Embaucher des salariés intérimaires étrangers : quelles règles ?

Embaucher des salariés intérimaires étrangers : quelles règles ?

 

Le détachement en France de travailleurs d’agence d’intérim établie dans un autre état membre de l’Union européenne, autorisé sous de nombreuses conditions.

Embaucher des salariés intérimaires étrangers : quelles règles ? 

La France fait figure d’avant-garde au plan européen en matière de lutte contre le détachement de travailleurs réalisé dans des conditions illicites dans le cadre plus général des dispositions touchant au travail dissimulé (Loi dite “Savary”, loi dite Rebsamen”, loi dite “Macron” et loi dite “El Khomri”). Pour autant, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) veille avec soin à ce que la protection des travailleurs détachés laisse aux libertés économiques la possibilité de s’exercer convenablement.

Dispositions encadrant le détachement en France de salariés établis à l’étranger

Aux termes de l’article L 1261-3 du Code du travail, le salarié détaché est « tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national […] » 

L’article L 1261-2 du même Code ajoute qu’ « un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu’il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. […] »

Trois cas possibles de détachement :

  • le détachement pour le compte de l’employeur et sous sa direction, dans le cadre d’un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;
  • le détachement entre établissements d’une même entreprise ou entre entreprises d’un même groupe ;
  • le détachement pour le compte de l’employeur, sans qu’il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire.

En outre, l’article L 1262-2 du Code du travail admet qu’une entreprise exerçant une activité de travail temporaire hors de France puisse détacher temporairement des salariés auprès d’une entreprise utilisatrice établie ou exerçant en France, à condition qu’il existe un contrat de travail entre l’entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement.

Dans tous les cas, le contrat de travail entre l’employeur et le salarié détaché subsiste pendant la durée du détachement.

La durée du détachement n’est par contre pas clairement précisée à ce jour par les textes applicables en droit du travail qui n’évoquent que le caractère « temporaire » du détachement.

Deux cas en fonction de la durée

La directive n° 96/71/CE conduit à distinguer deux cas :

  • Pour les détachements qui ne sont pas supérieurs à 1 mois et qui portent sur des travaux de faible ampleur : maintien de la loi de l’Etat d’origine ;
  • Pour le reste, elle se borne à dire que du détachement qu’il se fait pour une « période limitée ».

De la convention de Rome et du règlement Rome 1, qui, en règle générale, décident de la loi applicable au contrat de travail, on retient, à partir du préambule du règlement, que le détachement est temporaire et la loi du lieu de travail habituel applicable « lorsque le travailleur est censé reprendre son travail dans le pays d’origine après l’accomplissement de ses tâches à l’étranger. »

Embaucher des salariés intérimaires étrangers : quelles règles ?

Toutefois, la Commission européenne a présenté le 8 mars 2016, une proposition de directive modifiant la directive européenne 96/71/CE, dont l’objectif est de « lutter contre les pratiques déloyales et promouvoir le principe selon lequel un même travail effectué au même endroit devrait être rémunéré de manière identique », qui introduit notamment une durée maximale du détachement. Ainsi, en cas de détachement d’une durée prévue ou effective supérieure à 24 mois, l’état membre d’accueil est réputé être le pays dans lequel le travail est habituellement accompli et c’est le droit de cet Etat qui s’applique aux travailleurs détachés, à moins que les parties n’aient choisi une loi applicable différente en application du règlement « Rome 1 » n° 593/2008 du 17 juin 2008 (sous réserve de ne pas priver le travailleur des dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi de l’Etat membre d’accueil).

Il en va différemment en matière de sécurité sociale : les règlements de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale sont précis : le détachement ne doit pas durer plus de 24 mois – Règle. CE 883/2004, art. 12 § 1, Règl. CEE 1407/71, art. 14 1 a).

