Le Sexisme au Travail

L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est loin d'être acquise : rémunération, statuts, conditions de travail, partage des tâches et des responsabilités, stéréotypes... 80% des femmes se disent "confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes".

Le Sexisme au Travail

 

Qualifier une salariée de « folle » et de « nulle » = harcèlement moral

Le sexisme au travail

L’ article L. 1152-1 du Code du Travail définit le harcèlement comme le fait de subir, pour un salarié, des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L. 1152-3 suivant, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, est nulle.

Madame X… a invoqué un harcèlement moral à caractère sexiste et disqualifiant de la part de son supérieur hiérarchique la qualifiant de « folle » et de « nulle ».

Le Conseil de prud’hommes Bordeaux et la Cour d’Appel d’Agen ont considéré que ces éléments, répétés dans le temps et la durée, sont de nature à laisser présumer un harcèlement et qu’il appartient dès lors à l’employeur d’établir que les agissements tels que décrits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et ont une cause objective dont l’employeur peut justifier.

Les juges ont considéré que les éléments de l’employeur ne constituaient pas des explications objectives au dénigrement dont Madame X… a pu faire l’objet.

Ces agissements répétés de harcèlement moral ont eu pour effet d’altérer la santé physique et mentale de Madame X…, et de porter atteinte à sa dignité, de sorte que celle-ci est fondée à soutenir qu’elle a été victime de faits de harcèlement, au sens des dispositions précitées, de la part de son employeur.

Cour d’appel d’Agen, 24 septembre 2013 n° 12/01824

Dire à une collègue de travail « tu es trop conne » n’est pas fautif

La société Y… a reproché à Monsieur Z… d’avoir tenu des propos injurieux et sexistes à l’encontre de Madame X…, responsable commerciale, propos constitutifs d’une faute grave.

Elle souligne que la teneur des propos n’est pas contestée par Monsieur Z…, qu’ils sont injurieux et méprisants, à connotation sexiste, qu’ils ont été proférés en présence d’un autre salarié nouvellement embauché ce qui est de nature à décrédibiliser la destinataire, et ajoute que Madame X… a démissionné de son poste à la suite de cet incident.

La lettre de licenciement était ainsi motivée : « En guise de réponse, vous lui avez rétorqué que de toute manière « elle ne comprendrait jamais rien » tout en poursuivant immédiatement après « tu es trop conne ». Ces propos injurieux et sexistes, tenus envers une collègue placée en position d’autorité devant un nouvel embauché, ont eu pour effet de lui porter un discrédit définitif, ainsi que de produire une image déplorable de la hiérarchie de l’entreprise. ».

La Cour d’appel de Poitiers a jugé que la teneur des propos n’est pas contestée, que leur caractère méprisant et insultant est indubitable, qu’ils sont en revanche dépourvus de tout caractère sexiste contrairement à ce que soutient l’employeur, aucune référence n’étant faite au sexe de l’intéressée alors que les mêmes paroles auraient pu être exactement prononcées, avec correction de l’accord de genre, à destination d’une personne de sexe masculin, que, certes ces propos ont été tenus devant un salarié nouvellement embauché mais de la part d’un collègue placé sur un pied d’égalité de sorte que le jugement de valeur apporté n’engage que son auteur et ne porte aucun discrédit définitif à son destinataire contrairement à ce que soutient l’employeur ce qui aurait été le cas dans l’hypothèse où Monsieur Z… aurait été le supérieur hiérarchique de Madame X…, que pas davantage et pour la même raison, ils ne produisent une image déplorable de la hiérarchie de l’entreprise, qu’en conséquence la gravité de la faute n’est pas établie.

Pour la Cour d’appel de Poitiers, le caractère isolé de l’incident survenu entre collègues de travail sur un pied d’égalité, et alors qu’il n’est pas établi, contrairement à ce qu’affirme l’employeur que Madame X… ait quitté l’entreprise à la suite de cette altercation, ajouté à l’absence totale d’avertissement antérieur, justifient que le licenciement soit qualifié sans cause réelle et sérieuse en confirmation du jugement.

