Portraits : Ces Français qui ont choisi de travailler sur un paquebot

Originaire de Longjumeau, près de Paris, la jeune femme de 24 ans est titulaire d'un BEP Vente, d'un Bac Pro Accueil et Services, ainsi que d'un BTS Assistante de direction. Après plusieurs stages en agences de voyage, en clinique et dans un hôtel, elle a quitté la France l'an dernier pour travailler dans un restaurant italien à Londres.

Portraits : Ces Français qui ont choisi de travailler sur un paquebot

 

A l’occasion de notre reportage sur le Bleu de France, nous sommes allés à la rencontre de l’équipage, qui compte de nombreux Français. Du commandant au cabinier en passant par le barman, le serveur, la réceptionniste, la Spa manager, le magicien et le médecin…

 

Portraits : Ces Français qui ont choisi de travailler sur un paquebot

 

Tous nous ont fait partager leur expérience du travail à bord d’un navire de croisière. Expérience unique, permettant de voyager et de côtoyer d’autres nationalités, la croisière offre de très nombreux emplois dans des secteurs très variés. Mais il s’agit aussi d’un travail souvent difficile, qui tranche avec la vie à terre. Sur un paquebot, on ne chôme pas : 7 jours sur 7 et 10 heures par jour, le tout sur des contrats pouvant aller jusqu’à six mois. « Il faut bien avoir conscience de ce qu’est le travail sur un navire avant d’embarquer. Le rythme est dense, on partage sa cabine avec ses collègues et il faut respecter la hiérarchie. C’est vrai que c’est une vie assez dure et, quand on embarque sur un bateau, il faut changer sa mentalité. Mais c’est aussi une expérience formidable et une vie très enrichissante », explique, Jean-Lou Rodot, Hôtel Manager du Bleu de France.

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Jean-Pierre Ravalant Le Commandant (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Suivant la manoeuvre depuis l’aileron de la passerelle du Bleu de France, Jean-Pierre Ravanat est un homme heureux. Commandant du Bleu de France, il a sous sa responsabilité 425 membres d’équipage et quelques 800 passagers. La mer, Jean-Pierre Ravanat y est venu par son père, qui faisait de la voile, mais aussi en regardant Thalassa, la célèbre émission de France 3. « Quand j’étais gamin, j’épluchais les magazines de voile. La Marine marchande, j’y suis venu un peu par hasard. J’étais moniteur de voile et, à Groix, je voyais passer les cargos. Du coup, je me suis dit : Pourquoi pas ? »
Sorti de l’Ecole de la Marine marchande de Marseille en 1993, Jean-Pierre Ravanat a fait l’essentiel de sa carrière dans la croisière, mais pas uniquement. Il a notamment travaillé 5 ans chez l’armement FISH, où il a embarqué sur l’Astrolabe, chargé de ravitailler la base Dumont d’Urville en Antarctique. Loin des étendues glacées du cercle polaire, il a ensuite rejoint les paquebots et plus particulièrement la Polynésie, où il fut second capitaine des très réputés Paul Gauguin et le Seven Seas Mariner, deux unités de luxe construites à Saint-Nazaire pour la compagnie Regent Seven Seas Cruises. Dix-huit ans après sa sortie de l’Hydro, le voilà donc à la barre du Bleu de France. « Croisières de France avait besoin d’un commandant français et j’ai décidé de tenter l’aventure. C’est très enthousiasmant de participer à la naissance d’un nouveau concept dédié au public francophone », explique-t-il.

Plutôt qu’un vraquier ou un pétrolier, le commandant français apprécie tout particulièrement la croisière. « J’aime beaucoup les gens et les rencontres. Dans la croisière, on côtoie énormément de personnes et c’est un métier où on découvre le monde dans des conditions agréables. On le parcoure avec de beaux outils de travail et les gens que nous transportons sont en vacances, donc détendus ». Au somment de la hiérarchie du bord, le commandant d’un paquebot supervise un équipage particulièrement nombreux. « Entre le pont, les machines et l’hôtellerie, ce sont 425 personnes qui travaillent ensemble. C’est une grosse équipe et des gens avec lesquels on passe une bonne partie de sa vie. Ce sont aussi des navires complexes où il faut s’occuper de tout. La vie en mer est donc très remplie ».

