Hôtel, l’aire du sanitaire (1/2) – Label au lobby

Hôtel, l’aire du sanitaire (1/2) – Label au lobby

La crise du coronavirus fait entrer les hôtels dans une nouvelle ère, celle de la réassurance du client en général, du voyageur d’affaires en particulier, sur la qualité des conditions sanitaires qu’ils s’engagent à fournir.
Avant de nous intéresser au défi qui consiste à faire rimer hospitalité et sécurité, nous revenons, dans le premier volet de cet article, sur la mise en place de ces dispositifs, de l’établissement du protocole HCR jusqu’à son déploiement dans les établissements.
Hôtel, l'aire du sanitaire (1/2) - Label au lobby

Tout a commencé par la déferlante Covid-19 et les mesures de confinement qui, selon les situations sanitaires locales, furent mises en place pays après pays, dans le monde entier. On le sait, en France, c’est le 17 mars 2020 que le confinement strict est imposé. Ce qu’on sait moins, c’est que les établissements hôteliers n’y ont jamais été soumis. Même le chef de l’Etat s’y est laissé prendre : dans son allocution du 13 avril, il avait expliqué que «les lieux rassemblant du public, restaurants, cafés et hôtels (…) resteront en revanche fermés à ce stade».

Il est vrai qu’un hôtel vide de client se doit de se vider de son personnel aussi, pour des raisons économiques évidentes : de fait, rapidement, on estime que 75 à 85 % des 18.000 hôtels du territoire national ferment. Mais, déjà, le déconfinement et la réouverture au public – en un mot : la reprise, est dans toutes les têtes. Condition qu’on espère suffisante et qui sera de toute façon nécessaire : elle devra se faire en suivant des consignes sanitaires dûment décrites, scrupuleusement appliquées.

Accor aux commandes

Pour établir les mesures à mettre en œuvre, le groupe Accor prend le lead dans les échanges, qu’on imagine distanciels, avec les différents ministères concernés – Santé, Travail et Tourisme. Discussions entre organisations professionnelles et autorités gouvernementales, consultation des organisations syndicales de salariés, recueil des avis du Haut Conseil de la Santé Publique, validation des Directions générales de la Santé et du Travail… Le processus aboutit à un protocole sanitaire – qui concerne les hôtels mais aussi les cafés et restaurants (HCR), soit 250.000 établissements – qui trouve son expression juridique définitive dans le décret du 31 mai 2020. Il était temps : la première phase de déconfinement avait débuté depuis 20 jours.

L’affaire a pourtant été menée aussi prestement que possible par deux représentants éminents du groupe Accor : Sébastien Bazin, son PDG, et Franck Gervais, son DG Europe. Leur travail a été salué par l’ensemble de l’industrie, pourtant certains de ses acteurs sont moins prompts à s’en enthousiasmer. Quid de l’indépendance des négociateurs ? Ziad Minkara, DG du HBT (Hotel booking tool) CDS Groupe, rappelle qu’ “Accor a collaboré avec l’ensemble des associations professionnelles ainsi qu’Atout France”, ce qui relativise cette première réserve.

Cascade

Le même d’ajouter : “On peut imaginer que, vu la situation, le marché se consolide, qu’on assiste à l’acquisition d’un nombre plus important d’hôtels indépendants par des chaînes. Le fait d’avoir travaillé pour toute la profession lors de l’élaboration du protocole peut être favorable à Accor si des opportunités se présentent. Mais soyons précis : ces opportunités qui pourraient s’offrir à Accor comme à d’autres chaînes, peuvent tout autant constituer une opportunité pour un indépendant rendu exsangue par la crise…

Et, encore une fois, les organisations professionnelles concernées (UMIH, GNI, GNC) ont soutenu la démarche. L’hypothèse fictionnelle peut rendre compte de la paradoxale faiblesse du puissant : que n’aurait-on dit si un leader tel qu’Accor était resté en retrait sur un dossier si essentiel pour l’ensemble de la profession… Il a fait le job. Dès lors, on entrait dans une nouvelle phase : aux chaînes et aux indépendants de s’emparer du texte et de le faire “cascader” sur leur(s) établissement(s).