L’article L 1262-3 du Code du travail apporte une précision importante pour éviter le recours abusif au détachement, en imposant l’application du Code du travail dans les situations où un employeur « exerce, dans l’Etat dans lequel il est établi, des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ». Le texte ajoute que l’employeur « ne peut notamment se prévaloir de ces dispositions lorsque son activité comporte la recherche et la prospection d’une clientèle ou le recrutement de salariés sur ce territoire. »

Dispositions s’appliquant aux travailleurs détachés en France

Il convient de distinguer l’application des dispositions du droit du travail de celles relevant du droit de la sécurité sociale. En effet, les bases de l’analyse sont différentes et même opposées, selon que l’on vise la sécurité sociale ou le droit du travail. Dans le premier cas, la loi du lieu où l’employeur est établi, loi d’origine, est applicable pendant le détachement. Dans le second, inversement, la loi de l’Etat de détachement, Etat d’accueil, doit être respectée, ou doivent du moins l’être les dispositions de cette loi formant un « noyau dur » de protection impérative des travailleurs.

Dispositions applicables en matière de droit du travail

La directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services a instauré un « noyau dur » de conditions de travail et d’emploi dans l’Etat membre d’accueil qui doivent être appliquées par les prestataires de services étrangers, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, dans certains domaines :

  • périodes maximales et minimales de repos,
  • durée minimale des congés annuels payés,
  • taux de salaire minimal y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires,
  • conditions de mise à disposition des travailleurs, notamment par des entreprises de travail intérimaire,
  • sécurité, santé et hygiène au travail,
  • mesures protectrices applicables aux conditions de travail et d’emploi des femmes enceintes et des femmes venant d’accoucher, des enfants et des jeunes,
  • égalité de traitement entre hommes et femmes ainsi que d’autres dispositions en matière de non-discrimination.

Par ailleurs, il résulte du règlement «Rome1» n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles que les parties sont libres de choisir la loi applicable au contrat de travail sous réserve de ne pas priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui, à défaut de choix, auraient été applicables. Le règlement ajoute que, à défaut de choix exercé par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou à partir duquel le travailleur accompli habituellement son travail; ce pays n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays. Ainsi, si les parties n’ont pas choisi une autre loi applicable à leur contrat, le droit applicable à la relation de travail reste celle du lieu de l’exécution habituelle du contrat de travail, même en cas de détachement. Le règlement prévoit toutefois que les lois de police (dispositions impératives) du juge saisi sont applicables à la relation de travail quelle que soit la loi, applicable au contrat de travail.

Lutte contre les fraudes

S’ajoute la directive 2014/67/UE du 15 mai 2014, relative à l’exécution de la directive n° 96/71/CE, qui devait être transposée au plus tard par les États membres le 18 juin 2016, prévoyant la mise en place de mécanismes visant à lutter plus efficacement contre les fraudes aux dispositions de la directive 96/71/CE.

Cette directive a, en droit interne, inspiré le législateur (loi n° 2014-790 du 10/07/2014 dite « Savary » et loi n° 2015-990 du 6 août 2015 dite « Macron »). L’article L. 1262-4 du Code du travail prévoit que les employeurs détachant temporairement des salariés en France sont soumis aux dispositions du droit du travail applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d’activité établies en France, dans les domaines suivants :

  • Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
  • Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
  • Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d’accueil de l’enfant, congés pour événements familiaux,
  • Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés  par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire ;
  • Exercice du droit de grève ;
  • Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
  • Conditions d’assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
  • Salaire minimum et paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires, ainsi que les accessoires de salaire légalement ou conventionnellement fixés ;
  • Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d’admission au travail, emploi des enfants ;
  • Travail illégal.

 

Proposition de Directive Européenne et Principe d’Egalité

Enfin, la proposition de directive modifiant la directive européenne 96/71/CE proposée le 8 mars 2016, (cf. supra), instaure une égalité de traitement en matière de rémunération entre les travailleurs détachés et les travailleurs locaux, en prévoyant que le droit de l’Etat membre puisse « garantir que le recours à la sous-traitance ne confère pas aux entreprises la possibilité de contourner la réglementation garantissant certaines conditions de travail et d’emploi concernant la rémunération. »

Conditions de travail identique pour les travailleurs locaux et détachés

L’article 3 de la directive qui prévoit le « noyau dur » des conditions de travail et d’emploi dans l’Etat membre d’accueil qui doivent être appliquées par le prestataire de services est quant à lui modifié : le terme « rémunération » se substitue ainsi au « taux de salaire minimal ». Cet article prévoit également que les états membres doivent publier sur le site Internet national officiel visé à l’article 5 de la directive 2014/67/UE, les éléments constitutifs de la rémunération.