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Jean-Lou Rodot Hotel Manager (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Après 15 ans d’expérience dans les compagnies américaines et les cinq dernières années passées chez l’Espagnol Pullmantur, maison mère de Croisières de France, l’Hôtel Manager du paquebot Bleu de France connaît le secteur sur le bout des doigts. Il a, notamment, été chargé du recrutement sur le nouveau navire de la compagnie, spécialement dédiée au marché Français. C’est à 22 ans qu’il débute sa carrière dans la croisière. « J’étais dans un petit appartement à Paris et je venais de quitter un travail. Je suis alors tombé sur une annonce pour être serveur sur un navire dans les Caraïbes. J’ai écrit et, 10 jours après, j’ai eu une réponse positive. Je me suis alors envolé pour Miami où j’ai commencé sur l’Atlantic comme commis ». Commis, serveur, maître d’hôtel, assistant du Restaurant Manager, assistant de l’Hôtel Manager et, depuis cinq ans, Hôtel Manager… Après avoir gravi les échelons, Jean-Lou Rodot est aujourd’hui le « DRH » d’une petite entreprise flottante forte de 400 salariés. Pour les membres d’équipage, les contraintes peuvent paraître assez nombreuses. « Il faut de la rigueur et de la maturité. Pour une première expérience, cela peut être difficile, c’est vrai, notamment parce que cela implique de partir loin de chez soi et dans des conditions de vie qui ne sont pas les mêmes qu’à terre. Les règles à bord sont également très strictes ». Mais, s’il reconnaît que cette ve n’est pas toujours évidente, Jean-Lou estime que le labeur en vaut la peine : « C’est une superbe opportunité de travail. On voyage, on rencontre d’autres nationalités, on peut mettre de l’argent de côté. J’incite vraiment les gens à y penser ». Et, comme il a lui aussi connu le bas de l’échelle hiérarchique à ses débuts, l’Hôtel Manager essaye, tant qu’il le peut, de ménager ses troupes. « Si on peut réduire les heures de travail, on le fait. On est là pour organiser au mieux le bord et le fonctionnement du navire, et faire en sorte que l’équipage soit dans les meilleures conditions possibles ».

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Anne Douault. La réceptionniste (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Situé dans le hall d’accueil du paquebot, la Réception est un endroit stratégique du bateau. C’est là que les passagers se rendent pour toute information. Derrière le comptoir, Anne Douault répond avec un large sourire à des demandes aussi diverses que variées. Originaire de Longjumeau, près de Paris, la jeune femme de 24 ans est titulaire d’un BEP Vente, d’un Bac Pro Accueil et Services, ainsi que d’un BTS Assistante de direction. Après plusieurs stages en agences de voyage, en clinique et dans un hôtel, elle a quitté la France l’an dernier pour travailler dans un restaurant italien à Londres. Objectif : maîtriser la langue anglaise avec pour ambition de travailler dans l’hôtellerie. « Je voulais travailler dans l’hôtellerie car ce qui m’intéresse, c’est le contact et la satisfaction du client. Quand je suis rentrée d’Angleterre, ma mère a trouvé une annonce pour travailler sur le bateau. Comme j’aime les voyages et que j’ai envie de découvrir de nouveaux endroits, je me suis dit : Allons voir ! » Après l’envoi de son CV et deux entretiens, la candidature d’Anne est retenue par la compagnie. Comme les autres membres d’équipage du navire, la jeune femme reconnaît que le rythme de travail est très dense. Mais elle reste très motivée par cet embarquement. « Il faut le faire quand on est jeune. C’est une bonne expérience et on se perfectionne en Anglais car l’équipage est international. Le rythme est difficile, car il n’y a pas de jours de repos, mais, pour de futurs employeurs, c’est aussi valorisant, sur un CV, d’avoir travaillé dans la croisière. C’est en effet un challenge personnel. Il faut être capable de travailler dans des conditions difficiles et avoir envie de continuer ». Anne en retire également une « très belle expérience humaine ». Selon elle : « Un bateau c’est une petite famille. Il y a beaucoup d’entraide. On est fatigués mais on se tient les coudes. Et puis nous avons quand même quelques heures de libre pour descendre à terre et, nous aussi, voyager ». Selon la réceptionniste du Bleu de France, la promotion à bord des navires peut également être intéressante. « On peut évoluer facilement et avoir un poste avec des responsabilités. Ainsi, à bord, certains serveurs sont passés assistants et des chefs de rang sont devenus maître d’hôtel. Si on est motivé et que l’on travaille bien, on peut évoluer ».

