Covid-19 : pourquoi bars et restaurants sont considérés comme étant à risque

Covid-19 : pourquoi bars et restaurants sont considérés comme étant à risque

 

S’il est globalement très difficile de remonter le fil, plusieurs études de cas ont démontré le risque de ces lieux, malgré les démentis des restaurateurs.

Covid-19 : pourquoi bars et restaurants sont considérés comme étant à risque

La déprime ronge le secteur de la restauration, qui ne voit pas le bout du tunnel. Ses représentants ne sont pas concernés par la réouverture de premiers commerces non essentiels à partir du 1er décembre. Alors que Le Point affirmait, le 16 novembre, que les restaurants et les bars pourraient ne pas rouvrir avant le 15 janvier voire le 1er février – information qui n’a pas été confirmée jusqu’alors –, plusieurs messages de soutien sont devenus viraux sur les réseaux sociaux.

Parmi eux, un cri du cœur, écrit en lettres capitales, et affichant des dizaines de milliers de partages : « Je suis pour l’ouverture des bars et restaurants au 1er décembre. Nous n’y sommes pas plus en danger qu’en grande surface ! » Une affirmation contredite par l’état actuel des connaissances.

S’il est globalement très difficile de remonter le fil des contaminations, plusieurs études de cas ont montré que bars et restaurants figuraient parmi les lieux à haut risque. En Corée du Sud, en août, un cluster de 56 cas a ainsi pu être identifié dans un Starbucks de Paju, dans le nord de Séoul, un mois après que 15 personnes ont été infectées dans un café du quartier de Gangnam, au sud.

« Il n’y a même pas de discussion »

Surtout, le 10 novembre, la revue scientifique Nature a publié une vaste étude portant sur les déplacements de 98 millions de personnes à partir des données de leurs téléphones. Elle en concluait qu’une minorité de lieux publics – hôtels, salles de sport et restaurants – étaient à l’origine d’une majorité de contaminations, bien plus que les commerces classiques. Et si, après le premier déconfinement, la ville de Chicago avait rouvert ses restaurants à pleine capacité dès le 1er mai, la métropole américaine aurait enregistré 600 000 cas supplémentaires, ont calculé les auteurs de l’étude.

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« Bien sûr qu’on se contamine dans les restaurants, on enlève les masques, on parle, on augmente les risques, c’est évident, il n’y a même pas de discussion », estime l’épidémiologiste et biostatisticienne Catherine Hill. « On connaît les mécanismes qui l’expliquent », confirme Mahmoud Zureik, professeur en épidémiologie et en santé publique à l’université de Versailles-Saint-Quentin :

« Ce sont des endroits en huis clos et en surface limitée, où l’on retire le masque, avec une ventilation qui n’est pas idéale. On peut se contaminer partout, mais dans les bars et les restaurants, la proportionnalité du risque est plus haute, comme pour les salles de sport. »

Mince réserve : le niveau de risque diminuerait avec un système de ventilation correct, une option de vente à emporter, et des tables en terrasse, admet l’épidémiologiste. A noter également que l’étude parue dans Nature porte sur la situation aux Etats-Unis entre mars et mai, et ne tient donc pas compte des protocoles mis en place en France à la rentrée.

Le cas des bars est encore plus problématique. « Non seulement on ne peut pas manger et boire avec un masque mais, en plus, ce sont des endroits fermés et dans les bars, la densité est importante. L’alcool aidant, la soirée avançant, le respect de distances physiques devient de plus en plus difficile », appuie l’épidémiologiste Pascal Crépey, cité par Le Parisien« L’alcool peut changer le comportement, notamment vis-à-vis du respect des gestes barrières, même si c’est très difficilement mesurable », confirme Mahmoud Zureik.

En Suisse romande, touchée par une deuxième vague d’une violence inattendue, un cluster a ainsi été identifié dans un bar très couru de Lausanne : le 3 novembre, celui-ci avait organisé une dernière fête particulièrement bondée à la veille de l’entrée en vigueur d’un couvre-feu pour les lieux de convivialité, sans respect des mesures de distanciation. Au moins 8 personnes y ont été contaminées, et probablement bien plus, si l’on tient compte de la période d’incubation, relaie la presse helvétique.

Moins souvent évoquées dans l’équation, les cantines, qu’elles soient scolaires ou professionnelles, présentent également un danger aussi important que les restaurants, et tout particulièrement les selfs, qui encouragent la mobilité et les interactions. « Ce sont des centaines de personnes qui y mangent ensemble. Même s’il y a très peu d’informations dessus, il y a probablement un nombre important de personnes [qui y sont] contaminées », ajoute Mahmoud Zureik.

« Le virus circule encore partout »

La question de la réouverture de ces établissements est donc prématurée, estime Catherine Hill. « A la limite, la question se pose pour les librairies, mais si vous commencez à ouvrir pour un commerce, cela ouvre des discussions sans fin. La vérité, c’est que le virus circule encore partout, il y a encore 400 nouveaux patients qui arrivent en réanimation tous les jours et on veut rouvrir les restaurants, qui vont accroître les risques de contamination ? Ce n’est pas sérieux. »

Un avis partagé par le professeur en épidémiologie et en santé publique de l’université de Versailles Saint-Quentin : « Je comprends que d’un point de vue économique, c’est dur, et il faut que l’Etat les soutienne massivement, sinon ils sont morts. Mais d’un point de vue sanitaire, la fermeture des bars et des restaurants se justifie. Si on rouvre progressivement les vannes, il faut rouvrir ces établissements en dernier. »

Entre l’effet des attentats de 2015, le mouvement des « gilets jaunes » et les manifestations contre la loi de réforme des retraites, les trésoreries des établissements de restauration avaient déjà débuté l’année au plus bas. L’Union des métiers des industries de l’hôtellerie a annoncé son intention de déposer un recours, qui devrait être finalisé « avant le 20 novembre ». Selon le premier syndicat patronal du secteur, « deux établissements sur trois craignent de fermer définitivement d’ici la fin de l’année ».

 

Source Le Monde 

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