J'ai été testeur d'hôtels de luxe : un métier de rêve, mais épuisant

Tenir un hôtel est un travail de titan et je connais maintenant l’envers du décor. Je serais toujours plus sensible à un petit détail ou à une attention discrète de la part de l’hôtel qu’à une clim' en panne ou une absence de room service.

J’ai été testeur d’hôtels de luxe : un métier de rêve, mais épuisant

 

Quand il ne boit pas ses repas pour gagner du temps, Dorian Bardavid voyage dans le monde entier. Une passion qui lui a permis de s’essayer, par deux fois, à un job de rêve : testeur d’hôtels de luxe aux quatre coins du globe. Prague, Budapest, Venise, Dublin, Ljubljana ou encore New Delhi, l’aventurier a dormi dans les plus belles chambres du monde. Témoignage.

 

J'ai été testeur d'hôtels de luxe : un métier de rêve, mais épuisant

Dorian Bardavid avec les gérants d’un hôtel du Rajasthan, au nord-ouest de l’Inde. (Dorian Bardavid)

Ce témoignage, initialement publié le 30 août 2015, a été mis à jour dans le cadre de la rétrospective estivale de la rédaction du Plus.

Suite avec vue sur mer, room service quatre étoiles et piscine à débordement, j’ai été testeur d’hôtels pendant plus d’un an. Ce métier de rêve m’a permis de vivre ma passion des voyages, de faire mes stages en entreprise et même d’être embauché par une agence de voyage en Inde.

Boulimique de nouvelles expériences

J’ai eu la chance de m’essayer à ce métier en 2008, alors que j’étais stagiaire en communication au sein de la rédaction d’un média pour expatriés à Prague. Le journal recommandait une sélection d’hôtels à ses lecteurs.

Pour les tester, j’étais envoyé sur place et je revenais avec un article rempli d’informations, tant sur l’établissement (chambres, restaurant, piscine…), que sur la qualité des services et des extras proposés (room service, minibar, activités…).

Prague, Budapest, Venise, Berlin, Vienne, Cracovie, Dublin, Ljubljana, j’ai fait le tour de l’Europe grâce à ce stage. Ma curiosité était satisfaite tous les jours et je n’en revenais pas de vivre autant d’expériences excitantes et enrichissantes au quotidien.

Testeur mais pas profiteur

Malgré ce que mon entourage semblait penser, ce n’était pas des vacances, c’était même plutôt épuisant.

D’abord, nous faisions ces tests sur nos jours de congés, il fallait donc travailler le reste de la semaine et partir à l’aventure le week-end.

Ensuite, il n’était pas question d’arriver dans une suite, de se la couler douce en grand seigneur et de repartir après avoir descendu une dizaine de bouteilles de champagne dans le jacuzzi de l’hôtel.

Généralement, nous avions tout juste le temps de prendre un petit déjeuner avant de partir à la découverte des bâtiments et à la rencontre du personnel et des gérants.

Un ressenti plus que des notes

Nous ne donnions pas de note aux hôtels mais des appréciations globales.

Loin des notations étoilées classiques, nous étions davantage sensibles à l’histoire des bâtiments, à la gentillesse du personnel et aux petits détails, ceux qui font qu’un voyageur se sent chez lui dans une chambre qui ne sera la sienne que pendant quelques heures.

La question que je me posais en boucle : est-ce que je me sentirais bien ici si je ne connaissais pas du tout la ville et que je venais d’arriver, après une demi-journée dans un avion ? Il fallait donc constamment se mettre à la place du client type. Pas si facile.

Les heures passées dans les transports et le dépaysement quotidien étaient éreintants mais je n’avais qu’une hâte : recommencer l’expérience. Ce que j’ai fait deux ans plus tard.

J’ai parcouru l’Inde dans tous les sens

À la fin de mes études, j’ai choisi de partir travailler en Inde, à New Delhi, pour une agence de voyage. Cette fois, les tests d’hôtels étaient partie intégrante de ma mission. Je m’en réjouissais d’avance.