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Fabien Solaz. Le magicien (© : SOLAZMAGIC.COM)

A bord d’un paquebot, on trouve des artistes, chargés de présenter chaque soir de nouveaux shows aux passagers. Cet été, le Bleu de France a notamment proposé un spectacle de magie, mené de main de maître par Fabien Solaz. C’est à l’âge de 15 ans que le jeune homme présente son premier spectacle. Après avoir obtenu une Licence d’études théâtrales à Montpellier, il part ensuite dans différente pays présenter son art au public. Cabaret sur les Champs Elysées, Club Méditerranée au Maroc, Comedy Pub à Londres, spectacles pour des groupes privés… La trentaine arrivant, Fabien s’essaye à la croisière. Après avoir officié durant un an sur plusieurs paquebots, il embarque en mai dernier sur le Bleu de France. « Sur un bateau, le public est réceptif car il est en vacances. Mais c’est aussi un public difficile car il n’est pas obligé d’arriver à l’heure et peut faire d’autres activités à bord. Il faut le captiver tout de suite car on est en concurrence directe avec le casino et les bars. Si le public se lasse, il part. C’est pourquoi il faut être très performant car c’est un spectacle en self-service », explique Fabien. Le jeune magicien voit dans le Bleu de France un véritable « tremplin » professionnel pour les artistes. « En moins de trois mois, nous présentons nos spectacles à environ 10.000 personnes. C’est énorme ». De même, les conditions de travail sont très appréciables. « On exerce dans de bonnes conditions matérielles et d’infrastructures. On ne s’occupe pas de l’hébergement, de la nourriture ou du ménage. La seule chose à penser, c’est son numéro ». Afin de proposer le meilleur de lui-même trois fois par semaine, au travers de son spectacle, « Chic Magic », Fabien continue donc de s’entrainer afin d’améliorer encore et toujours ses numéros.

Personnage attachant, doué et très intéressant, il reconnaît avoir la chance de vivre de sa passion : « J’ai conscience d’être un privilégié car je gagne ma vie en faisant plaisir. La magie n’est pas encore un art pour le grand public mais il y est sensible. J’essaye de démocratiser la magie en offrant quelque chose d’accessible mais qui donne aussi à réfléchir. L’idée est d’élever le spectateur en toute humilité. Les gens se rappellent en effet de la magie, mais pas du magicien ». Et cette passion, il la transmet visiblement à ses spectateurs. Pour s’en convaincre, il suffit de voir la surprise et les sourires sur les visages des adultes, comme les yeux pétillants d’admiration des enfants. « Le public c’est le baromètre et le seul juge. Quand on est artiste, on n’a que la reconnaissance et les applaudissements ».
D’un point de vue humain, Fabien Solaz ne regrette pas ses embarquements sur les paquebots. « C’est un univers de voyages, où l’on découvre de nombreux pays. C’est aussi une grande richesse culturelle car on est amené à côtoyer des gens du monde entier, à la fois dans les passagers et dans l’équipage. C’est vraiment une super expérience ».

