L'égalité des sexes dans la restauration : illusion ou réalité ?

Les récentes violences commises au sein même des restaurants étoilées français montrent que le chemin est encore long, et que cette forme de sélection naturelle par les brimades et pratiques humiliantes n'appartient toujours pas au passé.

L’égalité des sexes dans la restauration : illusion ou réalité ?

 

À l’heure actuelle, ce sont les hommes qui, en grande majorité, sont nommés chefs dans les grands restaurants à travers le monde. Mais c’était sans compter l’aplomb de la jeune cuisinière irlandaise, Jess Murphy, qui entend bien remédier à ce problème séculaire…

L'égalité des sexes dans la restauration : illusion ou réalité ?

” La voix des femmes doit être entendue ”

Jess Murphy, la propriétaire du Kai Café & Restaurant à Galway, une jolie ville de la côte Ouest irlandaise, est très estimée en Irlande. Aussi bien pour les prix qu’elle a reçus – au nombre duquel le reconnu « Irish Restaurant Awards » – que pour ses récentes déclarations sur le débat, né sur twitter en mai dernier, portant sur l’égalité professionnelle homme-femme à la tête des restaurants.

Ce mardi 19 juillet, démarre sous l’égide de la jeune chef une conférence nationale en Irlande centrée sur la promotion des femmes dans le monde de la cuisine. Elle s’est pour cela inspirée du Forum Parabere, une organisation internationale non-profit qui rassemble les femmes du monde entier pour discuter gastronomie et carrières.

Et sur l’initiative de celle qu’on qualifie désormais d’« inspirational leader », des données sur les chefs cuisnières irlandaises ont pu être collectées, mises à disposition des journalistes et intégrées à la liste des 5 000 chefs cuisnières à travers le monde. Ainsi, un cercle vertueux pourrait se mettre bientôt en place : si l’un des restaurants voit son voisin prendre à sa tête une femme reconnue grâce au classement, il y a de fortes chances pour qu’il fasse de même…

L'égalité des sexes dans la restauration : illusion ou réalité ?

Une inégalité qui ne date pas d’hier

Historiquement, la cuisine a joué un rôle crucial dans la construction des valeurs de féminité et de masculinité, et ce au détriment des femmes. Malgré les avancées sociales et culturelles, ces dernières sont, aujourd’hui encore, supposées savoir cuisiner parce qu’elles demeurent avant tout des « mères nourricières ». Dès lors, il semblerait logique que la prédominance des femmes dans la sphère familiale se reflète dans le champ professionnel, mais c’est loin d’être le cas : à ce jour, seulement 10% d’executive chefs aux États-Unis sont des femmes (1), et les restaurants continuent d’être dominés par les hommes. Comment expliquer ce paradoxe ?

L'égalité des sexes dans la restauration : illusion ou réalité ?

La chef cuisinière Jess Murphy dans son restaurant à Galway, en Irlande.

Le manque cruel de femmes dans la restauration s’expliquerait d’abord par un décalage dans le temps : en effet, les femmes n’ont été que très récemment – deuxième moitié du XXe siècle – encouragées à poursuivre une carrière professionnelle. En second lieu, cette disparité homme-femme nous ramène directement à l’histoire militaire où, en temps de guerre, les hommes étaient censés savoir cuisiner. Dans cette atmosphère hiérarchique entièrement masculine, les valeurs de machisme, les blagues à caractère sexuelles ainsi que les discriminations à l’égard des femmes se sont développées, à tel point que depuis des décennies, voir des siècles, les hommes ont pris le contrôle des cuisines, distanciant par là leur travail de celui de la simple cuisine à la maison.

L’animosité en cuisine est vite devenue un leitmotiv, où les marques d’opprobre ressemblent à des rites de passage. Les récentes violences commises au sein même des restaurants étoilées français montrent que le chemin est encore long, et que cette forme de sélection naturelle par les brimades et pratiques humiliantes n’appartient toujours pas au passé.

(1) Rebecca Flint Marx, “Plenty of female chefs run New York City’s kitchens. So why are men getting all the fame?” (15 January 2009)

 

Le Figaro Madame

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