Contre-la-montre

La phase 2 du déconfinement débute le 2 juin : la règle des 100 km a vécu, les entreprises reprennent peu à peu leur activité et, timidement, les déplacements afférents, les Français ont besoin de reprendre l’air après 55 jours de confinement strict et, bien sûr, la période estivale approche. Les directions des chaînes ou des réseaux d’indépendants s’affairent à équiper leurs établissements des masques, gels hydroalcooliques, marquages au sol et autres protections en plexiglas : une course contre-la-montre.

Chaque hôtel doit remobiliser son personnel, souvent au chômage partiel depuis près de deux mois. Et, pour que cette mobilisation advienne, il faut que ces personnels ne courent aucun danger et qu’ils en aient conscience. C’est à eux, dans un premier temps que ce protocole est destiné. C’est le déploiement de la première phase de communication des chaînes et réseaux d’indépendants, avant celle qui s’adressera aux clients.

Aller plus loin

Karim Soleilhavoup, DG du Groupe Logis Hotels : “On a mis en place une formation à distance de nos hôteliers et on a édité un guide de 45 pages reprenant, espace par espace, la mise en place du protocole. Le document est très concret, très opérationnel mais il comporte aussi une dimension pédagogique : pour chaque mesure, on explique le “quoi” et le “comment” mais aussi le “pourquoi”. En plus, nos 25 responsables régionaux (pour 2.150 établissements en France, ndr), qui connaissent parfaitement chaque hôtel de leur territoire, était – et sont toujours – là pour accompagner.

Les dispositifs peuvent varier à la marge mais le mouvement est le même, quel que soit le réseau, quelle que soit la chaîne. Le protocole est rigoureux, pourtant beaucoup de groupes décident d’aller plus loin. Ce sont des jours heureux pour les organismes de certification qui labellisent bien sûr, mais encore participent à l’élaboration des mesures complémentaires. Bureau Veritas pour le label All Safe d’Accor, très souvent SGS pour les autres chaînes internationales (SGS jouissant à l’étranger d’une renommée comparable à Bureau Veritas en France), tels que Carlsson, Radisson ou NH Hotels.

Long processus

Dans ces certains cas, ces certifications s’imposent aux affiliés ou franchisés de la chaîne, c’est le cas chez B&B Hotels avec l’organisme Socotec. Dans d’autres, elles se font sur la base du volontariat, c’est le cas de All Safe chez Accor mais, précise Jean-Charles Delgado, DG France & Europe du Sud du groupe, “Nos hôteliers sont en demande : sur nos 1.200 hôtels ouverts (sur 1.580 en France, ndr), 950 ont confirmé leur volonté d’entreprendre les démarches.”

Dans tous les cas, ces certifications sont obtenues après un contrôle à distance des hôtels puis par une visite sur place; c’est un processus très long. Pour reprendre ces deux derniers exemples, sur les 950 demandes de certification chez Accor, “à date (le 29 juin, ndr) 156 sont labellisés et 218 en cours de labellisation”. Concernant B&B Hotels, son DG Vincent Quandalle précise : “Pour nos 300 hôtels, la procédure s’étale sur 3 ans”. C’est une des raisons pour lesquelles, d’autres ont fait le choix d’un renforcement des règles protocolaires, certes, mais en fonction de normes internes.

Dernière stratégie : s’en tenir au protocole. Solenne Devys, Directrice produit chez OKKO : Je peux vous assurer qu’on ne minimise pas l’importance du sanitaire en cette période. Notre hôtel de la Gare de l’Est a accueilli les personnels de l’hôpital Lariboisière. On a rencontré chaque jour ces personnes, elles nous ont parlé de leur quotidien. On sait. Mais, pour nous, multiplier les mesures n’a pas de sens. Le protocole est déjà très lourd et aussi très coûteux“.

Combien ça coûte ?