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Peter Brocard Le Cabinier (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Dans le milieu de la croisière, un Français au poste de cabinier, c’est ce que l’on peut considérer comme un extra-terrestre. Ces jobs sont, en effet, réputés pour être particulièrement difficiles et donc occupés, très largement, par des personnels asiatiques, infatigables travailleurs. Sur le Bleu de France, Peter Bronard tient pourtant ce poste, et ne s’en plaint pas. Dès l’embarquement, ce jeune Français de 19 ans, impeccable et particulièrement sympathique, va au devant des passagers pour leur faire savoir qu’en cas de besoin, il est disponible à tout moment.
Après avoir raté son bac puis avoir travaillé dans l’hôtellerie à Val Thorens, Peter tombe sur une annonce pour travailler sur un bateau de croisière. « J’avais envie de changer d’air, de voir autre chose et de mettre de l’argent de côté », explique-t-il. Matin et soir, le jeune homme passe dans la vingtaine de cabines dont il a la charge. Une véritable course contre la montre pour changer les draps et les serviettes, faire le ménage et remettre la cabine dans un ordre impeccable avant le retour des occupants. Sur le pont à 7 heures du matin, Peter et ses collègues cabiniers passent d’abord à la blanchisserie, d’où chacun part avec une dizaine de kilos de linge propre. Une fois le matériel préparé, le nettoyage des cabines commence à 9 heures et va durer près de 6 heures, le temps ensuite de tout remballer. A 18 heures, l’équipe repart à l’attaque, cette fois pour préparer les cabines pour la nuit. Avant 23 heures, les passagers de retour de soirée trouveront un lit ouvert, des rideaux tirés, des serviettes fraiches dans la salle de bain et quelques gourmandises.

Mais le travail de Peter ne s’arrête pas là. « Comparé à l’hôtellerie, on fait bien plus que le simple nettoyage. Nous faisons une véritable assistance aux passagers. Il y a beaucoup de communication avec eux, on les aide à découvrir le bateau ou encore à mettre leurs gilets de sauvetage pendant les exercices de sécurité ». Après cinq mois d’embarquement, le jeune cabinier fait preuve d’une impressionnante maturité. Malgré un rythme difficile, cet embarquement sur le Bleu de France est pour lui une très bonne expérience. « Cela répond à mes attentes. J’en retire notamment une grande endurance dans le travail et une plus grande valeur de l’argent. Maintenant, quand je commande un menu à 14 euros dans un fast-food, je me dis que c’est l’équivalent d’un passager dont je me suis occupé pendant une semaine. On relativise beaucoup, surtout quand on est Français et que dans notre pays, on est souvent habitué à se plaindre ». Côté enrichissement personnel, là encore, Peter est positif : « Travailler sur un paquebot c’est voir autre chose mais pas seulement voyager. Sur le plan culturel, on se fait des amis au sein de l’équipage, qui viennent d’autres pays. On partage avec eux, qu’ils viennent des Philippines ou d’Inde. C’est une école de la vie, où on apprend à se débrouiller, à parler plusieurs langues et à partager. Il y a d’ailleurs de la solidarité à bord. Les gens s’entraident. Franchement, c’est une expérience que je conseille ».

Arnaud Jacquinet Le Serveur (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Elément clé du bateau, la restauration est l’un des secteurs où les compagnies sont les plus exigeantes. A fortiori sur un bateau destiné à un public francophone, réputé pour savoir ce que bien manger signifie. Alors que les chefs s’activent en cuisine, de nombreux serveurs parcourent les tables pour apporter les différents plats aux convives. Parmi eux, Arnaud Jacquinet, grand jeune homme à la stature imposante et à la bonne humeur très appréciée des passagers. A 29 ans, ce Nancéen affiche un parcours professionnel assez atypique. Titulaire d’un Bac Professionnel en comptabilité, il va finalement s’orienter vers la restauration, commençant par des jobs en brasseries comme commis de cuisine, puis chef de partie et chef de rang. « Je suis d’une nature touche à tout et je me suis fait tout seul », confie-t-il. En 2007, il décide de reprendre ses études avec en ligne de mire un BTS, mais il y renonce finalement. « J’avais surtout envie de changer de vie et de chercher du travail à l’étranger. Mais je ne parlais pas Anglais, ce qui n’était pas évident pour les lettres de motivation ».