Cour d’appel de Poitiers, 26 juin 2013 n° 11/04918

L’inégalité sexiste de traitement

Madame G. a saisi le Conseil de Prud’hommes du Havre d’une demande de dommages-intérêts pour discrimination sexiste et syndicale. Déboutée, elle a fait appel.

La règle « à travail égal, salaire égal » n’interdit pas à l’employeur d’allouer à des salariés occupant un emploi similaire une rémunération différente, en fonction de critères objectifs et pertinents, et il appartient au salarié qui invoque la violation de ce principe de soumettre à l’appréciation du juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

S’agissant d’un contentieux individuel, il doit être procédé à un examen non pas des techniciens des métiers de la banque Société X… ou du groupe du Havre, mais de la situation personnelle de Mme G., au regard des salariés placés dans une situation identique.

Mme G., niveau certificat de fin d’études, a été engagée en 1974 niveau A de la classification ; elle a obtenu un CAP Banque en 1975 et un Brevet Professionnel Banque en 1979 ; le coefficient 420 à elle attribuée en novembre 1984 a été converti automatiquement en niveau D en 2000, lors de la nouvelle convention collective, et au niveau E, le 22 mars 2003 qu’elle prétend avoir obtenu grâce au soutien de son syndicat.

Pour la Cour d’appel de Rouen, il est ainsi démontré que le déroulement de carrière de Mme G. ne résulte que de la transposition automatique des coefficients, en application d’accords ou de la convention collective.

Mme G. compare sa situation à celle de neuf autres de ses collègues masculins engagés, selon la salariée, au même coefficient qu’elle, à la même période, avec le même niveau de diplôme, et pour exercer des fonctions similaires ou identiques et qui sont au niveau G ; elle explique cette différence par la formation interne suivie par eux très rapidement après leur embauche (octobre – novembre 1980) et qui ne lui a pas été proposée, malgré les très bonnes appréciations professionnelles portées alors sur elle.

Pour la Cour d’appel de Rouen, ce panel comparatif est suffisant dès lors que ces neuf salariés ont été engagés au même coefficient que Mme G..

La Société X… pour s’opposer à la force probante de ce comparatif a fait valoir en premier lieu que Mme G. perçoit un salaire de base supérieur à la moyenne de ses collègues ayant le même diplôme.

Pour la Cour d’appel de Rouen, ce moyen ne saurait toutefois prospérer car si Mme G. est bien positionnée au sein de sa catégorie (employé chargé d’accueil) comme percevant le plus important salaire de base, cette argumentation ne permet pas d’expliquer les raisons pour lesquelles elle est passée au grade E avec retard par rapport aux neuf autres collègues masculins.

La Société X… a expliqué en second lieu que la différence de progression de carrière s’explique :

– par rapport aux diplômes,

– par rapport aux responsabilités,

– par rapport aux appréciations nettement plus favorables,

Pour la Cour d’appel de Rouen, si Messieurs B., H. et V. étaient, à la différence de Mme G., titulaires du bac lors de leur embauche, tel n’était pas le cas pour les autres collègues, titulaires comme elle, lors de l’embauche du BEPC et d’un BP ; Messieurs V., C., H. et D. avaient une expérience professionnelle au moment de leur embauche, ce qui n’est pas noté dans la fiche de Mme G., bien que celle-ci produise un relevé de carrière faisant apparaître qu’elle aussi a travaillé, avant son embauche, à la Société X…

La Société X… n’explicite pas les raisons pour lesquelles elle a proposé une formation interne ‘qualifiante’ très vite après l’embauche de ses homologues masculins à laquelle Mme G. n’a pas été conviée, alors qu’elle reconnaît que c’est grâce à cette formation que ‘la plupart ont rapidement atteint un grade de chef de section ou chargé de service’ (cas de M. L. et L.).

