La Une du palmipède fête à sa manière, un savoureux jeux de mot, la réouverture des terrasses.

 

Un seul trouble-fête pour cette première journée de réouverture : les pluies ! Intermittentes, heureusement… La clientèle, elle, rayonnait ! Même sous un parapluie, comme à Paris… Selon les premières remontées de terrain, les terrasses ont connu une grosse affluence ce 19 mai. Tout particulièrement à l’heure du déjeuner.

A dire vrai, ce succès, relatif encore, il faudra d’avantage de journées de recul, n’est pas surprenant.  Deux gros sondages réalisés début mai (Ifop pour Heineken France et Odoxa pour Edenred) indiquaient clairement que les Français désiraient reprendre place sur les terrasses. Pour l’Ifop, c’était d’ailleurs leur premier motif de jubilation. 64 % des 1003 personnes interrogées se réjouissaient de cette perspective.

Deux fois plus nombreux que celles à se régaler à la pensée de retourner enfin au théâtre ou au cinéma (34 % seulement). Un écart encore plus important quand l’Ifop détaille les résultats. 45 % des interrogés citaient les terrasses en premier. Quand ils n’étaient que 14 % à leur préférer les théâtres ou les cinés.

Du coup, il n’était pas incohérent que 65 % de l’échantillon déclarent vouloir renouer avec les terrasses à partir du 19 mai. 52 % envisageant de se déplacer dès la première semaine de réouverture. Et plus d’un quart encore (27 %) à déclarer souhaiter venir plus souvent qu’avant leur fermeture.

Un retour en masse de la clientèle peu probable avant le 9 juin

Aussi rassurant soit-il pour les restaurateurs, les résultats de ce sondage doivent se comparer avec ceux du sondage Odoxa, tout aussi sérieux mais beaucoup plus nuancé. Et pour ne pas dire, presque inquiétant…

Parmi les 1003 sondés, un tiers seulement, en effet, déclare vouloir retourner au restaurant dès le 19 mai (7 %) ou dans les jours qui suivent (26 %). Et dans ces 33 % de pressés, 60 % sont des « habitués ». C’est-à-dire des Français qui se rendaient au moins une fois par semaine au restau avant la crise sanitaire.

A l’inverse, ils sont un peu plus nombreux (42 %) à déclarer attendre juin pour revenir. Et 24 % ne comptent pas y retourner avant l’été.

Un retour en masse de la clientèle avant le 9 juin, à un niveau équivalent à celui d’avant la crise sanitaire, nous semble peu probable. En dépit d’une mesure aussi incitative que l’augmentation du plafond journalier des titres restaurants. Le gouvernement, en effet, a doublé à 38 euros, jusqu’en septembre, le plafond journalier de dépense des titres-restaurant. Une mesure qui ne bénéficie qu’aux 3,8 millions de salariés détenteurs d’un titre.

Le boom des livraisons de repas risque d’impacter le service en terrasse

Nouvelle tendance de consommation, les commandes en ligne pour une livraison à domicile risquent par ailleurs de tailler quelques croupières au service à table. Selon un sondage Flipdish (1011 répondants), plus d’un tiers des français (39%) vont continuer à se faire livrer des plats après la réouverture des restaurants. Ils sont même 64 % chez les 18-24 ans. Parmi ces 39 %, 20 % (la majorité donc) va y recourir autant ou plus qu’avant. Alors que 13 % seulement vont arrêter de se faire livrer pour privilégier la restauration sur place.

Une partie des Français a donc pris de nouvelles habitudes alimentaires. Et ils ne comptent pas en changer. Y compris d’ailleurs pour leur déjeuner. Les livraisons de repas ne concernent plus seulement les dîners. Parmi les Français qui vont continuer de faire appel à la livraison, 13 % les prévoient pour leur déjeuner en semaine. Et 16 % pour leur déjeuner le week-end.

Le risque est donc grand que la restauration à table perde encore quelques parts de marché. Sauf à se positionner sur ce marché spécifique, qui est déjà très concurrentiel.

Jauge à 50 %. Couvre-feu maintenu à 21 h. Concurrence de la livraison de repas. Volatilité de la clientèle. Additionnées, ces quatre causes risquent bel et bien d’impacter l’activité des restaurants qui auront choisi de rouvrir le 19 mai.

Maintien indispensable des fonds de solidarité 

Et que dire de tous ceux qui ont préféré attendre le 9 juin. Le restaurant Paul Bocuse, par exemple. Selon des sources syndicales, plus d’un établissement sur deux serait encore fermé. Faute de terrasses. Ou parce qu’ils considèrent que l’activité ne serait pas rentable.

Dans ces conditions, le Gouvernement n’avait guère d’autre choix que de maintenir le fonds de solidarité à l’identique sur le mois de mai. C’est seulement à partir de juin que ses aides seront dégressives. Tout comme d’ailleurs  la prise en charge par l’Etat de la masse salariale. Elle passera  de 20 % à 15 % pour les mois de juin, juillet et août. Dégressivité aussi pour l’allocation d’activité partielle. Exemptées jusqu’en juin de « reste à charge pour l’employeur », les entreprises de la branche devront s’acquitter de 15 % de l’allocation d’activité partielle en juillet et de 25 % en août.

Près de 300 000 recrutements attendus dans la branche selon Pôle Emploi

Exprimés avant le début de la crise sanitaire, les besoins en main d’oeuvre des entreprises avaient atteint des niveaux records en 2020.  Ils sont logiquement en recul cette année mais retrouvent leur niveau de 2019.
Les tensions sur certains métiers, les mêmes d’une année sur l’autre, restent élevés. Mais sensiblement moins que l’an dernier.
100 000 postes resteront-ils vacants cette année, faute de candidats ? C’est une hypothèse. Invérifiable avant la saison estivale.

  • Source : Pôle Emploi, enquête BMO 2019, traitement et tableau HR-infos.

Les Français et la réouverture des cafés et restaurants

Le sondage d’Odoxa pour Edenred