Une Coupe du monde pour redonner leur grandeur aux sushis

Au total, 27 prétendants concouraient, venus des États-Unis, de Pologne, de Taïwan, d'Espagne... et France

Une Coupe du monde pour redonner leur grandeur aux sushis

 

La Coupe du monde de sushis a eu lieu à Tokyo hier. Vingt-sept maîtres des quatre coins du monde se sont affrontés pour sublimer ce savoir-faire japonais.

Une Coupe du monde pour redonner leur grandeur aux sushis

Un cuisinier participe à la Coupe du monde de sushis à Tokyo le 19 août 2016. Un cuisinier participe à la Coupe du monde de sushis à Tokyo le 19 août 2016. © AFP/ David Mareuil

Alors que les sushis se sont exportés à l’international avec un succès incontestable, les meilleurs spécialistes du monde tentent de défendre un savoir-faire parfois un peu dégradé. Pour le Japon, c’est la réputation de ce mets à base de poisson cru qui était en jeu lors de la Coupe du monde organisée à Tokyo. Les origines des sushis remontent à la période Heian (794-1185) avant leur développement sous leur forme connue en Occident à l’époque d’Edo (1603-1867).

Les restaurants spécialisés en cuisine japonaise, le « washoku » honoré par l’Unesco, essaiment à l’étranger – 89 000 en 2015, contre 55 000 en 2013 –, « mais de nombreux cuisiniers n’ont pas les connaissances et techniques appropriées », déplore Masayoshi Kazato, président de la Coupe du monde des sushis organisée cette semaine à Tokyo. « Beaucoup de gens font leur apprentissage seuls, en consultant Internet et des livres. » Tout comme le gouvernement qui vient de lancer un système de certification pour garantir la qualité des établissements nippons situés en dehors de l’archipel, cet expert espère par l’intermédiaire de cette compétition transmettre le savoir-faire du Japon, « terre sacrée des sushis », en particulier en matière d’hygiène.
« Nos JO à nous »

« Les poissons de la mer contiennent des germes et des parasites. Sans la connaissance des techniques pour les enlever », le risque d’intoxication alimentaire est élevé « quand ils sont servis crus », prévient-il. Pour cette quatrième édition, la France était représentée pour la première fois, par un jeune chef de 31 ans, Éric Ticana Sik. « C’est un peu nos JO à nous », s’amuse-t-il. « Je suis venu pour apprendre, car si l’on est un des pays qui consomment le plus de sushis, je trouve qu’il y a un manque de formation en France. »
Sa spécialité, ce sont « les sushis fusion, revisités » : saumon-brie de Meaux ou boeuf-fourme d’Ambert, un sacrilège pour les palais japonais. Mais ce Français d’origine sino-cambodgienne assume sans complexe, lui qui a découvert les sushis il y a douze ans en faisant la plonge dans un restaurant japonais, avant de créer son entreprise l’an dernier. Très stressé par la première épreuve, consistant à préparer des coquillages et des poissons peu courants, voire absents des tables occidentales – akagai (ark shell), congre et alose –, il a abordé plus détendu la seconde, proposant un agencement de sushis en forme de tour Eiffel. Un clin d’oeil à Paris qui n’a cependant pas suffi à convaincre le jury. Recalé, il espère pouvoir retenter sa chance l’an prochain.

Un Brésilien sacré

C’est un Brésilien d’origine japonaise, Celso Hideji Amano, qui a remporté le trophée vendredi, ému aux larmes. Au total, 27 prétendants concouraient, venus des États-Unis, de Pologne, de Taïwan, d’Espagne… Parmi eux, Usman Khan, un Pakistanais de 32 ans qui travaille dans la prestigieuse chaîne de restaurants Nobu dans la ville sud-africaine du Cap, explique avoir décidé de participer à la World Sushi Cup pour « tester (s)es limites ». « Quoi de mieux que de se mesurer avec d’autres chefs du monde entier, qui plus est au Japon ? » lance-t-il. Son parcours est peu banal. « Je suis du Pakistan, j’ai grandi au Koweït, dans ces deux pays on ne mange que des aliments cuisinés, donc quand j’ai déménagé en Afrique du Sud et que j’ai découvert les sushis, je n’en croyais pas mes yeux ! Au début, j’étais dégoûté, puis, j’ai été intrigué », avant d’être complètement happé, raconte-t-il.
Contrairement à son rival français, lui préfère « les sushis traditionnels aux versions à la mode ». « Si vous avez terriblement envie de sushis, c’est pour l’umami », dit-il, en référence à cette cinquième saveur japonaise qui vient s’ajouter aux quatre sens de base – sucré, salé, acide et amer.

ET LA FRANCE 

Eric Ticana Sik, le chef français roi des sushis
Le chef Eric Ticana Sik à défendu les couleurs françaises à la Coupe du monde de sushi.

Habillé d’une veste de chef brodée à son nom, Eric Ticana Sik peaufine ses recettes, dans sa cuisine, à Bussy-Saint-Georges (Seine-et-Marne).
Ce « chef sushi » de 31 ans, qui prépare la spécialité japonaise chez les particuliers et au sein d’entreprises, telles que M 6, Orange ou encore Google, a été sélectionné pour représenter la France à la Coupe du monde de sushi (World Sushi Cup), à Tokyo, au Japon, où une cinquantaine de chefs issus d’une vingtaine de pays vont s’affronter demain.

Un tremplin dans la carrière de celui qui a débuté comme plongeur dans un restaurant japonais à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). « Ce n’était au départ qu’un job d’été. Lorsque j’ai raté mon bac S pour la deuxième fois, je ne savais pas ce que je voulais faire… », raconte Eric. En dix ans, il a gravi tous les échelons.

« J’ai eu la chance d’observer un chef sushi cuisiner. J’aimais beaucoup la culture japonaise, les mangas et les sushis. Mais, à l’époque, c’était assez cher ; il n’y avait pas encore eu ce boom des restaurants japonais. J’ai appris à faire des sushis moi- même… et je me suis découvert une passion pour cela. »

Et plus particulièrement pour la création de sushis fusion, qui combinent différentes cultures culinaires. « J’ai commencé à créer des recettes lorsque ma femme était enceinte, explique Eric, papa d’une fillette de 4 ans et d’un garçonnet de 2 ans. Comme elle ne pouvait pas manger de poisson cru, j’ai essayé avec du saumon cuit, du poulet, de la tomate et de la mozzarella… »

Parmi les créations qu’il a présenté devant le jury de Tokyo figurent des sushis de saumon mariné au combava (un agrume à l’arôme intense rappelant la citronnelle) et au citron vert, accompagné de citron caviar (un agrume qui renferme des petites billes translucides et croquantes qui éclatent en bouche) et d’une émulsion de whisky japonais, des sushis au chinchard (un poisson bon marché), purée de framboises et zestes de citron vert, ou encore des sushis au bœuf et à la fourme d’Ambert fondue au chalumeau.

Le Point

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