Les entreprises à l’heure des économies d’énergie

Surface, aménagement, exploitation: les bureaux passent eux aussi à la sobriété, aiguillonnés par la réglementation. Sans faire de concessions sur le confort.

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Les bureaux à l’heure des économies d’énergieILLUSTRATION : NADIA SNOPEK/SHUTTERSTOCK

Depuis quelques mois, l’immobilier de bureaux se trouve pile à la croisée des chemins réglementaires et financiers. Les bureaux étaient déjà le deuxième poste de dépenses des entreprises, après les salaires. Mais, là, “avec la flambée des prix de l’énergie et leurs nouvelles obligations de déclaration d’ici la fin de l’année dans le cadre de ce qu’on appelle le “décret tertiaire”, propriétaires et locataires ont pris conscience des enjeux liés aux économies d’énergie et à leur empreinte carbone“, explique Guillaume Savard, fondateur d’Upside Partners. Le décret tertiaire prévoit en effet un suivi de la réduction, obligatoire, des consommations d’énergie des bureaux de 40% d’ici à 2030 et de 50% d’ici à 2040.

Ajoutez-y le télétravail et le déploiement du flex-office, et vous comprendrez pourquoi les grands groupes se sont mis, tout à coup, à vouloir rationaliser leurs mètres carrés occupés. Ceux-ci ont baissé de 22% en moyenne depuis le début de l’année. “Le nombre de transactions de plus de 5.000 m² est passé de 72 en 2019 à 55 en 2021; on en compte 43 à la fin du troisième trimestre 2022 et au moins 7 en cours au quatrième trimestre, indique Guillaume Raquillet, directeur de l’agence Bureaux de Knight Frank France. De plus, la surface moyenne a reculé de 12.225 m² en 2019 à 10.200 m² actuellement et la part des mégatransactions, supérieures à 20.000 m², a chuté de 28% à 8%.”

Parmi les réductions de voilure notables, Vallourec a diminué ses bureaux de 59% à Meudon et Samsung, de 40% à Saint-Ouen, tandis que le cabinet Allen & Overy diminuera sa surface de bureaux de 18% lors de son déménagement en 2023. Toutefois, “si 25% des locataires ont réduit leurs surfaces, 45% sont restés constants et 30% se sont agrandis, notamment dans le luxe et le digital, souligne Alexandre Fontaine, directeur exécutif Bureaux Ile-de-France à CBRE. Et on constate un report sur les bureaux neufs ou restructurés.”

La rénovation devient cruciale

Toujours à la recherche d’attractivité et de fidélisation des talents, les entreprises privilégient les meilleures localisations dans des immeubles signatures. “Le retour des entreprises dans Paris ne faiblit pas, confirme Jean-Frédéric Heinry, président d’Altarea Entreprise Studio. Elles choisissent des bureaux dont l’empreinte carbone est prise en compte de la conception à l’exploitation.” Pour les grands investisseurs, “l’empreinte carbone est ainsi devenue un vrai critère d’arbitrage”, confirme Ella Etienne-Denoy, directrice senior ESG & Sustainability de CBRE.

Les entreprises à l'heure des économies d'énergie

Le problème, aujourd’hui, c’est que ces bureaux neufs ou restructurés très recherchés ne représentent que 1% du parc, alors que 900 millions de m² (300.000 immeubles) sont concernés par le décret tertiaire, rebaptisé Dispositif Eco Energie Tertiaire depuis peu. Pour ces 900 millions de m², le sujet de la rénovation devient donc crucial. “La question, aujourd’hui, ce sont plutôt les PME qui utilisent un ou deux bâtiments et qui ne sont pas encore bien informées, estime Maxime Michaux, directeur de JLL Ingénierie France. Si les déclarations de consommation dans le cadre du décret sont relativement simples, ce qui l’est beaucoup moins, c’est la mise en place d’un véritable plan d’investissement. Les montants nécessaires peuvent varier de 300 à 1.000 euros par m², étalés sur plusieurs années.” Des adaptations qu’il faut financer et dont il faut mesurer l’impact sur la valorisation future des actifs…

La gestion de l’exploitation source d’économies

Les rénovations lourdes sont plus coûteuses encore, entre 1.800 et 2.500 euros le m² en province, contre 3.000 à 3.500 euros le m² à Paris. S’y ajoutent les aménagements et équipements de bureaux, qui peuvent contribuer, eux aussi, à réduire les impacts carbone et énergétiques. “Pour des bureaux standards, on peut recourir à des meubles fabriqués à partir de matériaux recyclés”, conseille Adrien Portoleau, chef du département Design & Delivery de Knight Frank. A moins qu’on adapte le mobilier existant: “A notre propre siège, Métal 57, 85% des meubles ont été réutilisés sur nos trois plateaux”, explique Csongor Csukas, directeur général du Property Management en Europe de BNP Paribas Real Estate. Des acteurs spécialisés dans les meubles de seconde main, tels Valdelia ou Bluedigo, proposent aussi des solutions respectueuses de l’environnement.

Enfin, sur l’exploitation du site, il est toujours possible de trouver des marges de progression. “Peu d’immeubles sont équipés de systèmes de Gestion technique du bâtiment, et ceux qui le sont ne sont pas toujours correctement paramétrés”, constate Olivier Delepine, vice-président de l’activité Buildings & Channels de Schneider Electric France. Le groupe, après audit et pilotage du projet, se fait fort de réaliser jusqu’à 53% d’économies d’énergie à ses clients. Avec un retour sur investissement sur un ou deux ans seulement.

Source Challenge

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