains ont toutefois déjà annoncé des licenciements.
Ainsi le groupe AccorInvest prépare-t-il un plan social, annoncé mercredi, portant sur près de 1.900 suppressions d’emplois en Europe, dont 767 en France, contre lequel quelques dizaines de salariés et militants syndicaux ont manifesté jeudi, devant le Novotel Paris Tour Eiffel. “Zéro suppression d’emploi avec de l’argent public”, ont-ils scandé.

“La casse sociale a déjà commencé depuis des mois, mais on n’en parle pas parce qu’ils font des petits PSE, de moins de neuf salariés. On a des groupes qui ont 200, 300 salariés et qui régulièrement suppriment neuf emplois. Alors que quand on fait un gros PSE, ça attire l’attention”, a déclaré Nabil Azzouz, secrétaire fédéral FO Hôtellerie restauration.

Ex-filiale d’Accor, AccorInvest exploite près de 900 hôtels sous différentes marques du géant français de l’hôtellerie (Ibis, Novotel, Mercure…) dans 28 pays. Fragilisée par la pandémie de Covid-19 qui a amputé son chiffre d’affaires de 70%, l’entreprise a demandé un prêt garanti par l’État (PGE) de 470 millions d’euros et doit réaliser une augmentation de capital de même ampleur.

Déjà fin octobre, Accor, sixième groupe hôtelier mondial, avait annoncé la suppression d’un millier d’emplois dans le monde, dont “300 à 400” en France, après avoir perdu 1,5 milliard d’euros au premier semestre.

33% d’occupation seulement

“Des mastodontes qu’on imaginait insubmersibles sont aujourd’hui fragilisés”, constate Didier Arino, directeur du cabinet spécialisé Protourisme. “La question c’est: combien de temps va durer la crise? Il y aura une reprise et elle sera forte, mais entre-temps il ne faut pas mourir ou être trop fragilisé”, relève-t-il. “Ceux qui s’en sortiront sont ceux qui ont des fonds propres, de la trésorerie et des soutiens financiers”.

Des groupes dont la rentabilité était basée sur un fort taux d’occupation et des prix élevés, souffrent particulièrement: le taux d’occupation des hôtels -qui n’ont pas été contraints de fermer, mais ont massivement gardé portes closes ou tourné au ralenti faute de clients- a chuté à moins de 33% en 2020.

“C’est un niveau catastrophique car le seuil de rentabilité est aux alentours de 60%”, souligne Jean-Virgile Crance, président du Groupement national des chaînes hôtelières (GNC). “On arrive à un moment extrêmement difficile: les entreprises se retrouvent avec des taux d’endettement très élevés et un manque de visibilité évident sur la sortie de crise”.

Chômage partiel prolongé

Face à ces difficultés, le patronat du secteur (Umih, GNI, GNC) veut voir le chômage partiel prolongé a minima jusqu’en juin 2021.

La ministre du Travail, Elisabeth Borne, a réaffirmé jeudi que l’Etat continuerait à prendre en charge à 100% l’activité partielle des entreprises “tant que la crise durera”.

De fait, à l’heure actuelle, “les groupes se préparent à la fin du chômage partiel”, estime Johanna Jourdain, analyste sur le secteur hôtelier à Oddo BHF. “Ils anticipent des volumes qui ne reviendront pas en 2021, alors que les dispositifs d’aide pourraient ne plus être là”. “On peut s’attendre à des annonces sur d’autres groupes”.

L’hôtellerie qui souffre le plus est celle du haut de gamme, dont le flux s’est tari avec les restrictions aux frontières, et d’affaires, affaiblie par l’arrêt des congrès et séminaires. Fin juillet, le groupe Hôtels Constellation a la suppression de 247 emplois dans ses hôtels Martinez à Cannes, Hyatt Regency Paris Étoile et Hyatt Louvre dans la capitale.

Source Sud Ouest