Surveiller un salarié oui, le filer non !

Le droit de surveillance d'un employeur sur le lieu de travail est parfois méconnu par les salariés. Internet, téléphone, badges, caméras... les moyens permettant de surveiller et contrôler l'activité d'un salarié sont nombreux. Mais sont-ils tous licites au regard du droit du travail et du respect de la vie privée des salariés ? Le point sur les règles applicables.

Surveiller un salarié oui, le filer non !

 

La filature d’un salarié porte nécessairement atteinte à sa vie privée et ne peut donc être utilisée comme moyen de preuve.

Surveiller un salarié oui, le filer non !

Compte tenu de son pouvoir de direction, l’employeur est autorisé à surveiller et contrôler ses salariés pendant leur temps de travail et sur leur lieu de travail. Il a même la possibilité de recourir à un dispositif de surveillance (caméra, géolocalisation…) s’il justifie d’un intérêt légitime et que le système mis en place est proportionné au but recherché.

Mais attention, tout n’est pas permis ! En effet, la filature organisée pour contrôler l’activité d’un salarié constitue nécessairement une atteinte à sa vie privée qui ne peut, vu son caractère disproportionné, être justifiée par les intérêts légitimes de l’employeur. Le compte rendu de filature est, de ce fait, un mode de preuve illicite. Autrement dit, l’employeur ne peut s’en servir pour prouver le comportement fautif du salarié.

Telle est la solution retenue par les juges concernant un employeur qui, suspectant l’un de ses salariés d’exercer une activité d’agent commercial auprès d’une société concurrente, avait eu recours à un détective privé pour faire suivre l’intéressé durant 7 jours, depuis la sortie de son domicile jusqu’à son retour.

Précision : cette solution est applicable quel que soit l’auteur de la filature, un détective privé, un supérieur hiérarchique ou bien l’employeur lui-même.
Cassation civile 2e, 17 mars 2016, n° 15-11412

Le droit de surveillance d’un employeur sur le lieu de travail est parfois méconnu par les salariés. Internet, téléphone, badges, caméras… les moyens permettant de surveiller et contrôler l’activité d’un salarié sont nombreux. Mais sont-ils tous licites au regard du droit du travail et du respect de la vie privée des salariés ? Le point sur les règles applicables.

Surveiller un salarié oui, le filer non !

Ordinateur et Internet

Un employeur a la possibilité d’accéder à l’ordinateur mis à la disposition de son salarié dans le cadre de son travail. Mais peut-il librement consulter les fichiers, les connections ou les emails qui y figurent, y compris lorsque le salarié est absent ?

 

En principe, l’accès à internet au travail doit servir à l’exécution des taches professionnelles et ne pas être utilisé à des fins personnelles par le salarié. Si, en pratique, l’utilisation de l’outil informatique à des fins privées est globalement tolérée dès lors qu’elle n’est pas abusive, l’employeur peut néanmoins mettre en place une charte informatique au sein de l’entreprise afin de réglementer cette pratique.

Dans tous les cas, l’employeur possède un droit d’accès étendu au matériel informatique utilisé sur le lieu de travail. Ses pouvoirs sont souvent méconnus par les salariés.

Sites fréquentés

L’employeur peut contrôler les connexions Internet du salarié même en son absence, puisque celles-ci sont présumées avoir un caractère professionnel. L’employeur peut également consulter la liste des favoris.

Fichiers

L’employeur peut accéder aux fichiers figurant sur le disque dur de l’ordinateur de son salarié, hormis lorsque le salarié a identifié ces documents comme étant personnels. Mais la jurisprudence (Chambre sociale de la Cour de Cassation, 4 juillet 2012) considère que le fait de nommer un disque dur “Données personnelles” n’empêche pas l’employeur d’y accéder pour autant.

Messagerie

L’employeur peut accéder aux mails du salarié sous certaines conditions. Si ces courriers électroniques ne sont pas identifiés comme étant personnels, l’employeur peut les consulter.

Téléphone

Fixe

Beaucoup de salariés ont librement accès au téléphone dans le cadre de leur travail. Cette liberté peut parfois conduire à des abus lorsque le salarié utilise la ligne téléphonique de son entreprise pour passer de longs appels sans lien avec l’exécution de son travail. La jurisprudence a ainsi dégagé certaines règles en matière de surveillance téléphonique des salariés.

Portable

Nombre d’entreprises mettent également des téléphones portables à disposition de leurs salariés pour les besoins de leur activité professionnelle. La Cour de Cassation (arrêt n° 13-14779 de la chambre commerciale du 10 février 2015) considère que l’employeur peut consulter les SMS reçus sur ces téléphones même en l’absence de l’intéressé, ces messages étant présumés avoir un caractère professionnel. En revanche, les messages reçus sur ces téléphones ne peuvent pas être consultés par l’employeur dès lors qu’une mention “personnelle” est identifiée dans l’objet du SMS.

Documents, dossiers et papiers du bureau

Les documents figurant sur le lieu de travail d’un salarié sont présumés avoir un caractère professionnel. En principe, l’employeur peut donc librement les consulter. A ce titre, il peut notamment accéder aux documents figurant dans les armoires ou les tiroirs du bureau du salarié.

En revanche, la jurisprudence considère que cette consultation est restreinte dès lors que le salarié a identifié les documents comme étant personnels. Dans ce cas, l’employeur ne peut y accéder qu’en la présence du salarié, ou après avoir demander au juge la désignation d’un huissier de justice pour le faire.

Dans le même sens, lorsqu’un salarié reçoit des lettres sur son lieu de travail, le contenu de ces courriers est protégé par le secret des correspondances si leur caractère personnel est spécifié.

Caméras et badges électroniques

L’employeur peut utiliser différents moyens de contrôle pour surveiller ses salariés. En principe, cette pratique est permise dès lors que les moyens mis en oeuvre n’ont pas un caratère disproportionné vis-à-vis des libertés des salariés. Avant de mettre en place ces procédés, l’entreprise doit au minimum informer ses salariés ainsi que le comité d’entreprise. Ce dernier doit notamment être consulté sur les modalités de mis en oeuvre du dispositif envisagé.

Les moyens de contrôle les plus souvent utilisés en pratique sont :

les badges électroniques permettant de vérifier les horaires d’entrée et de sortie du salarié dans l’entreprise et de contrôler son activité
les dispositifs de surveillance vidéo dont la mise en place est subordonnée au respect de certaines conditions. Voir ainsi les règles applicables aux caméras de surveillance dans l’entreprise.

Filature

L’employeur ne peut pas mettre en place une filature à l’encontre d’un salarié. Ce procédé porte atteinte à sa vie privée. Il s’agit donc d’un mode de preuve illicite qui ne sera pas retenu par les tribunaux en cas de litige. Cette règle est valable aussi bien lorsque l’employeur a recours à un détective privé que lorsque c’est lui-même (ou l’un de ses subordonnés) qui exerce la filature.

Pour un exemple de filature jugée illicite par les juges dans un cas de surveillance pour soupçons de concurrence déloyale exercée par le salarié en faveur d’une autre entreprise, voir l’arrêt n° 15-11412 rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 17 mars 2016.

Emploi à domicile

Le cas de la surveillance vidéo des salariés employés à domicile (assistante maternelle, femme de ménage, infirmière…) est un peu particulier. Bien qu’il soit chez lui, le particulier employeur qui souhaite filmer son employé est soumis aux règles du droit du travail. Selon la CNIL, cela suppose d’informer les salariés concernés de l’installation des caméras ainsi que de leur but. En outre, les salariés ne doivent pas être filmés en permanence.

 

 

 

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