Alcool au travail : métro, boulot… et de l'eau ?

La loi Evin, qui encadre strictement la publicité sur les boissons alcooliques en France, ne sera finalement pas modifiée, comme le craignaient à la fois des structures de santé publique et des acteurs de la filière viticole et vinicole.

Alcool au travail : métro, boulot… et de l’eau ?

Le décret restreignant la consommation d’alcool sur les lieux de travail signe-t-il la fin des « pots de l’amitié » ? Cette interdiction, sous conditions, est laissée à la discrétion de l’employeur.

Alcool au travail : métro, boulot... et de l'eau ?

La loi Evin, qui encadre strictement la publicité sur les boissons alcooliques en France, ne sera finalement pas modifiée, comme le craignaient à la fois des structures de santé publique et des acteurs de la filière viticole et vinicole.
Le décret n° 2014-754 du 1er juillet, dont l’entrée en vigueur intervient, sous conditions, vendredi 4 juillet à partir de 18 heures, précise que les entreprises françaises peuvent désormais « restreindre la consommation de boissons alcoolisées » dans les locaux de leurs établissements.

L’alcool, persona non grata au travail ?
Jusqu’ici, la consommation d’« aucune boisson alcoolisée autre que le vin, le cidre, la bière et le poiré » était autorisée (ou tolérée) sur les lieux de travail. Le décret du 1er juillet, paru au Journal officiel jeudi 3 juillet et modifiant l’article R4228-20 du Code du travail, fait table rase et éradique des pots ces quatre liquides. « La responsabilité civile et pénale des employeurs étant particulièrement engagée, le présent décret, estime le ministère du travail, vise à leur donner les moyens d’assumer l’obligation de sécurité de résultat qui leur incombe en matière de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs, et de prévenir tout risque d’accident. »
Selon le Plan d’action européen visant à réduire l’usage nocif de l’alcool (2012-2020), « sur le lieu de travail, l’abus d’alcool et l’alcoolisme ponctuel immodéré accroissent le risque de problèmes tels que l’absentéisme, la faible productivité et un comportement inapproprié, et peuvent également augmenter le risque de troubles de la consommations d’alcool et de dépendance à l’alcool ».
Pendant la durée de ce plan d’action, la Commission européenne indique que « les pays européens doivent s’efforcer d’augmenter progressivement le nombre de lieux de travail et employeurs qui appliquent des politiques et des programmes en matière d’alcool en milieu professionnel ».

Comment ce décret s’applique-t-il ?
Il revient à l’employeur d’inscrire au règlement intérieur — ou, à défaut, de les signifier par note de service — « les mesures permettant de protéger la santé et la sécurité des travailleurs ». Le décret du 1er juillet « autorise ainsi les clauses des règlements intérieurs interdisant la consommation de toute boisson alcoolisée dans l’entreprise édictées dans un objectif de prévention, lorsqu’elles sont proportionnées au but recherché ».
Tout pot doit préalablement avoir reçu une autorisation de l’employeur mentionnant l’horaire et le lieu de la manifestation et rappelant l’interdiction de boissons alcoolisées. En cas de suspicion d’une ivresse, un alcootest peut être pratiqué, notamment sur les personnes affectées à des travaux dangereux ou à la conduite de véhicules. Toutefois, pour être appliquées, ces dispositions doivent être signifiées dans le règlement intérieur.
L’employeur est passible d’une amende de 3 750 euros s’il laisser entrer ou séjourner un salarié en état d’ivresse. Il encourt, en cas de récidive, une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 9 000 euros — et autant de fois qu’il y a de salariés concernés par l’infraction. En revanche, si l’alcoolisme ne peut constituer un motif de licenciement, l’état d’ébriété avéré d’un salarié est, lui, un motif de licenciement s’il vient notamment écorner l’image de marque de l’entreprise.

Que boire sur son lieu de travail ?
« A la santé du confrère qui nous régale aujourd’hui. Pas d’eau ! Pas d’eau ! Pas d’eau… » Les paroles du A la…, hymne typographique qui s’entonne le verre à la main précisent que « ce n’est pas de l’eau de rivière/Encor’moins de celle du puits » que l’on arrose un événement d’entreprise.
Et pourtant, l’eau est la boisson qui coule de source sur les lieux de travail.
L’article R4225-2 du Code du travail précise que « les employeurs doivent mettre à la disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche pour la boisson ». Il revient au chef d’entreprise d’encadrer « les pots de l’amitié » en « incitant à l’offre des boissons non alcoolisées et à la modération sur les autres ». Par ailleurs, il lui revient également de rappeler « l’interdiction de boissons alcooliques dans les distributeurs automatiques ».

Qu’est-ce qu’une boisson alcoolisée ?
Une boisson alcoolisée est une boisson fermentée, distillée ou encore macérée contenant de l’alcool éthylique ou éthanol. L’éthanol est un liquide incolore et transparent que l’on retrouve dans le vin, la bière comme les spiritueux. On distingue les boissons alcooliques, qui contiennent naturellement de l’alcool comme le vin, les liqueurs ou la bière, des boissons alcoolisées, des mélanges de liquides, auxquels on adjoint de l’alcool. Le degré alcoolique (ou titre alcoométrique volumique) est la proportion d’alcool contenue dans une boisson alcoolisée et est indiqué en pourcentage volume (% vol.) ou degré (indiqué par « ° »).
Le cidre et le poiré peuvent contenir jusqu’à 7 % d’alcool, la bière jusqu’à 15 % et le vin de 8 % à 20 %. « Quelle que soit la nature de la boisson, l’alcool éthylique qu’elle contient est exactement le même et engendre une alcoolémie identique de 0,25 g/l, en moyenne, pour un verre contenant 10 g d’alcool pur », précise le guide « L’alcool sur les lieux de travail » du ministère français du travail.

Alcool au travail : métro, boulot... et de l'eau ?

Combien d’alcool dans un verre de cidre ou de bière ?
Quel milieu professionnel présente davantage de « risques » ?
« L’Europe a le triste honneur de consommer deux fois plus d’alcool que la moyenne mondiale », déclarait la directrice régionale de l’OMS pour l’Europe lors de la publication d’un rapport de l’organisation sur l’alcool dans l’Union européenne. Ancrée dans les usages sociaux, la consommation d’alcool, compagne des festivités, se retrouve immanquablement sur les lieux de travail.
« Une prise d’alcool dans un contexte professionnel est constaté pour les professions les plus pénibles physiquement : bâtiment, agriculture, manutention et les professions en rapport avec le public », précise l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inserm). Les hommes consomment en moyenne 1,5 à 2 fois plus d’alcool dans le milieu du travail que les femmes.
Enfin, si toutes les professions sont exposées, l’Inserm souligne aussi que « le pourcentage de consommateurs d’alcool s’élève sensiblement avec les diplômes : 81,4 % pour les personnes ayant un niveau bac ou supérieur, contre 69,6 % pour les autres niveaux d’études ».

Le Monde

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