Le visage obscur des chefs cuisiniers
Perçus comme des vedettes, les chefs cuisiniers sont loin d’avoir une vie rêvée. On dépeint peu souvent le côté sombre de leur métier, qui en amène plusieurs à sombrer dans l’alcool, la drogue et les problèmes financiers.
Plusieurs cuistots sont touchés par des problèmes d’alcool, de drogue ou d’argent
En vérité? C’est un métier «difficile», qui «magane», qui n’est «pas fait pour tout le monde» et dans lequel tu peux «l’échapper» facilement, racontent les chefs les plus populaires du Québec.
«Ce n’est pas ce qu’on nous montre à la télé», affirme le chef du Bistro B, Maxime Fouquet. Maintenant sobre, il explique que l’obsession de la cuisine l’a mené dans les bas fonds de l’alcoolisme et à une tentative de suicide. «Le stress n’est pas faussé, mais l’image, oui», décrit-il.
L’horreur
Pour les chefs propriétaires, la compétition est féroce, les marges de profit sont minces et les cuisines sont des endroits où le vice est à proximité. «On travaille la nuit, il y a de l’alcool. C’est toujours plus propice», expliquent les chefs du Joe Beef, David McMillan et Frédéric Morin, soulignant que 50 % de leur travail était de vendre de la bouffe et l’autre 50 % de vendre de la drogue légale, «du bonheur».
Investir son argent, c’est «oser se mettre les deux mains dans la merde», racontent certains chefs comme le jeune chef John Mike qui a ouvert le restaurant Tripes et Caviar à Verdun il y a deux ans. Il admet que «c’est dur en crisse». «Ce qu’on nous montre à la télé, ce n’est pas “fair”. La jeune génération, elle se fait mentir en pleine face.»
Selon Giovanni Apollo, être restaurateur, c’est faire «abstraction de soi». Se considérant chanceux de n’être jamais tombé dans la coke ou avoir eu de problème d’alcool, ce dernier mentionne que «c’est la vie de famille qui a écopé». Être chef, oui, mais restaurateur «c’est l’horreur, avoue l’homme. Il faut avoir beaucoup d’argent». Le chef du Pastaga, Martin Juneau, croit de son côté que le «métier est toujours méconnu», qu’il s’agit en vérité d’une profession «où toutes les portes sont ouvertes pour tomber».
Être dédié
Vrai, il faut mettre «ses couilles sur la table», soutient le chef Danny Saint-Pierre. Cependant, il clame qu’il s’agit du «plus beau métier du monde» lorsqu’on est «dédié». «Être cuisinier, ce n’est pas être dans de la barbe à papa», illustre le chef.
Un point de vue partagé par le chef du Toast!, Christian Lemelin. «Ce n’est pas glam, c’est excessivement difficile», mentionne le propriétaire.
LA VIE DE STAR?
Revues, émissions de télé, capsules web: l’image du chef cuisinier a changé au point qu’ils sont devenus des «rock stars».
Plus tôt cet hiver, Giovanni Apollo dansait à l’émission Ce soir tout est permis avec Éric Salvail, loin des cuisines. «Ça fait tellement du bien, laisse tomber le chef. Ça peut paraître cliché, mais j’aime le monde et on veut se faire aimer.»
Cependant, seuls une minorité de chefs réussissent à être sous les projecteurs.
«C’est une autre carrière. C’est en parallèle, mais tu n’es pas obligé d’aller là. Je me dis, si je ne le fais pas, il y a quelqu’un d’autre qui va le faire», relate Martin Juneau qui participe à plusieurs concepts à V télé.
Toutefois, la plupart des productions de cuisine ne sont pas animées par des «chefs cuisiniers». Par exemple, Josée di Stasio, Christian Bégin, Marilou et Ricardo n’ont jamais été à la tête d’un restaurant.
«Oui, ils sont épicuriens, ils tripent sur la bouffe, ce sont des foodies, ils savent de quoi ils parlent. Toutefois, ce ne sont pas des cuisiniers pour autant. Trouver de véritables chefs qui font de la télé, il y en a pas beaucoup», précise Martin Juneau.
Bénéfique
À l’antenne de l’émission de «service» Qu’est-ce qu’on mange pour souper, Danny Saint-Pierre estime que la télévision est une excellente tribune qui sert avant tout le public. «Je veux que tout le monde cuisine», dit-il.
Reste que le vedettariat rattaché à la télévision apporte son lot de bénéfices, et ce, sous toutes ses formes.
«Je peux être au gym et je me fais demander une recette de gâteau. C’est drôle», mentionne Isabelle Plante de l’émission Les Chefs, signalant qu’elle peut enfin faire un peu d’argent grâce à de petits contrats. «C’est juste du positif qui m’arrive. Je reçois des offres incroyables. Le téléphone n’arrête pas de sonner».