HÔTELLERIE : A-T-ON ENCORE BESOIN DES LABELS DE QUALITÉ ?

HÔTELLERIE : A-T-ON ENCORE BESOIN DES LABELS DE QUALITÉ ?

 

Dans le tourisme et plus spécialement dans l’hôtellerie, on est encore fier de recevoir un label, quel qu’il soit — tel un diplôme —. Et d’arborer son panonceau avec le sourire du vainqueur, heureux d’un travail bien fait et d’une reconnaissance. Mais, il faut bien le dire, c’est de moins en moins vrai. Car non contents de ne pas être gratuits, les labels ne sont pour ainsi dire pas connus du public et peuvent difficilement aider à la commercialisation, dont on a tant besoin.

HÔTELLERIE : A-T-ON ENCORE BESOIN DES LABELS DE QUALITÉ ?

Avec les sites des OTAs qui offrent d’autres garanties, et surtout avec les clients d’hôtels et voyageurs qui s’expriment abondamment sur Internet et y publient des photos, on peut se demander si labelliser a encore un sens.


  • Quel est le principe ?

Qu’on les appelle marque, homologation, qualification, label ou certification, toutes ces démarches s’appuient globalement selon un même principe : le respect de critères contenus dans des grilles, chartes ou référentiels. Ces critères — définis avec professionnalisme ou pas — sont en principe réunis pour correspondre à des promesses de qualité destinées au public et correspondent à des engagements des professionnels labellisés.

Il existe des systèmes d’auto-évaluation, mais dans tous les cas, il s’en suit des audits réalisés par des cabinets privés, tous les 3 à 5 ans en moyenne, et selon les accommodations. Quand un quota de critères est satisfait, le professionnel volontaire, reçoit alors son attestation. Il pourra afficher le logo du label dans sa communication.

• Combien existe-t-il de labels ou assimilés pour les hébergements touristiques ?

Cela dépasse les 150 ! A côté des systèmes internationaux, européens ou français, cohabitent également des labels régionaux, voire locaux. Un véritable catalogue signalétique !

On peut schématiquement distinguer les qualifications par thèmes. Ils sont liés à des pratiques associées à des objectifs généraux ou à des utilisateurs. Par exemple, il en existe pour favoriser l’environnement ou le développement durable, l’accueil des personnes handicapées, l’accueil des randonneurs, cyclotouristes ou motards, l’accueil des familles, des gays (gay-friendly) ou encore des animaux de compagnie. Il y a aussi ceux qui tournent autour du patrimoine, de la culture, de la cuisine ou des produits locaux.

La liste, déjà longue, des labels thématiques enfle année après année, pour devenir autant de niches, cherchant à trouver leur public et leur légitimité. Enfin, les autres sont ceux qui traitent de la qualité des offres et des services.

• Qui les attribue ?

Que l’on se comprenne bien, tous ces labels de qualité se donnent nécessairement des allures d’officialité et d’excellence. Il y a les labels sous l’égide de l’Etat, comme Qualité Tourisme, le classement hôtelier (les étoiles), Tourisme et Handicap (par délégation à une association et des partenaires) … et ceux lancés et promus par des associations, des guides ou des sociétés privées. Ces derniers ne sont pas fatalement moins sérieux et moins bien faits que les premiers. Et inversement.

• Est-ce gratuit ?

Quasiment jamais. Soit il faut régler des frais d’admission puis une cotisation / redevance, soit il est expliqué que c’est gratuit, mais qu’il faut payer (plus ou moins cher) l’audit réalisé par un cabinet privé. Ce qui fait dire à beaucoup de personnes qu’il ne leur paraît pas normal de « devoir payer pour prouver que l’on est bon et pour rendre service à une destination touristique ». Ceux qui font des efforts se sentent ainsi pénalisés par rapport à ceux qui ne souhaitent pas les faire ; sur ce registre en tout cas.

• Ces labels de qualité sont-ils de qualité ?

