100% de la Restauration fait du Black ?

Avec le « cash » que le fisc n’aura pas, les gérants dévoilent les astuces de la restauration, se payent essence et loisirs.

100% de la Restauration fait du Black ?

 

Le travail illégal fragilise les fondements de notre économie et de notre modèle social. Tous non, les groupes et certains irréductibles n’y ont pas recourt.

 100% de la Restauration fait du Black ?

Les phénomènes de fraude décelés recouvrent schématiquement trois réalités :
– la fraude de faible intensité, notamment liée aux activités saisonnières, détournements de l’entraide familiale ou du bénévolat, dévoiements du statut de l’auto-entrepreneur,
– les situations usuelles de travail dissimulé dont l’infraction caractérisée relève de la minoration d’heures, la dissimulation partielle ou totale d’activité et/ou de salariés,
– la fraude majeure pouvant, par la complexité du mécanisme, être liée à des enjeux financiers élevés et/ou une dimension internationale.

Des approches spécifiques
La branche agit à plusieurs niveaux en adoptant pour chacune des situations observées une approche spécifique. D’une part, elle poursuit le renforcement des contrôles dans tous les secteurs d’activités, en améliorant de manière continue la qualité de ciblage des entreprises à contrôler et en orientant ses actions de contrôle vers les situations identifiées « à risque ». Une démarche qu’elle conjugue avec une politique active de prévention, pour afficher sa visibilité sur tout le territoire et lutter ainsi contre les fraudes de faible intensité. D’autre part, elle intensifie les coopérations et le partenariat avec différents organismes et experts comme l’Office Central de Lutte contre le Travail Illégal, les Direccte, les directions du contrôle fiscal, des universités et le secteur de la recherche,… pour lutter contre la fraude à grande échelle, caractérisée par des enjeux financiers élevés et des montages et organisations de plus en plus sophistiqués.

Un progrès continu
Le montant des redressements liés à l’activité déployée en matière de lutte contre le travail dissimulé s’élève à plus de 400 millions d’euros. Soit un tiers des redressements globaux. En hausse très significative : + 37% par rapport à 2013.

Les projets législatifs et réglementaires sont venus successivement enrichir le corpus juridique de la lutte contre la fraude. Ces mesures procèdent en effet de la volonté des pouvoirs publics de renforcer les actions de contrôle en favorisant, dans les situations frauduleuses constatées, la mise en œuvre de dispositifs de sanctions financières renforcées. En 2014, les corps de contrôle de la branche recouvrement ont procédé à 2 546 annulations de réductions et exonérations par exemple.

Observateur averti de la fraude aux finances publiques
La branche Recouvrement est un observateur averti de la fraude aux finances publiques. Afin d’évaluer son ampleur, elle déploie depuis plusieurs années une démarche pragmatique de terrain, visant à disposer d’une quantification et d’une mesure de sa prévalence sur l’ensemble du territoire. Cette démarche, réalisée par secteur d’activité socio-économique sur la base de contrôles aléatoires, lui permet d’agréger progressivement les données. Elle en publiera une première estimation en 2015. L’amélioration constante de nos méthodes et résultats constitue plus que jamais un objectif majeur qui s’inscrit dans un enjeu de finances publiques crucial.

Avec le « cash » que le fisc n’aura pas, certains gérants de petits établissements, dévoilent les astuces de la restauration.
Une vérité: « 100% de la restauration fait du black. »

Leur analyse est plus dramatique que celle de Controle et lutte contre la fraude 2014 (Acoss). La semaine dernière, la caisse nationale des Urssaf a publié un rapport thématique sur le travail illégal en France, et estimé :

« En 2011, les informations recueillies ont permis de mettre en évidence un taux national de fraude détectée de 7,3% des établissements contrôlés et un taux de dissimulation de 2,4% des salariés auditionnés. »

Premier secteur sur la liste noire des Urssaf : les hôtels, cafés et restaurants, où 5,8% des salariés auditionnés sont concernés par le travail au noir.

Que disent certains professionnels Malveillants :« On le fait parce qu’on peut le faire »

Certains exploitant en restauration n’ont aucun scrupule : pour eux, les taxes « sont un obstacle à la création d’entreprise ». Selon eux, quand on prend un commerce comme un bar, le black va forcément avec :

Dès le début, ils savaient qu’ils allaient faire du black. Avec se discours: » Si tu n’en fais pas, tu ne gagnes pas ta vie ou alors tu as le même salaire que tes employés. Cela fait partie de l’intérêt de monter une affaire, donc on le fait parce qu’on peut le faire ».

