Ubuesque ! Juicero, l’absurde (et chère) machine à jus de fruit qui ne sert à rien !
Juicero a voulu devenir le « Nespresso » des jus de fruit. L’idée est la même : vous achetez une machine et des recharges fournies par le constructeur pour obtenir un jus de fruit frais. L’objectif étant d’avoir le même résultat que si vous pressiez des fruits et légumes vous-même, en appuyant uniquement sur un bouton. Pour y parvenir, les recharges ne contiennent pas directement le jus, mais les fruits et légumes coupés en morceaux très fins, prêts à être pressés.
Cette entreprise américaine, qui a levé 120 millions de dollars auprès d’Alphabet (Google) et d’autres investisseurs de renom, est au centre d’une polémique sur sa machine onéreuse et inutile.
Une idée intéressante sur le papier, mais très coûteuse. À sa sortie, la machine était vendue 700 $ aux États-Unis et il faut ajouter au minimum 5 $ par verre de jus. Moins d’un mois après sa commercialisation, l’appareil est passé à 400 $, mais personne ne va vraisemblablement en acheter. D’ailleurs, Juicero rembourse tous ceux qui le souhaitent et on suppose qu’ils vont être nombreux
Pourquoi ? Eh bien, comme l’a noté Bloomberg, il suffit de presser les sachets avec ses mains pour obtenir exactement le même résultat… L’entreprise a beau expliquer que ce n’est pas la même chose et que c’est plus compliqué que de presser un bouton, on a du mal à voir comment cela pourrait justifier le prix de la machine.
Comment justifier ces prix si élevés ? En démontant l’appareil, on a l’explication : le Juicero est extrêmement sophistiqué et composé uniquement de pièces personnalisées. Ben Einstein, investisseur dans la Silicon Valley, a démonté des milliers de produits dans sa vie et il indique que c’est l’un des appareils les plus complexes qu’il a rencontrés.
Sur certains aspects, cet appareil est compliqué pour le plaisir d’être compliqué. Le mécanisme qui maintient la porte fermée est composé d’une vingtaine de pièces et il n’y a rien de standard. Il y a une pièce en aluminium massif, du plastique moulé et des petits éléments encore. D’autres composants sont personnalisés sans raison évidente, comme l’alimentation et le moteur électriques.
Pour résumer, cette débauche technologique très impressionnante sur le plan technique est aussi largement inutile. Le Juicero essaie de presser un sachet entre deux plaques, ce qui exige une force énorme. Si deux mains peuvent obtenir le même résultat en appliquant une force plus faible en de multiples points, on pouvait aussi imaginer un Juicero plus économe à produire et tout aussi efficace.
Comment en est-on arrivé là ? Juicero est l’archétype de nombreuses startups financées à profusion pendant des années, sans aucune limite de temps ou d’argent, et qui se permettent les plus grandes folies. Pour obtenir ce ratage monumental, 120 millions de dollars, deux ans et des dizaines d’employés ont été nécessaires.
Certes, toutes ces ressources n’ont pas seulement servi à créer la machine, il a aussi fallu rencontrer des producteurs et imaginer un processus de fabrication pour les sachets. Néanmoins, Juicero aurait peut être mis au point une solution techniquement moins impressionnante, mais bien plus utile si l’entreprise n’avait pas eu autant d’argent à dépenser…
Doug Evans a été remplacé en novembre par un nouveau PDG, Jeff Dunn. C’est ce dernier qui a entrepris de baisser le prix de la machine vendue par Juicero, de 700 à 400 dollars. Dans une longue note de blog publiée jeudi soir, il admet que les poches de fruits et de légumes peuvent être pressées à la main, mais que son appareil est «essentiel pour une expérience régulière, sûre et de qualité». «Notre utilité ne réside pas seulement dans un verre de jus frais», écrit-il. «Il s’agit d’aider un parent à se faire du bien pendant que ses enfants se préparent pour l’école, sans devoir éplucher les légumes, les découper puis nettoyer son mixeur (…) Presser nos poches à la main est une expérience médiocre, potentiellement salissante, que vous ne voulez pas répéter tous les jours.» Néanmoins, Doug Evans a promis qu’il rembourserait n’importe quel client qui souhaiterait rendre sa machine.