Parfois oui, parfois pas toujours et même parfois pas du tout. Dans le pire des cas, on peut leur reprocher beaucoup de choses, dont de ne pas correspondre aux vraies attentes des publics (touristes, voyageurs, clients, hôtes) pour qui ils sont en principe faits. Si c’est moins vrai pour des labels très techniques comme l’Ecolabel européen ou Tourisme et Handicap — mais il en existe beaucoup d’autres qui sont estimables —, l’à-peu-près l’est davantage pour tous ceux qui tournent autour de la qualité de services ou de produits.

Plus généralement, certains labels sont remarquables par le niveau élevé de normes qu’ils imposent. Les autres peuvent presque prêter à rire par leur côté infantilisant (distribution de bons points) et le minimalisme dans leurs exigences.

• Que dire des grilles de critères ?

L’on a souvent vu depuis ces dix dernières années une énorme inflation dans le volume de critères inscrits dans les labels de qualité. Il en va ainsi de Qualité Tourisme ou du classement hôtelier qui imposent à présent plus de 200 à 300 questions dans leurs référentiels.

Mais comme souvent, on veut faire croire que le gros volume d’items vérifiés suppose davantage de qualité à la sortie. Alors que les critères, même démultipliés, restent souvent élémentaires et banals dans leur contenu, sans valeur ajoutée. Ils ne traduisent pas forcément des établissements qui plairont à la clientèle, ni strictement de qualité. S’il y a encore des labels liés aux services qui sont déconnectés de ce que souhaite le public, d’autres se sont améliorés sur ce plan.

Enfin, beaucoup de systèmes proposent de rattraper des points perdus dans les critères obligatoires non satisfaits par le truchement de points repêchés dans une liste d’éléments facultatifs. C’est un peu comme si une chaussette manquante pouvait être remplacée par une chemise…

Le problème le plus courant est qu’à trop demander aux professionnels, ils en deviennent peu nombreux à s’abonner à ces labels et qualifications — voir plus loin. Donc, on exige moins et cela permet de recruter au chalut. Souvent.

Les promoteurs de ces labels ont parfois choisi entre perdre leur crédibilité en ayant peu d’adhérents ou la perdre en imposant des critères au ras des pâquerettes pour pouvoir recruter le plus d’affiliés possible.

• Mais, il y a quand même des audits… donc ?

Quand ils existent, les audits sont effectués par des cabinets privés, plus ou moins référencés selon les labels. Il y a les audits où les vérificateurs préviennent de leur arrivée. Ce n’est pas un problème lorsqu’il s’agit de labels très techniques, comme l’Ecolabel, par exemple. Mais, c’est davantage ennuyeux lorsqu’il faut mesurer la qualité de prestations servies à la clientèle.

Dans ce cas, c’est une visite-mystère qui convient (le professionnel n’est pas prévenu de la venue du vérificateur qui consomme les prestations comme le ferait un client lambda, avant de se dévoiler). Ainsi, pour le classement hôtelier, c’est seulement en 4 et 5 étoiles que l’on a instauré une visite-mystère, c’est à dire dans 2 hôtels sur 10. Pour les autres, c’est une visite où le vérificateur est annoncé. De quoi bien se préparer et ne montrer que ce qu’on veut bien montrer.

Comment alors savoir ce que vaut un hôtel sans y dormir ? Comment se rendre compte s’il y a de l’eau chaude, du Wifi en abondance, une température agréable, du silence à toute heure, si l’on n’y séjourne pas ?

Et quand il y a visite-mystère, en quoi le visiteur-mystère, qui voyage seul, est-il représentatif de la demande hôtelière élargie, qui peut se composer de familles avec enfants, de couples, de séniors, d’étrangers, de personnes en plus longs séjours, etc.

Comment peut-il savoir ce qu’attendent les vrais clients et quels sont leurs comportements d’achat ? Comment en ne logeant incognito que dans une chambre peut-il se rendre compte comment est le reste de l’hôtel en situation d’usage ?