C’est alors que Croisières de France, en quête de personnels francophone, a lancé sa campagne de recrutement. « Ce fut l’opportunité. A bord, on parle Français avec les clients mais au sein de l’équipage, c’est international. On parle donc souvent anglais mais, maintenant, je commence à bien assimiler », se félicite Arnaud qui, sans le vouloir, a donc appris la langue de Shakespeare sur le tas. Même s’il ne compte pas, à priori, faire ce travail toute sa vie, le jeune lorrain est très content d’avoir tenté la croisière : « C’est une très bonne expérience à vivre. Il y a le côté voyage mais aussi beaucoup de rencontres. On travaille avec des gens d’Amérique du Sud ou d’Asie. C’est le voyage dans le voyage. Les mentalités sont différentes et les affinités se croisent. C’est vraiment très enrichissant ». Le serveur met néanmoins en garde ses collègues de la restauration « terrestre », dont beaucoup imaginent retrouver le même travail à bord des navires. Sur les bateaux, les contrats, qui peuvent aller jusqu’à six mois, ne laissent en effet pas de jours de repos. A bord, le service, c’est 7 jours sur 7. « Il faut savoir à quoi s’attendre et ça n’a rien à voir avec la Croisière s’amuse. C’est une autre vie et il ne faut pas être feignant. Le service et l’organisation sont différents. Il faut avoir conscience, avant de s’embarquer, que le travail est dur et qu’il faut du caractère et une capacité à être débrouillard. Mais, encore une fois, c’est une belle expérience et il y a une bonne ambiance dans le personnel. Chacun fait sa petite vie mais tout le monde se serre les coudes ».

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Christophe Jamault Le Barman (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Passer du porte-avions Charles de Gaulle au paquebot Bleu de France ! Tel est le grand écart maritime réalisé par Christophe Jamault, que l’on retrouve derrière le comptoir du Zan-Zi-Bar. Natif de Flers, en Normandie, Christophe a d’abord, après sa troisième, suivi un apprentissage en pâtisserie à Caen. Puis il s’est engagé dans l’armée. « J’avais postulé pour l’armée de Terre et j’avais été pris pour les paras mais j’avais également demandé la marine. J’ai privilégié finalement le côté mer, les voyages, et les commandos marine dont j’avais entendu parler ». En octobre 1998, à l’âge de 19 ans, il part faire ses classes à Lorient. Breveté parachutiste en décembre de la même année, il reste quatre ans dans le Morbihan, où il s’occupe notamment du matériel de sécurité, puis rejoint Toulon. Après une formation au centre d’instruction navale de Saint-Mandrier, il embarque sur chasseur de mines, frégate, puis sur le Charles de Gaulle. Nous sommes alors en 2005. « J’ai participé avec le porte-avions à un déploiement en Atlantique, où j’ai découvert le Canada et les Etats-Unis, puis j’ai embarqué en 2006 sur la frégate Guépratte, à bord de laquelle j’ai navigué en océan Indien. L’année suivante, j’ai fait un déploiement en Afrique de l’Ouest sur le transport de chalands de débarquement Orage, où les conditions de vie étaient déplorables mais qui a été une expérience sociale très riche ». Il terminera en 2007 sur le Guépratte, avec notamment des opérations de lutte contre le narcotrafic et une mission de présence au large du Liban. Après neuf ans de marine, le quartier maître chef Jamault tombe finalement l’uniforme. Il faut alors, à 29 ans, réintégrer la vie civile. Après quelques boulots, dont un d’ambulancier à Bayonne, Christophe se rend compte que la vie en mer lui manque. « J’ai compris que ce n’était pas pour moi de faire boulot – dodo et d’être aux 35 heures. Je voulais un travail qui bouge et dans lequel je sois au contact avec l’étranger, par exemple dans les voyages ». Comme nombre d’autres personnels français embarqués sur le Bleu de France, Christophe tombe sur une annonce diffusée par l’ANPE internationale. « Début août j’ai envoyé un CV. J’ai eu un entretien à Barcelone et deux semaines après j’embarquais ». Pour être recruté, l’ancien marin mettra en avant son expérience sur le porte-avions, où il fut notamment barman au carré des officiers mariniers supérieurs.

