« Faire le choix de la pharmacie, c’est s’ouvrir à des débouchés variés sans jamais s’enfermer dans une voie » – Interview de l’Ordre des pharmaciens

Conception et fabrication de médicaments, prévention et accompagnement des patients, au comptoir, en laboratoire ou en mission humanitaire… les métiers de la pharmacie sont riches et en constante évolution. Pourquoi choisir cette voie ? Carine Wolf-Thal, Présidente de l’Ordre des Pharmaciens nous en dit plus…

pharmaciennes gérant le stock de médicaments

1100 places vacantes en 2e année dans les facultés de pharmacie en France. Comment expliquez vous ce désintérêt des études de pharmacie ?

Présidente de l’Ordre des Pharmaciens, Carine Wolf-Thal
Présidente de l’Ordre des Pharmaciens, Carine Wolf-Thal

“Pour moi, il n’y a pas de désamour pour les études de pharmacie, le dynamisme qu’elles connaissent ailleurs en Europe en témoigne, pour autant, le constat est bien réel. Ces 1 100 places manquantes sont, à mon sens, le résultat de plusieurs facteurs.

En premier lieu, c’est le manque d’information sur les nombreuses possibilités qu’offrent les études de pharmacie Le second facteur vient de la réforme des études de santé, avec la création du PASS (Parcours Accès Santé Spécifique) et LAS (Licence avec option “Accès Santé”) dont le numérus apertus qui a récemment remplacé le numérus clausus est encore trop peu connu.

Enfin, c’est également dû à un phénomène de déperdition plus large qui touche non seulement les autres filières de la santé mais aussi d’autres secteurs économiques. Je veux ici rappeler que ce nouveau système d’accès aux études de santé est complexe, difficile à comprendre par les jeunes bacheliers et leurs parents.

De plus, la réforme est inégalement appliquée par les universités, notamment dans les conditions d’admission, et nécessite encore, deux ans après la mise en place, de nombreux ajustements. Par exemple, peu d’étudiants intègrent les études de santé par le système LAS, en raison d’une forte sélection appliquée initialement par certaines filières dans leur formation. Ce fonctionnement du nouveau système a également amplifié les manques d’attractivité et de visibilité de la profession avec notamment l’impossibilité pour les étudiants de choisir la filière pharmacie dès l’inscription sur Parcoursup et la persistance du manque de communication sur les différents métiers de la pharmacie au cours de la première année ainsi qu’auprès des lycéens. Il a également favorisé une réorientation de nombreux étudiants qui se prédestinaient à la pharmacie vers d’autres filières de santé lors de leur passage en 2ème année. D’autres encore font le choix d’un départ vers l’étranger pour suivre leurs études de pharmacie.

Face à ces constats, l’Ordre, en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes, met en œuvre toutes les mesures possibles pour améliorer l’attractivité et la visibilité de cette filière. Ainsi cela garantira à terme une démographie pharmaceutique adaptée répondant aux besoins de la population. Dans cette optique, l’Ordre a mis en place depuis maintenant trois ans une campagne de communication pour mieux faire connaître tous les métiers de la pharmacie et qui va être relancée dans les mois à venir.”

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Pourtant le secteur est assez florissant ? Où se situent les principaux besoins aujourd’hui et demain ?

“Chaque jour et plus encore depuis la crise sanitaire, les missions de Santé Publique des Pharmacienss’étoffent. Je pense notamment à la mise en place de la vaccination en officine qui s’est largement développée depuis plusieurs années, à l’ouverture pour les pharmaciens biologistes médicaux des dépistages du VIH mis en œuvre depuis 2022 et qui concernera bientôt l’ensemble des IST ou encore plus récemment à la possibilité pour les pharmaciens des établissements de santé d’adapter ou de renouveler les prescriptions médicales.

L’Ordre national des pharmaciens réalise, comme chaque année, son panorama démographique des pharmaciens en exercice en France, afin d’analyser les évolutions des métiers et d’anticiper les besoins pour garantir le renouvellement de la profession. Le dernier état des lieux, arrêté au 1er janvier 2022, indique que le maillage territorial reste encore homogène sur l’ensemble du territoire et adapté aux besoins des patients. Cependant, de plus en plus de filières de la pharmacie font face à des problèmes d’effectifs et de recrutement, en métropole comme dans les Outre-mer.
Selon une enquête publiée le 5 avril 2022 par Pôle emploi, la pharmacie est le 3e secteur qui a le plus de mal à recruter. En effet, 83 % des recrutements y sont jugés difficiles, ce qui nous place juste derrière les couvreurs et les aides à domicile/aides ménagères dans la liste des professions comptabilisant au moins 5 000 intentions d’embauche. Selon cette même étude, 7 600 emplois restent à pourvoir en pharmacie mais également 13 000 pour les techniciens médicaux et préparateurs [1]. Pour les filières de la pharmacie hospitalière et de la biologie médicale, si l’augmentation du nombre de places offertes aux concours de l’internat est à saluer, elle reste insuffisante pour répondre aux besoins de recrutement de ces professions.”

[1] Enquête Besoins en Main-d’œuvre 2022 – Pôle Emploi

Quel est le secteur de la pharmacie encore trop peu connu qui mériterait que l’on s’y intéresse ?

“Les métiers de la recherche sont particulièrement peu connus. J’aimerais rappeler que la pharmacie ne se limite pas à l’officine. Le pharmacien est présent à chaque étape de la chaîne du médicament, de sa conceptionfabrication, jusqu’à sa dispensation au patient, sans oublier la biologie médicale. Les pharmaciens ont une large diversité de missions et de métiers. En tant que professionnels de santé, ils sont au cœur de la sécurité de la dispensation des produits de santé et des soins. Ils sont impliqués dans la préventionl’orientation et l’accompagnement des patients.

La récente crise sanitaire a mis en lumière l’importance de leur rôle de conseil et de premier recours auprès de la population, ainsi que leurs actions dans la production, la gestion des stocks, l’acheminement et la dispensation des produits de santé. Il ne faut pas oublier non plus la dimension recherche de ce métier qui peut s’exercer en France mais aussi à l’international tant sur les nouveaux médicaments ou vaccins, que sur l’étude de leur composition et de leurs effets à court, moyen et long terme sur les patients.”

Que souhaitez vous dire aux jeunes qui penseraient aux métiers de la pharmacie pour leur avenir ?

“Je leur dis, allez-y, vous ne serez jamais déçus ! Faire le choix de la pharmacie, c’est s’ouvrir à des débouchés variés sans jamais s’enfermer dans une voie. Par exemple, Il est tout à fait possible de débuter dans l’industrie et de continuer sa carrière à l’officine, comme je l’ai fait.. Faire pharma, c’est s’inscrire dans la rigueur des sciences de la santé, qui pourra se déployer à travers de multiples familles de métiers, toutes passionnantes. C’est faire de la biologie, de la chimie mais toujours au service de la santé publique. C’est aussi faire le choix d’une formation avec des stages dans des univers très différents en France comme à l’étranger permettant d’appréhender de façon très concrète la réalité de métiers en constante évolution.

Enfin, être pharmacien c’est aussi avoir le choix, le choix de s’inscrire dans une carrière humaine, tournée vers l’autre que l’on soit derrière son comptoir ou en mission humanitaire, dans un laboratoire ou dans une caserne aux côtés des pompiers et des militaires. Mais où que l’on soit le patient et la Santé Publique sont nos boussoles.”

Source Studyrama

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