Un salarié peut-il jouer à Candy Crush au travail ?

Un salarié peut-il jouer à Candy Crush au travail ?

Maître Eric ROCHEBLAVE vous conseille et vous défend

Un salarié peut-il jouer à Candy Crush au travail ?

Au travail, le salarié doit… travailler ! Jacques de Chabannes, marquis de La Palice n’aurait pas dit mieux.

Alors, jouer à Candy Crush au travail… ? ou tout autres jeux ?

Non !

Sauf si… pas vu, pas pris…

Si pris… pas nécessairement pendu ! 🙂

En effet, il appartient aux employeurs de rapporter la preuve matériellement vérifiable que leur salarié joue à Candy Crush au lieu de travailler, manquant ainsi à son obligation de loyauté.

Et bien souvent, les employeurs échouent à rapporter cette preuve…

Les sanctions disciplinaires prononcées à l’encontre des salariés sont alors jugées sans cause réelle et sérieuse !

Exemples :

La lettre de licenciement adressée à M. C. le 17 avril 2014, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« (…) Je passe vous voir dans la nuit du 16 au 17 avril 2014 à 0h30. Je vous surprends sur internet en train de jouer alors que votre collègue est seule à faire les tâches ménagères de nuit au secteur les ‘ Cerisiers’.

Je vous demande de laisser le poste car le temps que j’arrive jusqu’à vous, vous réduisez le jeu ‘Candy Crush‘ et ouvrez le logiciel de soin. Je vous demande de laisser l’ordinateur et de vous écarter. Je constate qu’à ce moment précis, aucune trace d’un éventuel travail ou transmission de soin n’est faite sur le logiciel de soins. Par contre, le jeu ‘candy crush‘ est ouvert et en cours de jeu.

Je souhaite consulter l’historique de vos consultations sur internet et je constate que l’onglet ‘supprimer l’historique de navigation’ d’internet explorer est coché, de ce fait, l’historique s’efface dès que nous fermons internet explorer.

Je regrette qu’à cette heure non avancée de la nuit vous soyez déjà en train de jouer. »

La Cour d’appel de Riom a jugé :

« Dans la nuit du 16 au 17 avril 2014 à 0h30, la directrice de l’association APAD la Résidence ‘Le Jardin des sources’ dit avoir :

– surpris M. C.sur internet en train de jouer alors que sa collègue est seule à faire les tâches ménagères de nuit au secteur les Cerisiers et lui avoir demandé de laisser le poste, car le temps qu’elle arrive jusqu’à lui, il réduisait le jeu ‘Candy Crush‘ et ouvrait le logiciel de soin

– constaté, au moment précis où elle lui a demandé de laisser l’ordinateur et de s’écarter, qu’il n’y avait aucune trace d’un éventuel travail ou transmission de soin faite sur le logiciel de soins et que par contre, le jeu ‘candy crush‘ est ouvert et en cours de jeu.

– constaté, après avoir émis le souhait de consulter l’historique de ses consultations sur internet, que l’onglet ‘supprimer l’historique de navigation’ d’internet explorer est coché, et que de ce fait, l’historique s’efface dès que l’on ferme internet explorer.

 C. conteste cette version des faits, expliquant, sans être utilement contredit, que lorsque Mme N., la directrice, est arrivée, Mme N. rangeait le chariot de ménage, après qu’ils aient fait le ménage ensemble au secteur des Cerisiers.

 Il produit aussi l’attestation de Mme Charline M., déclarant qu’il est très professionnel, que le fait d’utiliser un ordinateur de manière ludique, n’était pas dans le but de se soustraire à ses missions, mais bel et bien pour se maintenir en éveil, et que le travail de nuit nécessite parfois de trouver des occupations afin de rester éveillé et attentif à ce qui se passe sur le lieu de travail, ce qui laisse présumer que M. C. n’est pas le seul à utiliser des jeux comme dérivatif dans ses temps de pause.

 L’association APAD la Résidence ‘Le Jardin des sources’, en l’absence de tout autre élément de preuve, ne démontre nullement que M. C. ait été occupé à un jeu alors que d’autres tâches professionnelles étaient en attente, en observant encore, qu’il n’est pas établi que M. C. était habituellement occupé à jouer pendant son service. »

Cour d’appel, Riom, 4e chambre civile, 9 Janvier 2018 – n° 16/00903

 

***

  

« La lettre de licenciement reçue par Madame V. est ainsi libellée :

 (…) vous vous êtes consacrée abusivement à des activités Internet extraprofessionnelles sur votre temps de travail au détriment de vos missions. Ces activités formellement interdites sont : jeux vidéo (Candy Crush), réseau social (Facebook), visites de sites divers (vétements, voyages). Il s’agit d’un comportement absolument intolérable, d’une violation de vos obligations contractuelles, et d’une nuisance considérable a la bonne marche de la Pharmacie de la Mairie (…)

Nous avons constaté à maintes reprises de votre part :

(…) des prises en charge expéditives de clients afin de retrouver au plus vite Candy Crush, Facebook (…)

« Votre attitude pendant le temps de travail va totalement a contre-courant de nos directives car entre 2 parties de ‘Candy Crush‘ : vos prises en charge des clients étaient tardives, bâclées, nos différents services très peu proposés, et donc le niveau de recrutement pour les rendez-vous très faible, la fidélisation et la satisfaction des clients avortées, l’ambiance gâchée, et au final : sabordage de notre entreprise. »

La Cour d’appel de Chambéry a jugé :

« Attendu que si les attestations montrent le manque de réactivité de la salariée dans le cadre de son travail, et l’existence de difficultés relationnelles qui se sont instaurées peu à peu avec ses collègues, elles n’établissent pas que Madame V. passait une grande partie de son temps sur internet et faisait un usage abusif de l’ordinateur à une période où aucune charte informatique n’avait été mise en place ni signée par les salariées,

Que d’autre part, bien que ce comportement ait été remarqué par l’employeur depuis l’automne 2013, celui-ci ne justifie pas en avoir fait le reproche à sa salariée ni l’avoir sanctionnée à ce titre depuis cette période,

Que par ailleurs le constat d’huissier tel qu’il est libellé ne précise pas que l’huissier a lui-même constaté que Madame V. était bien utilisatrice de l’ordinateur sur lequel il a constaté la page ouverte sur un jeuCandy crush‘.

Que dans la mesure où les attestations produites ne rapportent pas la preuve de ce que Madame V. a fait un usage abusif d’internet, aucune faute grave ne peut lui être reprochée à ce titre,

Que l’insubordination alléguée par Madame L.n’est justifiée par aucune pièce versée aux débats, l’employeur ne rapportant pas non plus la preuve de l’existence d’un préjudice résultant du comportement de la salariée pour l’entreprise tel que l’affirme l’employeur dans la lettre de licenciement, »

Cour d’appel, Chambéry, Chambre sociale, 24 Novembre 2016 – n° 16/00142

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

Consultations par téléphone
http://www.rocheblave.fr

L’Actualité du Droit du Travail
et du Droit de la Sécurité Sociale
http://www.droit-du-travail.org

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