Les difficultés de recrutement atteignent des sommets

Les difficultés de recrutement atteignent des sommets

« On ne trouve plus personne pour travailler », s’alarme Patrick Liebus, le président de la Capeb, la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment. Plus personne, peut-être pas, mais de plus en plus difficilement très certainement. C’est ce que confirme le dernier opus de l’enquête de conjoncture de bpifrance Le Lab publiée ce lundi 23 juillet. Il en ressort que 41 % des entreprises de moins de 250 salariés déclarent « d’importantes difficultés de recrutement ». Soit 10 points de plus en un an et au plus haut depuis 2002.

Les difficultés de recrutement atteignent des sommets

Ces difficultés de recrutement tiennent bien sûr aux manques de main-d’oeuvre correspondant à la demande, malgré un taux de chômage qui reste élevé. Mais pas seulement. Dans de nombreux cas, la description du poste ne correspond pas aux tâches à accomplir, quand ce n’est pas le salaire proposé, la localisation du poste, ou l’image de l’employeur qui rebutent. Quoi qu’il en soit, ce sont des dizaines de milliers d’embauches qui sont abandonnées : Pôle emploi les évalue entre 200.000 et 330.000 en 2017, une fourchette en hausse conformément au retour à meilleure fortune de l’économie.

La dernière enquête de conjoncture de BPI France montre que 41 % des entreprises de moins de 250 salariés déclarent « d’importantes difficultés de recrutement ». Soit dix points de plus en un an et un plus haut depuis 2002 !

 

La page de la crise tournée

Si les problèmes d’embauche n’ont pas d’impact direct sur la croissance, l’étude redoute qu’ils puissent être « un frein à l’expansion à venir des PME et, notamment, à leur capacité d’accélération ». Un sentiment partagé par Patrick Liebus. « Dire non à un chantier à 40.000 euros parce qu’untel est malade ou part à la retraite et qu’on n’a pas la solution pour le remplacer, ça fait vraiment mal au coeur », se désole le président de la Capeb, qui dirige une PME dans l’Ain et est lui-même maître artisan ardoisier et zingueur.

La situation est d’autant plus préoccupante que les PME ont tourné la page de la crise. Après plusieurs années d’augmentation, leur croissance devrait se stabiliser à un niveau élevé cette année. Le solde d’opinion sur l’évolution du chiffre d’affaires d’ici la fin 2018 (différence entre les PME déclarant une opinion positive et celles déclarant une opinion négative) se maintient à 26 points. Il dépasse toujours sensiblement sa moyenne de long terme, souligne bpifrance. Les entreprises exportatrices, innovantes et celles de plus de 10 salariés sont les plus confiantes.

 

Recours aux travailleurs détachés

Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, ne manquera pas de trouver dans cette étude un argument de plus pour justifier ses deux réformes : formation professionnelle et des règles de l’assurance-chômage. Les PME sondées par BPI France n’attendent pas. Plus de la moitié d’entre elles envisagent de modifier leurs modes de recrutement. Cela signifie principalement « avoir recours aux travailleurs détachés », décrypte Patrick Liebus. « Les grandes entreprises y ont déjà recours, mais la situation est paradoxale : on a plus de 3,5 millions de chômeurs dans ce pays et on n’arrive pas à pourvoir ces postes », regrette-il.

Pour les artisans du bâtiment, la solution ne passe pas par les salaires « déjà très bons ». Plutôt que s’accrocher au traditionnel CV, l’opérateur public préconise de plus en plus une approche par les compétences .

Métiers en tension

L’Hotellerie Restauration. Il manque 50 000 Cdi dans l’hôtellerie.Dans le secteur de l’hôtellerie et de la restauration, la pénurie de main-d’oeuvre est un sujet récurrent. 20 000 postes ont été créés en 2018 et on estime à entre 50 000 et 100 000 le nombre de postes à pourvoir. Pour y remédier, les syndicats viennent de lancer l’idée de recruter des migrants. Une initiative diversement appréciée par les professionnels de ce secteur et qui se heurte parfois également à des écueils administratifs. La pénurie touche aussi le secteur de l’apprentissage à ces métiers.

Déficit d’image

«Certains employeurs disent souffrir d’un déficit d’image», complète Pôle emploi. Vincent Sitz, du GNI Synhorcat, acquiesce: «On souffre aujourd’hui encore d’une vieille image de chefs acariâtres et d’établissements qui font bosser leurs employés 70 heures par semaine». L’idée de porter de lourdes charges ou de travailler en horaires décalés ne semble pas constituer le seul frein. «Pour le saisonnier plus spécifiquement, il peut exister une inadéquation géographique plus forte entre l’offre et la demande de travail», indique Pôle emploi. «Elle entraîne des difficultés de déplacements, mais surtout des difficultés de logement, puisqu’une grande partie des emplois saisonniers se situent dans des régions touristiques». Se déplacer ou se loger peut ainsi constituer une véritable barrière financière pour des travailleurs dont le salaire est bien souvent au smic.

A l’automne 2018, le syndicat de l’hôtellerie-restauration doit rencontrer le gouvernement. Il espère étendre les possibilités d’embauche aux migrants non-réfugiés.

Pour répondre à l’urgence de la situation, l’hôtellerie-restauration a entrepris une réflexion. «À la rentrée, nous allons proposer des mesures concrètes, qui tiendront compte des évolutions du métier et des attentes des jeunes», soutient Hervé Bécam de l’Umih. «Il faut que nous parlions de nos métiers, autrement que par les contraintes», estime de son côté Vincent Sitz du GNI-Synhorcat. «Un serveur n’est pas seulement un passeur de plats: il véhicule l’image de l’établissement, doit avoir des connaissances sur les produits, comme le vin. Idem pour un cuisinier. Une des solutions serait notamment d’avoir de vrais conseillers d’orientation dans les établissements scolaires».

 

Couvreurs. Ce ne sont pas eux qui mobilisent le plus de projets de recrutements, mais ce sont eux qui sont les plus difficiles à trouver. Sur les 5.900 embauches de couvreurs ou couvreurs zingueurs prévues par Pôle emploi cette année, 4.700 seront difficiles à mener à leur terme. Soit près de 80 %, contre légèrement plus de 69 % sur la période 2014-2017.

Chaudronnier. C’est l’exemple volontiers cité pour démontrer que l’industrie, contrairement à ce que l’on croit, embauche. Chaudronniers, mais aussi tôliers ou forgerons qualifiés : Pôle emploi anticipe 5.500 projets de recrutement en 2018, mais la proportion de ceux qui seront difficiles à mener (78 ,5 %) a bondi de 10 points en un an.

Carrossier automobile. Avec les couvreurs et les chaudronniers, les carrossiers automobiles partagent le podium des trois métiers pour lesquels Pôle emploi anticipe le plus de tensions dans les projets d’embauches cette année. La différence est ténue puisque le pourcentage de projets de recrutements jugés difficiles dépasse, elle aussi, 78 % (2.800 sur 3.500).

 

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