Le SMIC pour un serveur ou un plongeur est-il de 1400 euros nets?

Le SMIC pour un serveur ou un plongeur est-il de 1400 euros nets ?

L’affirmation, issue d’un responsable patronal du secteur, est basée sur un temps de travail supérieure à 35 heures et sur certains avantages dont bénéficient aussi les autres salariés.

Le SMIC pour un serveur ou un plongeur est-il de 1400 euros net?
Un serveur dans un restaurant le 11 avril 2013 à Paris Photo FRED DUFOUR. AFP

Question posée par Nicolas le 6 août 2018

Bonjour,

Nous avons reformulé votre question, qui était ainsi rédigée: «Le salaire minimum pour un serveur ou un plongeur en restauration est-il de 1400 euros net?»

Votre question fait référence à une déclaration de Pascal Pélissier, vice-président de la branche café-bars-brasserie du syndicat national des hoteliers-restaurateurs (GNI- Synhorcat). Alors que la profession, face à la pénurie de candidats, réclame des facilités pour embaucher des demandeurs d’asile, le représentant patronal entendait tordre le cou à la mauvaise image de la filière. Le 6 août sur RMC, il déclarait, notamment : «Quant aux salaires, il y a beaucoup de spéculations là-dessus. Le smic hôtelier est à 1 400 euros nets par mois, ce qui n’est pas une misère», ajoutant que c’est «obligatoire».

Le montant évoqué a fait réagir, certains le comparant au smic à 1 170 euros nets. Mais en fait, la comparaison avec le «smic hôtelier» à 1400 euros est trompeuse.

Contacté par Cheknews, le syndicat patronal explique ainsi que «pour arriver a cette conclusion, il faut prendre le smic hôtelier, plus quatre heures supplémentaires pour arriver à 39 heures par semaine, plus un repas et une moitié de pass navigo [abonnement transport en île-de-France, ndlr]».

Pour comprendre cette énumération, il faut se référer aux conditions de travail propres au secteur des hôtels, cafés, restaurant (HCR), telles que définies dans leur convention collective.

Celle-ci prévoit en effet que le temps de travail dans ce champ professionnel est, par défaut, de 39 heures par semaine. Sauf que rien n’empêche un employeur de «retenir une durée inférieure», comme le précise la convention collective. Et de faire par exemple travailler ses salariés 35 heures payées 35. La rémunération sur la base de 39 heures n’a donc rien d’«obligatoire».

Mais même en restant à la durée par défaut de la convention collective, la comparaison avec un smic “normal” n’a aucun sens dans la mesure où le salarié en question va travailler 4 heures de plus par semaine qu’un salarié aux 35 heures.

On peut même considérer que la profession est plutôt en dessous du standard des salariés de droit commun. Et ce, à deux titres. Le minimum conventionnel, tout d’abord, est inférieur au smic (9,86 euros brut de l’heure, contre 9,88 euros au 1er janvier 2018 pour le salaire minimum). Sans conséquence cependant pour le salarié, puisque les employeurs doivent appliquer le smic et non pas le minimum conventionnel quand ce dernier est inférieur au smic.

Deuxième point, plus gênant pour les salariés: la majoration de ces quatre heures sup est inférieure à ce que touche un salarié classique travaillant 39 heures. Un avenant à la convention collective prévoit en effet, comme le rend possible le Code du travail, une majoration de seulement 10% des quatre premières heures sup, contre 25% sans accord dérogatoire. Soit, par mois, 1498,50 euros brut auxquels s’ajoutent 188,34 euros brut pour 17,33 heures supplémentaires (au lieu de 214 euros si elles avaient été rémunérées à 25%). Soit, en net, un total de près de 1300 euros.

À cela s’ajoutent les repas. L’usage dans la profession est effectivement de nourrir les salariés présents aux heures des repas. Si celui-ci n’est pas pris sur place, l’employeur versera des «indemnités compensatrice de nourriture» d’un montant de 3,54 euros par jour, soit 78,54 euros par mois (pour un repas par jour travaillé). S’il est pris sur place, il ne touchera rien, mais devra néanmoins payer des cotisations sociales sur cet avantage en nature. Dans un cas comme dans l’autre, cet avantage d’un repas par jour correspond à 78,54 euros brut par mois, soit près de 60 euros net.

Vient ensuite le remboursement partiel des transports. Et en l’espèce, en île-de-France, de la moitié du Pass navigo, d’un montant de 75 euros mensuels. Soit 37,5 euros. Mais cette pratique, le remboursement de 50% des abonnements aux services de transports publics (ou de vélo) n’a rien de particulier au secteur HCR. Il s’agit d’une obligation pour toutes les entreprises.

Ces trois éléments de rémunération additionnés conduisent bien à 1400 euros net. Reste qu’au final, ils n’ont en fait rien de plus avantageux que les autres secteurs. Certes, la prise en compte du repas est automatique, mais les heures sup sont moins rémunérées que dans la plupart des entreprises qui appliquent la majoration (25%) prévue par défaut par le Code du travail. L’un dans l’autre, et pour une même durée du travail à 39 heures, l’avantage n’est que d’une quarantaine d’euros net par mois par rapport à un «smicard» d’un autre secteur, et pas 230 euros comme certains ont pu le comprendre. Et seulement en considérant que le salarié avec lequel on compare le serveur ou le plongeur ne bénéficie pas de cantine ou de tickets-restaurants.

Luc Peillon

 

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