Distinction en matière de sécurité sociale

Les salariés détachés couverts par les règlements communautaires ou par une convention bilatérale de sécurité sociale restent soumis au régime de sécurité sociale de leur pays d’origine.

[Règlement de coordination des sécurités sociales CE n° 883/2004, 29 avr. 2004, art. 12 § 1 ; Règlement CEE n° 1408/71, art. 14 § 1 précédemment applicable]

Détachement de travailleurs en France

Titres de séjour et autorisations de travail

(si les travailleurs sont des étrangers non ressortissants d’un état membre de l’Union Européenne (UE), d’un autre Etat partie à L’Espace économique européen (EEE) ou de la Confédération suisse)

Pour exercer une activité professionnelle en France, les travailleurs étrangers non ressortissants d’un état membre de l’Union Européenne (UE), d’un autre Etat partie à L’Espace économique européen (EEE) ou de la Confédération suisse], doivent :

  • Justifier d’une entrée régulière en France et, à ce titre, être titulaires d’une carte de séjour temporaire, et le cas échéant, d’un visa de court séjour en fonction de sa nationalité (sauf s’il relève d’une nationalité dispensée de visa de court séjour), en application de l’article R 313-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité.

« L’étranger qui, n’étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d’une carte de séjour temporaire présente à l’appui de sa demande :

1° Les indications relatives à son état civil et, le cas échéant, à celui de son conjoint et de ses enfants à charge ;

2° Les documents, mentionnés à l’article R. 211-1, justifiant qu’il est entré régulièrement en France ;

3° Sauf stipulation contraire d’une convention internationale applicable en France, un visa pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois autre que celui mentionné au 3° de l’article R. 311-3 ;

4° Un certificat médical délivré dans les conditions fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l’immigration ;

5° Trois photographies de face, tête nue, de format 3,5 x 4,5 cm, récentes et parfaitement ressemblantes ;

6° Un justificatif de domicile. »

  • Détenir une autorisation de travail préalable en France [articles R 5221-1et D 5221-2-1 du Code du travail (décret n° 2016-1461 du 28/10/2016)].

Pour exercer une activité professionnelle en France, les travailleurs étrangers non ressortissants d’un état membre de l’Union Européenne (UE), d’un autre Etat partie à L’Espace économique européen (EEE) ou de la Confédération suisse], doivent :

  • Justifier d’une entrée régulière en France : cette condition est remplie par la présentation d’un titre de séjour d’un autre état membre de l’UE appartenant à l’espace Schengen. Dans le cas où cet état ne ferait pas partie de l’espace Schengen, l’intéressé doit justifier d’une carte de séjour temporaire et, le cas échéant, d’un visa de court séjour en fonction de sa nationalité (sauf s’il relève d’une nationalité dispensée de visa de court séjour), en application de l’article R 313-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile précité.
  • Détenir une autorisation de travail en cours de validité délivrée par les autorités compétentes de l’Etat dans lequel est établi leur employeur, avec dispense de l’autorisation de travail préalable en France prévue à l’article R 5221-1 précité (article R 5221-2 du Code du travail ET article 56 du traité sur le fonctionnement de l’UE : libre prestation de services).

Déclaration préalable à l’inspection du travail compétente pour le lieu de l’activité

La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 (modifiée par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016) a renforcé les formalités relatives au détachement en insérant l’article L 1262-2-1 dans le Code du travail, qui prévoit que l’employeur qui opère un détachement de salariés en France doit, d’une part, adresser une déclaration, préalablement au détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation, et d’autre part, désigner un représentant de l’entreprise en France, chargé d’assurer la liaison avec les agents de contrôle pendant la durée de la prestation.

Article L1262-2-1 du Code du travail :

« I – L’employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation.

