Un indépendant requalifié en salarié par la justice
La justice française continue de requalifier un indépendant en salarié, risque plus fort dans le secteur d’l’hôtellerie et de la restauration.
La cour d’appel de Paris requalifie en contrat de travail le lien entre un ex-chauffeur indépendant et la plateforme de réservation de VTC.
La décision de justice met en lumière le besoin d’adaptation du droit aux évolutions technologiques. F. Bessiere
Coup dur pour Uber, et plus généralement pour les plateformes de réservation de VTC et de livraison de repas à domicile. Dans un arrêt rendu jeudi, la cour d’appel de Paris a qualifié de « contrat de travail » le lien entre un ancien chauffeur indépendant et Uber, mettant en avant « un faisceau suffisant d’indices » caractérisant « le lien de subordination ».
Uber a immédiatement réagi, annonçant son pourvoi en cassation. Pour sa défense, la société américaine rappelle les fondements de la relation avec les chauffeurs, tous travailleurs indépendants. « Les chauffeurs choisissent d’utiliser l’application Uber pour l’indépendance et la liberté de s’y connecter si, quand et où ils le souhaitent, déclare une porte-parole. Concrètement, les chauffeurs peuvent décider de se connecter en temps réel et sans aucune condition d’exclusivité. Cette flexibilité doit être préservée, et c’est pour cela que nous allons former un pourvoi contre cet arrêt. »
Contrats commerciaux
Le 20 juin 2017, Maximilien Petrovic avait saisi le conseil des prud’hommes de Paris pour contester les conditions de rupture de sa relation de travail avec Uber, qu’il assimilait à un licenciement abusif. Il avait demandé la requalification de son contrat en CDI, avec application de la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport. Son compte avait été désactivé, « après une étude approfondie de son cas », selon Uber. Le conseil de prud’hommes de Paris s’était déclaré incompétent, au profit du tribunal de commerce de Paris.
« La Cour de cassation va se prononcer sur la compétence de la juridiction prud’homale, explique Lionel Vuidard, avocat associé en droit social chez Linklaters. À la lumière de l’arrêt qu’elle a rendu fin novembre requalifiant en salarié un livreur à vélo travaillant pour Take Eat Easy, aujourd’hui liquidée, on ne peut pas exclure une décision favorable au chauffeur Uber. Pour les plateformes dont le business model repose sur l’autoentrepreneuriat, ce serait un tournant. Des dizaines de chauffeurs risqueraient de demander à leur tour la requalification de leurs contrats de prestation de services en contrats de travail. »
Une chose est sûre : l’argumentation d’Uber – et plus généralement celles des plateformes -, consistant à se définir comme un simple outil de mise en relation, est fragilisée. « Plusieurs arrêts récents, avant celui-ci, vont dans le sens d’une requalification de livreurs à vélo ou de chauffeurs prestataires en salariés (Le Cab, Take Eat Easy…) », souligne Élise Bénéat, avocate en droit social chez De Pardieu Brocas Maffei.
Si Uber insiste sur la liberté laissée aux chauffeurs (aucun contrôle horaire, liberté totale d’organisation…), la cour d’appel estime pour sa part que « le fait de pouvoir choisir ses jours et heures de travail n’exclut pas en soi une relation de travail subordonnée », à partir du moment où un chauffeur intègre « un service organisé par la société Uber BV, qui lui donne des directives, en contrôle l’exécution et exerce un pouvoir de sanction à son endroit ».
Pour Uber, ce nouvel arrêt met en lumière le flou juridique qui entoure le développement des plateformes et le besoin de clarification et d’adaptation du droit aux évolutions technologiques. « Dans tous les cas, les juges essaient de rectifier les abus des relations commerciales imposées par les plateformes. Celles-ci vont devoir les rendre moins contraignantes, pour laisser plus de liberté à leurs prestataires », pense Élise Bénéat.
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