La grève vue par les touristes à Paris : « Chez vous, on écoute ceux qui braillent le plus »

La grève vue par les touristes à Paris : « Chez vous, on écoute ceux qui braillent le plus »

Martine, Suisse de 58 ans, fait partie des touristes en visite dans la capitale alors que la grève contre la réforme des retraites s’éternise.

 Les manifestations et les grèves n’ont pas perturbé les vacances de Martine, touriste suisse.
Les manifestations et les grèves n’ont pas perturbé les vacances de Martine, touriste suisse. LP/Arnaud Dumontier

La France, terre officielle des Droits de l’Homme, des fromages et du bon vin, de la mode, des râleurs… Et donc des grèves à rallonge comme des « manifs ». Les clichés ont la vie dure. Il faut dire que, depuis 35 jours consécutifs, notre pays, en proie à une contestation historique face à la réforme du système des retraites, apporte de l’eau au moulin des amateurs de stéréotypes. Auprès des touristes que nous avons interrogés, l’Hexagone fait, en la matière, office d’exception pour ne pas dire d’ovni social, imprégné par ce que les détracteurs des manifestations à répétition appellent la « gréviculture », cette culture de la grève.

Devant l’Arc de Triomphe, ce mercredi, Saki et Kana, deux Japonaises de 21 ans, s’offrent un selfie. C’est loin d’être le seul souvenir qu’elles garderont de Paris. Leurs jambes peuvent en témoigner. « À cause de la grève, on n’arrête pas de marcher », soufflent les demoiselles de Kyoto venues étudier en Europe. À l’instar de nombreux touristes croisés ce mercredi matin sur les Champs-Élysées, elles ne sont pas « très surprises » par l’ampleur et la durée de la fronde sociale car « les Français expriment leurs opinions et ça fait partie de l’Histoire du pays ». Mais comme, aussi, la plupart des autres visiteurs en provenance de tous les continents, elles n’imaginent pas un tel scénario sur leurs terres. « Au Japon, les ouvriers suivent leur patron, ils sont très attachés à leur entreprise. L’image qu’on a de la manifestation est violente », décrivent-elles.

Les raisons de la colère sont parfois floues aux yeux des globe-trotteurs. « C’est les Gilets jaunes, c’est ça? C’est pour l’augmentation des salaires? » se demande, avec un train de retard, Khalad, 40 ans, d’Arabie Saoudite. Martine, 58 ans, une Suissesse qui réside non loin de Genève est, elle, au courant de la lutte contre la réforme des retraites conduisant aux blocages depuis plus d’un mois. « Chez nous, on aurait trouvé une solution, on privilégie le consensus. Chez vous, on n’écoute pas la majorité silencieuse mais ceux qui braillent le plus. Vous ne pensez pas aux déficits! On a l’impression que les Français, qui donnent toujours des leçons, ne défendent pas les droits de tout le monde mais que chacun défend son bifteck », avance cette ancienne factrice « en reconversion » qui n’a jamais fait grève.

Pour elle, les frondeurs ne sont pas les bienvenus au travail. « Dans une équipe, si quelqu’un est braillard comme le Français, il est mis dehors car il pourrit l’ambiance », prévient-elle. Pour l’heure, la grève qui s’éternise n’a pas perturbé son séjour. Au contraire. « À l’aller, mon TGV a été annulé mais on m’en a proposé un autre en première classe avec nappe blanche et champagne », savoure-t-elle.

La grève et la baguette, des clichés français

Pour les deux Argentines Carolina et Nazarena, l’image d’une nation « rebelle » colle à la peau de l’Hexagone. LP/Arnaud Dumontier
Pour les deux Argentines Carolina et Nazarena, l’image d’une nation « rebelle » colle à la peau de l’Hexagone. LP/Arnaud Dumontier  

Pour le Saoudien Khalad, « c’est normal d’avoir des grèves quand on est dans une démocratie ». « J’aimerais avoir ce droit. Il a fallu plusieurs siècles à la France pour l’obtenir. Je pense que ça viendra un jour en Arabie Saoudite. Mon pays est très jeune », précise-t-il. Marco, 34 ans, boucher italien de Turin habillé très chic, applaudit « la mobilisation » même s’il doit prendre des taxis qui lui coûtent « plus d’argent et de temps » que les métros. « Il y a un esprit français de contestation qui fait avancer les choses. Et quand le peuple ne veut pas d’une réforme, il fait corps », souligne-t-il.

« La Révolution est passée par là, on aime les gens qui s’engagent », s’enthousiasment Harry et Zenia, un couple d’étudiants de 20 ans de Dublin (Irlande). Pour les deux Argentines Carolina, 24 ans, étudiante en psychologie et Nazarena, 26 ans, prof de sport, l’image d’une nation « rebelle » colle à la peau de l’Hexagone. « La France a toujours été mobilisée sur le plan social. En Argentine, on peut avoir deux jours de grève dans les transports mais pas un mois », comparent-elles.

Pour trouver un équivalent de conflit social à la française dans son pays, Brett, commercial de 59 ans de Brisbane, en Australie, est obligé de faire appel à sa mémoire. « Pour moi, c’est celui des dockers il y a 25 ans », se souvient-il. Pour certains touristes, la grève fait partie des clichés sur la France, au même titre que la baguette. Mais d’autres se méfient des stéréotypes. « En Australie, on dit que les Français sont arrogants et qu’ils sont malpolis avec les touristes. C’est faux, on est très bien accueillis malgré la grève », remercie Greg, 52 ans, un Australien de Melbourne. « La France est d’abord un pays créatif et romantique », apprécie, du haut de son 1m96, l’Américain Matthew, 29 ans, médecin à Chicago.

33 jours de grève et la cohue persiste dans le métro

 

Source Le Parisien

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