Oui, car tout cela a un coût, évidemment. Que la plupart de nos interlocuteurs ont refusé de communiquer. Par souci de confidentialité, avant tout, mais aussi en soulignant l’impossibilité de chiffrer avec exactitude. Pour plusieurs raisons : le coût d’un contrat avec un organisme de certification, facile. Le coût des achats en matériel, facile…

Mais qu’en est-il, par exemple, de l’estimation de la baisse de productivité des personnels qui doivent accomplir des gestes supplémentaires pour nettoyer les chambres ? Même question en cuisine… Et a-t-on pensé, comme le souligne Hugo Rovira, DG de NH Hotel Group, à déduire, au contraire, le gain de temps de nettoyage induit par la condamnation des mini-bars ? Qu’en est-il aussi de ce coût variable, dépendant de la fréquentation de l’hôtel ? Solenne Devys donne des exemples : “Le lavage des couettes et oreillers qui a lieu normalement tous les deux mois et qui, désormais, a lieu après chaque séjour. Nos jarres remplies de biscuits qui ont été remplacées par des biscuits en emballage individuel…

Vincent Quandalle, pourtant, se risque à une estimation, qu’on peut, au doigt mouillé, considérer comme comparable à celle de ses concurrents :Les temps de nettoyage, on les estime supérieurs de 30 à 40 %. Au final, sur une nuitée de 50 €, le coût est estimé entre 3,50 et 4,50 €”. “Des surcoûts, explique Ziad Minkara, qui ne sont pas encore répercutés sur les prix parce que les taux d’occupation sont trop faibles”. C’est clair, pour l’heure, les hôteliers en sont à tenter de remplir leur établissement. Pour le retour à leurs marges ante-Covid, on verra plus tard.

Responsabilité

Ces multiples “assurances anti-Covid” ont avant tout – pas exclusivement, mais avant tout – été mises en place pour les voyageurs d’affaires ou, plus exactement, pour leurs employeurs soumis au duty of care. En effet, comme le rappelle Karim Soleilhavoup : L’hôtel a une obligation de moyen, l’entreprise a, vis-à-vis de son collaborateur, une obligation de résultat”.

Notons qu’en vertu de ce principe, l’hôtel a, lui aussi, une obligation de résultat vis-à-vis de son personnel. Le virus, quand il circule, ne distinguant pas entre clientèle et staff, c’est, d’une certaine façon, une double-assurance pour chacune des deux parties de la population. Et, comme le note Hugo Rovira, “C’est, au final, une responsabilité individuelle, les clients vont et viennent, et nous n’avons pas de contrôle sur ce qu’ils font à l’extérieur. C’est pour ça que je n’aime pas l’expression Covid Free”.

Welcome to the jungle

Reste que cette inflation en termes de normes, labels, chartes, certifications, qu’Audrey Serror, DG de HCorpo, estime à une centaine, pose un vrai problème de lisibilité pour le client. Un enjeu pour les HBT. Pour CDS Groupe, Ziad Minkara explique : Comment remonter l’info et surtout comment la rendre lisible. C’est ce sur quoi, on a travaillé. On en a conclu que le meilleur moyen était de normer. On a identifié 10 points clés des mesures sanitaires et, en fonction de leur respect par l’établissement, on attribue une note sur 10. En complément de cette note, on affiche un conseil pour le client : appeler l’hôtel pour obtenir le détail de ses mesures”.

Autre stratégie chez HCorpo. Audrey Serror : “Nous sommes en train de travailler à la rationalisation de cette offre sanitaire. Il est nécessaire de la rendre plus lisible… C’est un travail de développement énorme – qui sera présenté en septembre – de récolte de l’information auprès des hôtels et d’implémentation. Nous avons pour objectif l’exhaustivité et la simplification. Mais pas de note, ni de couche supplémentaire : pour nous, le HBT n’a pas à évaluer les services des hôteliers“.

Si la lisibilité est un enjeu pour les HBT, il est la conséquence de ce que, manifestement, beaucoup d’acteurs de l’hôtellerie considèrent pour un enjeu pour eux-mêmes : se démarquer. Alors, que faut-il en penser ? Que le sanitaire est devenu un argument de vente ? Et si oui, comment communiquer sur un tel sujet ? Les chaînes ont-elles, en ce domaine, un avantage sur les indépendants ? Et qu’en est-il, dans ce contexte particulier, de l’expérience client ? Toutes ces questions, nous les aborderons dans le deuxième volet de cet article.

 

Source Déplacements Pro 

Partgagez

Plus d'articles

Ecrivez-nous