Enfin, outre les conflits d’intérêts qui sont très courants parmi les vérificateurs, on peut se demander si le fait qu’un professionnel du tourisme choisisse et paie un cabinet d’audit lié aux labels est normal, garantit l’impartialité et est sans risque de complaisance.

• Est-ce que les labels ont du succès auprès des hôteliers ?

Pas vraiment. On se souvient de l’échec d’Hotelcert, qui n’est pas parvenu à convaincre les hôteliers, malgré des qualités dans ses procédures. Le classement hôtelier, réformé en 2009 et corrigé en 2016 fédère de moins en moins d’hôteliers. Le nombre d’étoilés fond comme cire au four : il n’y en a plus que 11.500 en 2018 contre 17.700 en 2009 (lire notre analyse).

Tourisme et Handicap ne regroupe qu’environ 500 hôtels, l’Ecolabel en France, à peine près de 350 hébergements et Clef Verte moins de 230 adresses.

Quant à Qualité Tourisme, fortement poussé par l’Etat et ses nombreux partenaires, on n’y compte que 1.800 bénéficiaires-hôteliers de la marque, soit moins de 10 % des hôtels en France. Et encore, dans ce lot, une grande partie sont des hôtels faisant partie des partenaires de Qualité Tourisme (têtes de réseaux, chaînes hôtelières…), dont les affiliés peuvent recevoir presque automatiquement le label, sans même y penser.

Pourquoi tant de labels de toute sorte pour si peu de professionnels qui y adhèrent ?

• Est-ce un mérite ?

Certains labels contiennent des impératifs très poussés, qui demandent du savoir-faire et parfois de lourds investissements, notamment ceux qui touchent l’environnement et le développement durable. Il est clair que de passer l’examen est alors méritoire. Mais, la majorité ne sont pas dans ce cas et on a envie de les considérer comme des médailles en chocolat.

• Est-ce au moins le succès auprès des clients ?

Pas davantage qu’auprès des professionnels ; ceci expliquant cela. C’est bien simple, les voyageurs ne connaissent pas les labels. Nos dernières études de Coach Omnium confirment que si 28 % des clients d’hôtels français et étrangers déclarent « connaître » des labels ou certifications propres à l’hôtellerie, pratiquement aucune personne ne sait spontanément en citer un seul…

En les assistant (en proposant des noms), l’Ecolabel européen est reconnu par 23,3 % des clients d’hôtels (mais il fonctionne également dans d’autres secteurs d’activité), la certification Iso 9001 par 17,6 %, Clef verte par 10,7 % et le label Qualité Tourisme par seulement 9,4 %. Ce dernier existe pourtant depuis 2005. En somme, ils ont tous un score de notoriété lacunaire.

Plus gênant encore, seulement 10,5 % des personnes sondées pensent pouvoir dire ce que ces labels ou certifications comprennent comme obligations et critères pour les hôteliers. Mais dans les faits, si l’on veut en savoir plus, cela reste extrêmement flou et approximatif quand ils en parlent.

Enfin, à peine 4,9 % des voyageurs pourraient plus ou moins dire qui attribue ces labels. Et encore, c’est souvent en se trompant.

Pire encore, quand les rares consommateurs connaissent effectivement des labels hôteliers, ils sont encore moins nombreux à les prendre en considération. Ainsi pour le classement hôtelier, ils sont seulement 14 % (8 % des séniors) à tenir compte des étoiles au moment de rechercher un hôtel où séjourner. Ils étaient 64 % en 2008.

Pour les professionnels qui croyaient trouver un surplus de clientèle en adhérant à un ou des labels de qualité, ils en seront pour leurs frais. Car les voyageurs rappellent qu’ils ont des critères personnels pour organiser leurs voyages, dont les labels ne font pas partie et qui, du coup, ne les influencent pas.

HÔTELLERIE : A-T-ON ENCORE BESOIN DES LABELS DE QUALITÉ ?Coach Omnium

 

 

 

 

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