Comme ses collègues, il n’échappera pas à l’étonnement face aux conditions de travail difficiles qui règnent sur les navires de croisière. « Au bout du troisième jour, je pensais que je n’allais pas tenir. Mais j’ai décidé de prendre sur moi et de trouver la force de continuer ». En revanche, contrairement aux autres Français embarqués, le jeune homme n’a pas souffert des conditions de vie : « Niveau confort c’est nettement mieux que dans la marine. Sur le paquebot, je partage ma cabine avec seulement 3 personnes alors que sur le porte-avions, nous étions 21 dans le poste et nous avions une douche pour une petite trentaine de gars ! Sur le paquebot, la nourriture est très bonne, avec quatre repas par jour ». Grâce à son contrat de six mois, Christophe souhaite mettre de l’argent de côté pour pouvoir réaliser l’un de ses rêves : s’offrir un tour de l’Amérique latine. A bord, les salaires ne semblent, à première vue, pas mirobolants. Même si Christophe préfère garder pour lui le montant de son salaire, on peut estimer qu’un barman touche un petit millier de dollars par mois, auxquels il faut ajouter les éventuels pourboires. « Les salaires ne sont pas énormes mais ce qu’il faut voir, c’est que nous sommes nourris et logés, que nous ne payons pas l’uniforme et que les revenus ne sont pas imposables. Par contre, on ne cotise pas pour le chômage et la retraite. Il faut donc penser à mettre des sous de côté ».

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Audrey Bilbault Spa Manager (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

Audrey Bilbault est une illustration de cette évolution professionnelle rapide que peut offrir la croisière. En quelques semaines, la jeune femme est, en effet, passée de masseuse à responsable du Centre de remise en forme. Native de Bourges, Audrey Bilbault a embrassé cette profession à l’âge de 17 ans. Après trois ans de formation (CAP Esthétique, brevet professionnel, CAP/BEP vente puis formation sur les corps), elle s’installe à son compte pendant cinq ans, à la tête d’un petit institut de beauté. Elle rejoint ensuite l’hôtellerie où elle travaille dans les Spa de plusieurs hôtels, d’abord comme masseuse puis comme responsable. Mais en 2007, la jeune femme, à l’approche de la trentaine, a envie de prendre l’air. « Cela faisait longtemps que j’avais envie de voyager et de partir à l’étranger. J’ai vu une annonce sur l’ANPE internationale et ça s’est fait du jour au lendemain. J’ai eu un entretien d’embauche à Marseille et c’était bon pour l’embarquement ». D’abord recrutée comme masseuse, Audrey va rapidement gravir les échelons et occupe aujourd’hui le poste de Spa Manager sur le Bleu de France. « La compagnie recherche des gens de confiance. Si on fait ses preuves, que l’on prend ses marques et qu’on en veut, on nous donne notre chance et on peut évoluer très rapidement », souligne-t-elle.

