Esclaves en 2015

Je te paye ton trajet et tu me rembourseras en travaillant.....

Esclaves en 2015

 

L’industrie de la pêche thaïlandaise, en plein essor, fonctionne grâce à l’exploitation de clandestins birmans, dans les mains de mafieux. Témoignages édifiants dans “Les damnés de la pêche” sur Public Sénat.

Esclaves en 2015

Bateau de pêche en Thaïlande (WA production et Public Sénat)

 

En dégustant sardines, maquereaux, seiches ou calamars provenant de Thaïlande, nous participons sans le savoir à un vaste réseau d’esclavage. C’est ce que révèle ce documentaire. Il met clairement au jour les différentes étapes du trafic humain qui transforme des milliers d’immigrés, principalement birmans, en esclaves pour l’industrie de la pêche thaïlandaise, fleuron de l’économie du pays, troisième exportateur mondial dont les deux tiers pour les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Un marché qui a rapporté 5 milliards d’euros en 2012. Kyaw a vécu ce terrible engrenage. Au départ, il voulait travailler en Thaïlande pour nourrir sa famille. Sans moyens, des passeurs lui proposent un marché :

Esclaves en 2015

Je te paye ton trajet et tu me rembourseras en travaillant

 

Ils lui font miroiter un emploi bien payé en usine. Mais arrivé au port, il découvre la supercherie et le montant de la dette : 500 euros. Vingt fois le salaire moyen en Birmanie. C’est le début de l’engrenage. Il est enrôlé de force sur un chalutier. Un travail harassant. Sans relâche. Vendu pour 600 euros, il n’est plus qu’une main-d’œuvre corvéable à merci. Quand les bourreaux de Kyaw lui ont ouvert le crâne à coups de pelle et quand il a vu un de ses camarades se noyer à côté de lui sans pouvoir rien faire, il a décidé de fuir au péril de sa vie. Mais les réseaux mafieux sont organisés, et ce n’est pas facile d’y échapper. Parce que même libres, mêmes recueillis dans des foyers de Bangkok, les bourreaux traquent les rebelles pour les tuer. La condition humaine n’a pas beaucoup de prix. Malgré les appels des ONG et des observateurs internationaux, le problème est loin d’être réglé. Encore beaucoup d’employeurs et de propriétaires de bateaux ne sont pas condamnés. La corruption gangrène même les officiels. Depuis quatre ans, la Thaïlande est sur la liste américaine des pays sous surveillance pour trafic humain. Les Etats-Unis, principal importateur, menacent d’un boycott. Le vice-ministre de Thaïlande a beau tenir un discours ferme, l’esclavage perdure. « Thaïlande, les damnés de la pêche », le documentaire de Florence Morice, en compétition au Figra 2015, est un appel de plus pour que ces êtres humains retrouvent leur liberté.

Pierre Hedrich

L’Obs

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