Je n’ai pas été déçu. Après trois mois dans l’entreprise, j’ai été embauché en contrat local durant un an. Je gagnais 1000 euros par mois, soit une fortune pour l’Inde (environ l’équivalent de 5000 euros en France), et j’avais un loyer de 50 euros. Pas mal pour vagabonder d’hôtel de luxe en auberge !

Entre 2010 et 2011, j’ai donc parcouru l’Inde, aux frais de ma boîte, pour tester les hôtels atypiques et auberges de jeunesse que les agents de voyage vendaient à nos clients.

L’agence pour laquelle je travaillais vendait des voyages sur-mesure. Le but était donc de classer les établissements du plus luxueux au plus abordable selon des critères que nous avions définis afin d’orienter au mieux notre clientèle diversifiée et de vérifier que les établissements étaient bien toujours aux standards que nous avions définis.

Pendant un an, à raison de cinq jours tous les deux mois, je faisais la tournée des hôtels avec un collègue. Fini les trips entre potes, nous ne restions jamais plus d’une nuit et nous devions impérativement remplir une fiche détaillée pour rendre compte de la qualité de l’hôtel.

Je ne voulais surtout pas être traité en grand seigneur

Du jus d’orange pressé à la qualité du lit en passant par l’attitude du personnel, nous passions tout en revue avec beaucoup d’attention. Nous étions là davantage pour trouver le meilleur couple hôtel-client que pour juger un établissement.

Cette nuance échappait parfois à certains gérants, qui se donnaient un mal fou pour nous cacher leurs vilains secrets. Je me souviens par exemple d’une visite où tout était fait pour que nous ne voyions uniquement les bâtiments rénovés et pas les plus anciens. Nous leur avons alors expliqué nous voulions tout voir afin de pouvoir proposer les deux bâtiments à nos clients, en fonction de leurs exigences. Finalement, on a pu voir l’intégralité du complexe hôtelier.

Dans le même genre, je me souviens avoir été particulièrement mal à l’aise lors d’une visite dans un hôtel de luxe.

J’avais à peine franchi le seuil de l’établissement que quatre personnes sont venues juste pour servir un thé : une personne pour la tasse, une autre pour l’eau bouillante, encore une pour le sachet de thé, et même une dernière pour le sucre ! Résultat : l’opération a pris plus de 20 minutes. J’ai donc expliqué au manager que l’efficacité du service ne se mesurait pas au nombre d’intervenants.

D’ailleurs, il m’est arrivé de revenir en vacances dans des lieux que j’avais extrêmement bien notés. Pourtant, je ne me suis jamais fait inviter par l’hôtel. J’ai toujours payé ma chambre mais en bonus j’avais un cocktail d’arrivé ou d’autres extras (comme conduire un tracteur) et surtout le bonheur de revoir les gérants tous plus passionnés par leur établissement.

Une passion propre au genre d’hôtels que je testais, toujours des petites ou moyennes structures pleines de charme et de caractère, loin des chaînes de 500 chambres. Pour moi, c’est ça le vrai luxe, pas un écran plasma douze pouces et une piscine de la taille d’un stade de foot. Les Hilton sont les McDo de l’hôtellerie et je fuis autant l’un que l’autre.

Le luxe est ailleurs

Aujourd’hui, de retour à la réalité métro-boulot, il m’arrive de trouver mon quotidien professionnel sédentaire et un peu fade. Je passe maintenant la majorité de ma journée derrière un écran d’ordinateur à Paris.

Je garde un excellent souvenir de ces deux expériences professionnelles plus qu’enrichissantes. Elles ne m’ont d’ailleurs pas laissé indemne, lorsque je pars en vacances, je sais exactement ce qui va me plaire et comment trouver un bon rapport qualité prix. Je suis mon propre agent de voyage en quelque sorte.

Je suis devenu plus exigeant mais également plus compréhensif.

Tenir un hôtel est un travail de titan et je connais maintenant l’envers du décor. Je serais toujours plus sensible à un petit détail ou à une attention discrète de la part de l’hôtel qu’à une clim’ en panne ou une absence de room service.

La preuve ? Je me souviens encore du nom de l’hôtel où ma chambre possédait sa douche privée en extérieur mais pas de ceux où j’ai pu constater de légères anomalies.

Propos recueillis par Barbara Krief.

NouvelObs

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