Le « cash » ne laisse pas de traces

Les autres, bars ou restaurants, profitent de deux choses :

les clients paient beaucoup en liquide, ce qui ne laisse pas de traces (c’est de moins en moins vrai pour les clients des restaurants, qui paient en Ticket-Restaurant ou par carte bancaire) ;
lesapprovisionnements et les marges d’erreur permettent de frauder, sans que le fisc ne s’en aperçoive, sur les registres des achats et des stocks. On « tolère » environ 15% de marge d’erreur pour un bar : un « shot » est censé contenir 4 cl d’alcool mais un serveur peut se tromper, en renverser, casser une bouteille, etc.
D’autres estiment à 20% la part dissimulée de leur chiffre d’affaires :

Discours:« Si on veut éviter d’alerter le fisc, tout le monde sait qu’il ne faut pas cacher plus que 15% à 20% de notre chiffre d’affaires. Mais dans la profession, certains montent à 50%. »

Dessous de table à l’achat du fonds de commerce

La plupart du temps, les vendeurs exigent une partie en liquide.

« Il faut savoir que lorsqu’on achète une affaire, il y a des dessous de table car la plus-value du vendeur est soumise à l’impôt. Si j’achète un bar 500 000 euros par exemple, je devrais donner parfois 20% de la somme en cash directement au propriétaire.

La « boîte noire » des caisses enregistreuses

« Seule contrainte : que le client paie en espèces »

Dissimuler son chiffre d’affaires et/ou ne pas déclarer des employés, cela ne semble pas très compliqué.

Pour payer cash des salariés, il faut avoir de l’argent non-déclaré.

« On déclare un chiffre d’affaires mensuel qu’on envoie à notre comptable. C’est un ticket de caisse qui révèle toute l’activité du bar sur le mois. Les ventes, les offerts, les encaissements, etc.

Sauf que notre caisse permet de dissimuler une partie du chiffre d’affaires pour éviter qu’un contrôle fiscal révèle la fraude. »

C’est cette « boîte noire » des caisses enregistreuses qui facilite tout. Personne, sauf le patron, ne peut y accéder, et pourtant tout le monde semble connaître cette fonction des caisses. Jérôme :

« Tous les commerces sont obligés de s’équiper d’une ou plusieurs caisses pour tout tracer. Lorsqu’on s’est équipés, le PDG de la boîte est venu en personne nous apprendre pendant plus d’une heure à utiliser la caisse factice qui permet de ne pas tout déclarer.

Mais c’est quelque chose de connu et puis les vendeurs de ces caisses mettraient la clé sous la porte s’ils n’avaient pas prévu ce système. »

Un programme caché sur clé USB

Jean-Baptiste – le prénom a été modifié –, informaticien et programmeur de logiciels, a surfé sur ce filon il y a plus de quinze ans :

« Certains restaurants n’étaient pas équipés de caisses homologuées alors que cela devenait obligatoire. J’ai monté un logiciel qui permettait d’avoir une double comptabilité. On pouvait revenir sur les factures et les modifier, ou même modifier la numérotation des tickets de caisse. Seule contrainte : que le client paie en espèces. »

Aujourd’hui, tous les plus grands groupes exploitent ce stratagème. Un ancien responsable d’une grande chaîne de restaurants à Paris témoigne :

« A chaque fin de journée, je devais rentrer toutes les feuilles de caisse (détail des dépenses et des rentrées d’argent de la journée) de chaque serveur dans un ordinateur.

On avait un programme qui devait toujours rester sur une clé USB, jamais sur le PC, et qui calculait automatiquement la part de black qui revient au patron (que nous glissions au coffre) et la part à déclarer. Nous avions l’interdiction d’enregistrer quoi que ce soit sur le PC. »

Se ravitailler au supermarché du coin…

… plutôt que chez le grossiste pro

Un bon moyen de faire rentrer du cash pour l’employeur est de s’approvisionner au noir.

Un commerçant qui se fournit chez le grossiste alimentaire Metro a une carte commerçante qui l’empêchera d’acheter des stocks sans les déclarer. Mais il peut utiliser son espèce pour aller au supermarché du coin et se ravitailler.

Ne pas mettre l’argent non-déclaré à la banque…

… mais « payer l’essence, les courses, les loisirs »

Reste évidemment à ne pas mettre l’argent non-déclaré à la banque. En cas de mouvement suspect sur le compte, la banque peut alerter le service Tracfin qui peut poursuivre son client.

« L’argent au noir, c’est notre complément de salaire. On va payer l’essence, les courses et nos loisirs. Ce n’est pas mirobolant non plus. »

Déclarer ses employés « un minimum »

« Au lieu de le faire travailler quatre heures comme indiqué, il travaillera six ou sept heures »

Ne pas déclarer l’intégralité du salaire d’un employé reste compliqué en cas de contrôlé inopiné de l’Ursaff.