La Société X… tente de justifier cette différence en arguant des bonnes évaluations que ces salariés obtenaient de par leur implication professionnelle, tandis que Mme G. ne disposait pas des capacités et des compétences professionnelles pour occuper un poste à responsabilité, ce que démontrerait sa notation ; sur ce point, la comparaison de l’employeur ne saurait être pertinente puisque partielle quant aux pièces relatives aux salariés masculins.

Pour la Cour d’appel de Rouen, il s’ensuit que Mme G. a été victime de discrimination sexiste et qu’elle doit bénéficier du coefficient G à compter de mai 2000, la Société X… devant lui attribuer un emploi de la catégorie G de la convention collective, ou des emplois repères du répertoire des métiers de la Société X… relevant de la même classification, et faire bénéficier Mme G. de toute formation nécessaire pour l’adapter à son nouveau poste, l’astreinte n’apparaissant pas utile en la matière.

Pour la Cour d’appel de Rouen, Mme G. est bien fondée à obtenir la somme de 49.490 euro bruts à titre de rappel de salaires et celle de 4.949 euro bruts au titre des congés payés y afférents.

S’agissant de son préjudice complémentaire financier, professionnel et moral subi de 1984 à 2000 du fait du non évolution de sa carrière, et de ses répercussions sur ses droits à la retraite, à l’intéressement et à la participation, la Cour d’appel de Rouen l’a évalué à la somme de 5.000 euro.

Cour d’appel de Rouen, 14 avril 2009 n° 08/04704

 

Le sexisme présume un harcèlement moral

Aux termes de l’article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L1154-1 du même code énonce qu’en cas de litige relatif à l’application de l’article L1152-1, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Des courriels rédigés en termes désobligeants et vexatoires, et même grossiers, adressés de manière régulière à une salariée fondent le grief de harcèlement moral allégué par cette dernière.

Ces éléments permettent d’établir que son supérieur hiérarchique avait opté pour un mode gestion du personnel reposant sur la pression et le stress, sur fond de machisme et sexisme.

L’employeur n’apporte pas la preuve de ce que les faits précis, répétés, et concordants dont la matérialité est démontrée et qui laissent présumer l’existence d’un harcèlement, n’étaient pas constitutifs d’un tel harcèlement et que cette gestion prégnante des relations de travail avec la salariée était motivée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le préjudice qui en est résulté pour la salariée a été réparé par l’allocation de la somme de 10.000 Euros.

Cour d’Appel de Paris, 20 octobre 2011 n° 10/00586

Selon l’article L1132-1 du Code du Travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération au sens de l’article L3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison notamment de son sexe. Tout acte pris en violation de ce texte est, en application de l’article L1132-4, nul.

Selon l’article L1134-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, qu’au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d’instruction qu’il estime utiles.

L’article 1er de la loi 2008-496 du 27 mai 2008 dispose que :

– constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable,

– constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

– la discrimination inclut :

tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au 1er alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant
le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2 de la loi
Considérant, par ailleurs, qu’en application des articles L3221-2 à L3221-4 du code du travail :

+ tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l’égalité de rémunération entre les hommes et les femmes

+ constitue une rémunération, pour l’application de ce texte, le salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l’employeur du salarié en raison de l’emploi de ce dernier

+ sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle , de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse

Selon l’article L1144-1 du même code, lorsque survient un litige relatif à l’application de ces textes, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte fondée notamment sur le sexe. Au vu de ces éléments il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, tenant essentiellement à la différence de travail fourni, étrangers à toute discrimination, qu’au vu de ces éléments, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné, en cas de besoin, toute mesure d’instruction qu’il estime utiles.

Si des différences de traitement existent effectivement entre des salariés et une salariée, cette dernière doit présenter des éléments permettant de retenir que ces différences tenaient au fait qu’elle était une femme.

Cour d’Appel de Paris, 7 octobre 2010 n° 08/08885

Eric Rocheblave

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