Paris: Une coopérative de livreurs à vélo pour lutter contre l’uberisation du secteur?
ECONOMIE COLLABORATIVE Le Francilien Jérôme Pimot veut, avec cette coopérative, prendre sa revanche sur les plateformes web qui l’ont employé sous le statut peu enviable d’auto-entrepreneur…
Jamais salarié, toujours auto-entrepreneur
Vous avez sûrement déjà vu leur nom bien en évidence sur les tenues de coursiers parisiens. Toktoktok, Take Eat Easy, aujourd’hui fermées, mais aussi Deliveroo, Foodora ou Stuart. Jérôme Pimot a travaillé pour les trois premières. Jamais comme salarié, toujours comme auto-entrepreneur. C’est l’une des particularités du secteur : les start-up qui s’y lancent préfèrent sous-traiter les livraisons à des indépendants plutôt que de salarier leurs coursiers.
Elles y gagnent beaucoup. Pas de charges patronales, pas de couverture en cas d’accident de travail, pas de vélo à fournir aux livreurs. « Paradoxalement, elles imposent pour la plupart de porter des tenues à leur effigie, comme si, pour le coup, on était salarié », note Jérôme Pimot.
Des changements soudain de tarification
Mais où le Francilien tique le plus, c’est sur la tarification. « Lorsqu’elles se lancent, ces plateformes ont un grand besoin de coursiers et se montrent alors séduisantes », explique-t-il. Jérôme dit ainsi avoir gagné 500 euros par semaine les premiers mois qu’il roulait pour TokTokTok.
Mais la donne change très vite une fois un nombre suffisant de coursiers atteint. « En 2014, TokTokTok a ainsi arrêté de payer ses coursiers à l’heure et optait pour un tarif à la course opaque et défavorable aux coursiers, illustre Jérôme Pimot. Deliveroo vient de faire de même en juillet dernier, quelques jours après que Take eat easy ferme la porte.Elle payait jusque-là ses coursiers 7,50 euros de l’heure plus un tarif à la course compris entre 2 et 4 euros. Les livreurs sont désormais payés essentiellement à la course et à un tarif de 5,75 euros. »
Une coopérative pour changer la donne
Ces méthodes ont le don d’agacer Danielle Simonnet, conseillère de Paris connue pour son combat contre Uber. « Nous sommes là encore dans un cas d’uberisation sauvage de la société », fait-elle remarquer. Pas étonnant alors que Jérôme Pimot et l’élue Front de Gauche ont fini par se rencontrer. Le premier songe à créer une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), une forme de coopérative « qui permettrait d’assurer une meilleure protection sociale et des conditions de travail décentes aux coursiers », raconte-t-il.
Danielle Simonnet veut justement aider. Elle proposera, au conseil de Paris qui s’ouvre ce lundi, un vœu pour que soit engagée une réflexion associant les livreurs à vélo et la ville de Paris en vue de créer cette coopérative. « La ville a tout intérêt à s’y impliquer, rien que pour renforcer un peu plus encore sa politique en faveur du vélo », note la conseillère de Paris.
Reste à convaincre les coursiers
« Paris pourrait alors investir dans la coopérative, prêter un local voire aider à nous faire connaître », rêve déjà Jérôme Pimot. Le coursier devra aussi convaincre ses collègues du Collectif coursier francilien. Constituée en mai dernier, l’association compte un millier de membres dont d’ailleurs Jérôme Pimot. Elle défend les intérêts des coursiers à vélo indépendant, notamment ceux mis à la porte de Take it Easy, après la liquidation judiciaire de la start-up, sans que leur salaire de juillet ne soit payé.
Une bonne idée cette coopérative ? « Il faut voir, répond Matthieu Dumas, son président. Jérôme nous a présenté son projet mais nous n’en avons pas encore discuté en assemblée générale. L’enjeu serait de savoir si cette coopérative permettra aux coursiers qui le souhaitent de garder un statut d’indépendant. » C’est toute la complexité du secteur : « l’auto-entreprenariat offre une flexibilité appréciable, rappelle Mathieu Dumas. Pour beaucoup, coursiers à vélo est un job étudiant ou juste un complément d’activité. »
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