II.- L’employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l’entreprise sur le territoire national, chargé d’assurer la liaison avec les agents mentionnés à l’article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation.

III.- L’accomplissement des obligations mentionnées aux I et II du présent article ne présume pas du caractère régulier du détachement.

IV.- L’entreprise utilisatrice établie hors du territoire national qui, pour exercer son activité sur le territoire national, a recours à des salariés détachés mis à disposition par une entreprise de travail temporaire également établie hors du territoire national, envoie aux services de l’inspection du travail du lieu où débute la prestation une déclaration attestant que l’employeur a connaissance du détachement de son salarié sur le territoire national et a connaissance des règles prévues au présent titre VI. »

Cette loi a également inséré l’article L 1262-4 dans le Code du travail, qui impose au maître de l’ouvrage ou au donneur d’ordre de s’assurer auprès du prestataire de services détachant des salariés en France que celui-ci s’est acquitté, avant le détachement, des obligations ci-dessus.

Poursuivant l’objectif de lutte contre les prestations de services internationales illégales, la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a complété ce mécanisme, en prescrivant qu’à défaut de s’être fait remettre par son co-contractant une copie de la déclaration, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit adresser, dans les quarante-huit heures suivant le début du détachement, une déclaration spécifique à l’inspection du travail. Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre a donc une responsabilité en cas de carence du prestataire de services étranger.

Depuis la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, cette responsabilité repose sur le seul maître d’ouvrage (article 105).

Détachement de travailleurs entre droit européen et droit national

Les dispositions françaises font figure d’avant-garde au plan européen en matière de lutte contre le détachement d’intérim international réalisé dans des conditions illicites, dans le cadre plus général touchant au travail dissimulé (loi « Savary », loi « Rebsamen », loi « Macron », loi « El Khomri »).

Pour autant, sous couvert de fraude ou de violation délibérée du Droit, il s’agit de mesures nationales unilatérales arbitraires adoptées pour contrer l’application de la directive européenne n° 96/71/CE sur le détachement.

Notion de Fraude

La fraude suppose un montage juridique, une forme de tricherie astucieuse, pour faire jouer le Droit contre le Droit. C’est-à-dire une action volontaire contre le Droit.

Or dans le domaine qui nous occupe, la prétendue fraude vient d’un refus d’appliquer tel élément du régime du détachement institué par des règles de droit « dérivé » européen (directives « détachement » transposées dans le droit national français), par le droit « primaire » européen lui-même, du moins celles que la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJCE) lui prête.

Notion de liberté de circulation Liberté de prestation de services

La règle de principe est la prédominance du droit « primaire » européen qui s’articule entre libertés de circulation des travailleurs (art. 45 s. TFUE – art. 39 s. anc. Traité CE), liberté d’établissement (art. 49 s. TFUE – art. 43 s. anc. Traité CE) et liberté de prestation de services (art. 56 s. TFUE – art. 49 s. anc. Traité CE).

Suivant le schéma assez simple que propose le droit de l’Union, un employeur régulièrement établi dans un état membre est en droit de détacher librement du personnel sur le territoire d’un autre état membre, que ce soit dans le cadre de la liberté de circulation des travailleurs ou au titre de la liberté de prestation de services.

Vu sous le prisme du droit d’établissement et de la liberté de prestations :

  • l’intérêt de l’employeur tel que protégé par le droit de l’Union, voudrait qu’il puisse le faire sans subir de contraintes administratives et financières s’ajoutant à celles de l’Etat membre dans lequel il est établi ;
  • l’intérêt des travailleurs est d’être traités comme les travailleurs de l’Etat d’accueil, quitte à bénéficier du traitement plus favorable correspondant à la loi de l’Etat d’origine, auquel ils peuvent prétendre compte tenu du lien de rattachement qu’ils ont pas hypothèse avec celui-ci.

D’ailleurs, la nouvelle directive proposée par la commissaire européenne, Mariane Thyssen, envisage de resserrer les contraintes autour du détachement d’intérim international, sans cependant le remettre en cause.