Avec aujourd’hui 8 personnes sous sa responsabilité, Audrey a la charge du bon fonctionnement du centre et du bien être des clients, souvent exigeants en matière de soins et de massages. Et, là aussi, le rythme est aussi intense que le professionnalisme doit rester constant : « C’est 60 ou 70 heures par semaine, 7 jours sur 7. Il faut rester concentrée mais, l’avantage, c’est que la clientèle change beaucoup, ce qui permet de rencontrer des situations différentes chaque semaine ». La jeune Spa Manager retire aussi une belle expérience humaine de cette vie sur un paquebot. « Je trouve cela assez génial, même si c’est dur de travailler sur un bateau. C’est une vie en communauté où l’on apprend aussi sur soi-même. Il faut être très ouvert d’esprit et la franchise est obligatoire dans un cercle fermé, mais ça se passe bien car on ne voit pas tout le monde au même moment ». Autre point positif, selon elle : Il n’y a pas de barrière de la langue. Pour les jeunes intéressés par les métiers de la croisière mais « trop justes » en Anglais pour pouvoir embarquer sur des compagnies internationales, Croisières de France constitue une opportunité. « Parler plusieurs langues est important mais l’Anglais n’est pas un enjeu de recrutement. On peut arriver sans être bilingue et apprendre sur le tas. En plus, on constate que les personnels étrangers apprennent très vite à parler Français ».

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Bertrand Chevalleriau Le Médecin (© : MER ET MARINE – V. GROIZELEAU)

C’est l’un des personnages les plus populaires du bord. Arpentant inlassablement les coursives, les salons et les ponts piscines, Bertrand Chevalleriau est médecin à bord du Bleu de France. Ou plutôt médecin embarqué une partie de l’année. Installé à Biarritz, ce chirurgien orthopédiste a monté il y a quelques années une clinique. Mais, après avoir passé le cap de la cinquantaine, il s’est senti pris de bougeotte. C’est au cours d’une croisière sur le voilier Ponant qu’il a décidé de s’embarquer. « J’ai discuté avec le médecin du bord et je me suis dit que c’était très sympa comme boulot. J’ai décidé de modifier ma façon de travailler et j’ai appelé le Club Med pour pouvoir être médecin sur leurs navires pendant l’hiver ». Après avoir exercé à plusieurs reprises sur les navires du Club, Bertrand Chevalleriau a été contacté par Croisières de France. Achevant six semaines de traversées, il se montre toujours aussi motivé par l’aspect maritime de la profession de médecin. « Pour être médecin sur un bateau, il faut aimer la mer, le soleil et le sport. Il faut être disponible tout en étant relax et passer beaucoup de temps à discuter avec les passagers. Mais il ne faut jamais perdre de vue qu’on peut être appelé à tout moment », explique-t-il.

Ce véritable personnage, aussi charmant que blagueur, nous emmène à la découverte de l’infirmerie du bord. C’est là que son stockés toutes sortes de médicaments, traitant aussi bien les allergies que les maux de tête et les problèmes de nez, de gorge et d’oreille. A bord, le médecin, qui est assisté d’une infirmière, dispose d’un cabinet de consultation mais aussi d’une salle de déchoquage. Car, si la « bobologie » reste la principale activité, des accidents plus graves peuvent intervenir. « Il faut avoir une certaine expérience car, sur un bateau, on peut être confronté à une multitude de cas, la plupart du temps de petites choses, mais parfois des cas plus graves. Il faut donc des gens qui ont idéalement une expérience de l’urgence et de la prise en charge des malades ». La salle de déchoquage comprend deux lits, un défibrillateur, un électrocardiogramme, de l’oxygène et tout le matériel de réanimation nécessaire. « S’il faut faire des transfusions, tout est prêt avec des produits injectables. On peut notamment conditionner un patient avant une évacuation sanitaire. Cette salle peut également servir à garder quelqu’un en observation pendant 24 à 48 heures ». Les cas graves sont néanmoins très rares, ce qui fait dire à Bertrand Chevalleriau qu’on ne peut être médecin à temps complet sur un bateau. « On ne pratique pas assez. C’est pourquoi je pense qu’il ne faut faire que de petits embarquements de quelques mois ». Le chirurgien basque conseille néanmoins l’expérience, notamment à ses jeunes collègues. « Cela peut être une très bonne expérience pour un jeune généraliste ou spécialiste qui a envie de s’investir et peut embarquer avant de s’installer ».

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