Le rapport de l’Acoss donnait d’ailleurs une précision de taille :

« Il est vraisemblable qu’une grande partie des travailleurs dissimulés soient présents dans l’établissement durant le week-end ou très tôt le matin (période pendant laquelle les contrôles n’ont pas lieu). »

On fait une DUE [déclaration unique à l’embauche] pour montrer en cas de contrôle qu’il n’y a pas de volonté de dissimulation, mais au lieu de faire travailler l’employé quatre heures comme indiqué, il travaillera six ou sept heures. »

Selon les deux patrons, ce stratagème est le « seul moyen » pour eux de pouvoir payer leurs employés 10 euros de l’heure.

Faire passer pour des clients ceux qu’on n’a pas déclarés

… en cas de contrôle

La crainte du contrôle des inspecteurs reste tout de même présente. Certains restaurants n’hésitent pas à établir un véritable plan d’action. A Montparnasse, Karim, serveur dans une brasserie, sait ce qu’il doit faire dans ce cas :

« On a déjà eu la visite des inspecteurs et comme je ne suis pas déclaré, dès que j’ai entendu qu’il y avait un contrôle, j’ai posé mon plateau et me suis assis à une table comme un client lambda.

Dans mon vestiaire, je n’ai pas d’étiquette sur mon casier pour éviter qu’on trouve un nom sur un casier qui n’est pas inscrit dans le registre du personnel.

Et si jamais je me fais prendre, on m’a dit de dire que j’étais en journée d’essai et que j’avais oublié mes papiers pour me faire déclarer. »

« Le black, ça fait tourner l’économie »

« les grosses boîtes »qui dégagent beaucoup de bénéfice et qui pourraient très bien se passer de la fraude ;
les petits commerces qui « n’ont pas le choix ».
Un patron à Montmartre tient à se justifier de produire, lui aussi, un chiffre d’affaires non-déclaré :

« Le black, c’est moralement condamnable et je le comprends, mais ça fait tourner l’économie. Et puis, si on n’en fait pas, on coule. J’ai la TVA à 20% pour l’alcool, l’impôt à 33,3% et toutes les charges sur les employés.

Au moins, je paye mieux mes employés, ils peuvent donc plus consommer. Et je ne ferme pas mon affaire, je fais marcher des fournisseurs, etc. »

Jérôme pense que son affaire n’aurait pas pu ouvrir sans cet argent au noir :

« Au début, on a tout à payer et tout à rembourser. On ne pouvait pas faire autrement. Après, dans le temps, ce sera peut-être une question de facilité : plus on a, plus on prend.

C’est comme la baisse de la TVA, combien de restaurants ont baissé leurs prix ou embauché ? »

CNLTI_du_12_fevrier_2015au menu du projet de loi de finances pour 2016

Sécurisation des logiciels de caisse et transparence en matière de prix de transfert sont les principales mesures envisagées par le projet de loi de finances 2016 pour les entreprises.

Le projet de loi de finances pour 2016 a été présenté en Conseil des ministres mercredi dernier. La lutte contre la fraude fiscale est une nouvelle fois au cœur des mesures intéressant les entreprises. Présentation.

Sécurisation des logiciels de caisse

Afin de limiter la fraude à la TVA, le projet de loi prévoit l’obligation pour les entreprises qui utilisent un logiciel de caisse de s’équiper d’un logiciel sécurisé d’ici le 1er janvier 2018. Ce logiciel devra satisfaire à des conditions d’inaltérabilité, de sécurité, de conservation et d’archivage des données permettant d’empêcher tout effacement de transaction a posteriori.

Les entreprises devront être en mesure de justifier l’utilisation de tels logiciels, sous peine d’encourir une amende fiscale de 5 000 € par logiciel. Cette justification pourra être apportée par une attestation d’homologation, établie par un organisme accrédité ou l’éditeur du logiciel.

Précision :l’administration fiscale pourra intervenir, de manière inopinée, dans les locaux de l’entreprise pour vérifier la détention de ces attestations. À défaut de présentation des attestations, outre l’amende, l’entreprise aura 60 jours pour se mettre en conformité.

Transparence des prix de transfert

Les grandes entreprises doivent déclarer, chaque année, à l’administration fiscale une version allégée de leur documentation en matière de prix de transfert. Le projet de loi propose, à partir de 2016, que cette déclaration soit obligatoirement transmise par voie électronique et que, dans le cadre des groupes fiscaux intégrés, la déclaration de chaque société membre soit souscrite par la société mère.

Suppression de la réduction d’impôt vélos

Avant même sa mise en œuvre prévue au 1er janvier 2016, le projet de loi envisage de supprimer la réduction d’impôt sur les sociétés dont devaient bénéficier les entreprises mettant à disposition gratuite de leurs salariés une flotte de vélos pour leurs trajets domicile-lieu de travail.

À savoir :le projet de loi ne prévoit pas de proroger la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés qui s’appliquera au titre des exercices clos jusqu’au 30 décembre 2016. Rappelons que cette contribution, assise sur l’impôt sur les sociétés, est due au taux de 10,7 % par les entreprises dont le chiffre d’affaires excède 250 M€.

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