Le détachement d’intérim international en pratique

« Activité significative » dans l’état d’établissement et non une “boite aux lettres”

ll faut comprendre qu’une entreprise qui s’est stablement fixée sur le territoire d’un Etat membre et qui y tire substantiellement les profits d’une activité centralement orientée vers le détachement de personnel dans d’autres Etats membres est dans une situation conforme aux exigences du droit de l’Union.

Ce qui est rejeté est le pseudo-établissement d’une entreprise boîte aux lettres ou de pure forme (tel qu’accepté par les arrêts Centros (CJCE 9 mars 1999, aff. C-212/97) et Inspire Art (cjce 30 sept. 2003, aff. C-167/01) mais pas l’établissement réel d’une entreprise de recrutement et de gestion de personnel.

Cela ressort d’une lecture attentive de la liste longue et détaillée d’éléments à prendre en considération figurant à l’article 4 de la directive d’exécution de 2014, s’inspirant de la jurisprudence de la CJCE, pour apprécier si l’entreprise « exerce réellement des activités substantielles » (ou significatives) autres que de « gestion interne » dans l’Etat d’établissement, (à rapprocher de l’article
L 1262-3 du Code du travail qui indique que l’activité de l’entreprise dans l’Etat dans lequel elle est établie, ne peut se borner à « la gestion interne ou administrative ») : une entreprise qui a de multiples activités sur le territoire de son état d’établissement, mais dont aucune ne consiste à y employer directement du personnel autre que son personnel administratif et commercial, satisferait aux exigences de la directive n° 96/71/CE relative au caractère véritable des détachements qu’elle opère.

« Activité stable et continue » dans l’état d’accueil

C’est à la lumière de la jurisprudence de la CJCE que doit s’interpréter les dispositions de l’article L 1262-3 du Code du travail suivantes : « […] ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue ».

La CJCE n’a pas avalisé la position adoptée par le Conseil d’état (CE 11 juill. 2007, n° 2997787, Easyjet et Ryanair) et la chambre criminelle de la Cour de Cassation (crim. 11 mars 2014, n° 11-88420 et 12-81461, Easyjet et Vueling Airlines, Bull. crim. N° 74 et 75) à propos des situations dans lesquelles des entreprises, compagnies de transport aérien, ayant leur siège sur le territoire d’un autre Etat membre, prétendaient avoir détaché du personnel sur le sol français, alors que ce personnel était de fait rattaché à une succursale stablement établie en France, à savoir :

  • la situation relève des relations entre une entreprise ayant un établissement secondaire sur le territoire français et le personnel qu’elle fait travailler sur ce territoire ou à partir de ce territoire, les règles sociales françaises doivent donc être respectées, que l’on vise l’assujettissement à la sécurité sociale ou l’application des dispositions de protection du travailleur prévues par le Code du travail ;
  • elle ne relève par contre pas de la directive 96/71/CE sur le détachement dans le cadre d’une prestation de services et des règles de coordination des sécurités sociales relatives au détachement temporaire.

Il est vrai que ces arrêts s’inscrivent dans un contexte particulier puisqu’ils s’appuient sur un décret visant les bases d’exploitation des entreprises de transport aérien (n° 2006-1425, 21 nov. 2006), lesquelles doivent avoir sur le sol français un établissement stable et structuré.

En outre, ces arrêts ont écarté d’office les certificats A1 délivrés par les autorités espagnoles et anglaises et attestant de l’affiliation des salariés détachés au régime de sécurité sociale de l’Etat d’établissement principal.

Or, en application de la jurisprudence de la Cour de justice de l’UE, ces certificats (aujourd’hui devenus les formulaires E 101) créent une présomption de régularité de l’affiliation des travailleurs détachés qui s’impose de façon irréfragable à l’institution compétente de l’Etat d’accueil « aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés ou déclarés invalides par l’institution émettrice » (réponse de Mme Thyssen au nom de la Commission – question écrite  E-001625/2016 du 22/04/2016).

La chambre civile de la Cour de Cassation a elle-même veillé au respect de ces principes (cass. civ. 2ème, 4 décembre 2008, n° 07-18292 ; cass. civ. 2ème, 8 octobre 2008, n° 07-18286).

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